Où est passée la démocratie sociale ?
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La campagne de la CGT sur le coût du capital, se décline
dans les départements. Une journée d'étude organisée le 29 avril par l'union départementale CGT
du Lot-et-Garonne a donné lieu à un débat très animé, précieux pour affronter une bataille d’idées décisive.
«Comment on dit “Stop” ? »
Stop à la situation économique et sociale que vivent les salariés, les retraités et les privés d'emploi. Stop au matraquage du patronat et du gouvernement qui assènent que notre travail et notre système de protection sociale coûtent cher. La question anime, à Marmande, la soixantaine de militants issus des commissions exécutives des structures locales, des professions et des syndicats du territoire lot-et-garonnais, réalité du terrain oblige : « Dans l'agriculture, l'arrivée de plus en plus importante de salariés originaires d'Europe de l'Est s'accompagne de la mise en concurrence des travailleurs français et de travailleurs étrangers qui sont soumis à des conditions de rémunération, de vie et de travail dignes de l'esclavage, témoigne un militant du secteur. Que faire, alors, pour répondre aux uns et aux autres, les défendre, mais aussi pour mettre fin à une division qui ne sert finalement que les employeurs ? »
Le contexte général, marqué par l'accélération des destructions d'emploi et par la remise en cause du principe même de fiscalité, favorise le repli individualiste et limite les revendications à la satisfaction – légitime – de droits et de besoins immédiats : « Il me semble qu'il existe un décalage entre les propositions de la CGT et les préoccupations des collègues, ajoute un militant de la caisse primaire d'assurance maladie. Certains, par exemple, attendent d'avoir très rapidement une augmentation de salaire depuis l'annonce d'une baisse des cotisations sociales payées par les salariés. »
Alors que faire ? Que faire pour lutter contre la résignation et pour faire entendre qu'un autre modèle économique, social, fiscal est possible ? « La bataille idéologique est très importante et porte sur une question essentielle : savoir comment sont créées les richesses et qui les crée. Si on ne sait pas y répondre, on ne peut pas se saisir de la question du coût du capital. Voilà pourquoi il est essentiel que chaque militant soit en capacité de répondre aux problématiques économiques, la définition de la valeur ajoutée particulièrement, et d'aborder celles du financement public et de la démocratie sociale », répond Michel Fourcade.
Le militant girondin, représentant CGT au Ceser (conseil économique, social et environnemental régional) Aquitaine, dirige les débats avec Yamina Kraria, secrétaire de la fédération des finances publiques CGT et de la CGT Gironde, et de Michel Valentin, animateur du pôle revendicatif à l'union départementale CGT du Lot-et-Garonne.
La campagne de la CGT a accouché d'un diaporama dont le contenu, vulgarisé, sert de base au débat lot-et-garonnais. Et d'une méthode de travail qui laisse une grande place aux échanges : « C'est la priorité des priorités aujourd'hui si on veut entendre les difficultés que rencontrent les militants sur le terrain, et si l'on veut qu'ils s'approprient le débat pour répondre aux interrogations des salariés ou aux arguments avancés par les libéraux et le patronat. Il ne s'agit pas d'asséner des chiffres et des graphiques sans être certain que chacune et chacun des participants à la journée d'étude reparte avec un peu plus de billes pour discuter sur son lieu de travail et pour soutenir les mobilisations à venir. »
L'exercice paie au regard des interpellations venues de la salle : « La valeur ajoutée, comment ça se calcule ? », « Le travail, le capital, ils coûtent moins cher dans les autres pays, en Europe et dans le monde ? », « La réindustrialisation et la nationalisation pourquoi pas, mais avec quels critères et quel contrôle ? »
Le fil conducteur de la journée tient bon malgré les discussions à bâtons rompus. Les remarques, les demandes de précision et les échanges témoignent de l'utilité et de la pertinence du sujet. La demande et l'effort de pédagogie sont réels.
Cette première, en Lot-et-Garonne, constitue un rodage pour des intervenants dont l'objectif reste de rendre le débat aux militants et aux citoyens sans le laisser confisquer par quelques experts : « L'organisation de cette journée d'étude permet à un plus grand nombre de militants d'exprimer les problématiques qui les intéressent, aussi de se former en acquérant des clefs de compréhension », constate Abdel Hammoud, membre de la commission exécutive de l'union départementale de la Gironde, en charge avec Yamina Kraria de développer ce type d'animation dans son département. « En intervenant de la sorte, on porte le curseur ailleurs. On place l'éclairage sur le coût du capital, non plus sur le coût du travail. Et c'est cette logique qu'il faut avoir en tête si l'on veut comprendre et défendre nos revendications et notre stratégie syndicale. »
L'amélioration des conditions de vie des salariés, la meilleure répartition des richesses, la démocratie sociale comptent parmi le cahier revendicatif de la confédération : « Si on ne met pas en cause le fonctionnement et la logique de l'économie, dont sa financiarisation depuis une trentaine d'années, on n'avancera pas, conclut Yamina Kraria. Le rapport de force doit être relevé car, aujourd'hui, on est au pied du mur. » En ordre de bataille toutefois…
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« S'adapter aux questions »
Yamina Kraria : D'abord une volonté, de la part de la direction confédérale, de mener la bataille idéologique au plus près des militants en organisant leur formation en territoire. C'est ainsi que, à l'issue d'une journée de formation animée par Nasser Mansouri à Bordeaux, nous avons discuté avec les camarades lot-et-garonnais et que, à leur initiative et sur leur invitation, nous avons animé cette journée du 29 avril. Elle nous apprend également que nous devons vraiment écouter la demande des militants et que nous devons proposer des initiatives, tant sur le fond que sur la forme, adaptées aux questions qu'ils se posent, aux problématiques qu'ils rencontrent sur le terrain.
Comment former les militants pour qu'ils se lancent dans le débat sans qu'ils pensent que les problématiques économiques, particulièrement celle du coût du capital, relèvent de l'expertise de quelques-uns…
Si une formation générale reste utile, le besoin apparaît également d'une formation particulière. Le contexte fait émerger des volontés de débattre, de savoir et de comprendre ; à la fois dans les entreprises, les administrations et les structures. À nous d'organiser la réponse en faisant appel au plus grand nombre, élus et mandatés CGT, pour aborder des questions de fond telles que la démocratie et la transformation sociales ; le tout sans oublier de dire et expliquer ce que propose la CGT.
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VOIR AUSSI l’émission d'Expression directe réalisée par Jean-Michel Fouque avec la participation de Nasser Mansouri-Guilani, économiste.
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