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ROYAUME-UNI

Les syndicats, le Labour et Corbyn

18 septembre 2015 | Mise à jour le 2 mars 2017
Par | Photo(s) : AFP
Les syndicats, le Labour et Corbyn

Nouveau leader travailliste estampillé « à gauche toute », conférence annuelle des syndicats, projet de loi antisyndicale au Parlement. La semaine dernière fut chargée pour les syndicats anglais. Entretien avec Lionel Fulton, directeur du Labour research department (département de recherche sur le travail) à Londres.

Alors que Jeremy Corbyn était élu à près de 60 % des suffrages à la tête du Labour le 19 septembre dernier, le congrès annuel des syndicats anglais (TUC) se tenait du 13 au 16 septembre et le projet de loi antisyndicale était débattu par les députés cette semaine-là.

Quelle est votre analyse de la victoire, le 19 septembre dernier, de Jeremy Corbyn aux élections primaires du Labour ?

Même si à la fin de la campagne on a commencé à s'attendre à sa victoire, la dimension de celle-ci qui a recueilli presque 60 % de votes exprimés indique qu'il y a un vrai désir des militants du parti travailliste de changement par rapport aux politiques menées par le passé.

Une des choses les plus frappantes de la campagne a été le degré d'implication de beaucoup de gens avec une foule importante assistant à des meetings et en particulier la proportion de jeunes. Cela démontre une forte attente au moins parmi les sympathisants du Labour.

 

Quel sera l'impact de cette élection sur la capacité d'action des syndicats ?

Je pense que ça va encourager les syndicats à être plus actifs. Les syndicats anglais font actuellement face à une véritable attaque de la part du gouvernement conservateur majoritaire au Parlement depuis mai dernier alors qu'il gouvernait avec une coalition auparavant. Ils ont soumis cette semaine le projet de loi sur les syndicats qui veut acter des changements radicaux quant au droit de grève et de protestation et les syndicats sont déterminés à le combattre. Je pense que le soutien de la direction du parti travailliste va les encourager encore davantage à cela.

 

Mais concrètement, les conservateurs ayant la majorité, cette loi pourrait bien passer malgré les critiques des syndicats et même des députés travaillistes…

C'est tout à fait juste. Il y a différents aspects de la législation et de la tradition au Royaume-Uni qui sont un peu différents qu'en France où il y a effectivement des exemples de mobilisations populaires qui ont forcé le gouvernement à changer sa politique. Ce fut le cas pour le régime des retraites, par exemple. C'est plus rare au Royaume-Uni, il faut remonter loin.

Cela dit, je pense que les aspects les plus durs comme le droit de grève qui supposerait désormais un préavis de deux semaines et le signalement de toute campagne médiatique sur Twitter ou Facebook, pourront évoluer. Cela pourrait changer au cours des discussions car certains conservateurs sont inquiets et y voient une attaque aux libertés individuelles.

Mais il est probable que le plus gros du projet de loi passe effectivement. A l'évidence, il ne s'agit pas seulement de ce qui s'acte au parlement mais de comment les gens, les salariés réagissent à cela dans la vie quotidienne, sur le terrain. Et ce qui s'est vu cette semaine, lors de la TUC, c'est plusieurs leaders syndicaux disant qu'ils étaient prêts à user de tous les moyens nécessaires pour défier la nouvelle législation et continuer à agir quand ils jugeront que c'est nécessaire dans l'intérêt de leurs syndiqués.

Je pense donc qu'on pourrait voir des cas où les syndicats mèneront des actions quand bien même elles seront considérées comme illégales. Mais il faut voir ce qui va se passer.

 

Vous étiez à la Conférence des syndicats, le 15 septembre, quand Jeremy Corbyn a pris la parole…

Oui, il a été chaleureusement reçu par les délégués syndicaux. Il a rappelé qu'il était lui-même issu du mouvement syndical, qu'il partageait ses revendications. Et puis, il y a eu ce temps fort de son discours où il s'est tourné vers un groupe de syndicalistes en grève depuis plusieurs mois pour s'opposer à la privatisation du secteur de surveillance du musée de la National Gallery de Trafalgar Square que les touristes français connaissent bien.

Il leur a adressé un : « Je vous soutiens dans votre lutte, nous vous soutenons dans votre lutte », ce qui marque un changement de ton évident par rapport. Globalement, il a martelé que les choses pouvaient changer qu'il n'y avait pas de fatalité. Oui, nous voulons dépenser moins d'argent dans les allocations mais en nous assurant que les salaires sont plus hauts de façon à ne pas avoir besoin d'être assistés par les contribuables et l'État et on veut réduire les loyers pour voir moins d'argent aller de l'État aux mains des propriétés privées. Enfin, bien sûr, il a promis que le Parti travailliste s'opposerait d'autant plus fermement au projet de loi syndicale et que s'il était élu en 2020, il l'abrogerait.

 

Pensez-vous que son élection pourrait redynamiser la mobilisation syndicale ?

Les syndicats anglais ne sont pas démobilisés, ils font face à une situation très difficile actuellement. Mais c'est encourageant qu'à l'intérieur du Labour, on puisse changer l'orientation politique et que cela ne se fasse pas par des petits arrangements, mais à travers une campagne extrêmement populaire qui a impliqué des centaines de milliers de personnes. Enfin, autre donnée encourageante que Jeremy Corbyn a précisé à la conférence des syndicats : depuis son élection, le Labour a recueilli 30 000 nouvelles adhésions ce qui, en 3 ou 4 jours, est énorme.

 

Quel signal cette élection envoie-t-elle aux partis ou rassemblements citoyens européens de gauche  ?

Ce qui est intéressant de noter, c'est d'abord que l'arrivée de ce leader se fait à l'intérieur même du parti social démocrate existant et non pas à l'extérieur. Ensuite, il faut relever l'implacable campagne de propagande qu'il a déchaînée contre lui de la part de la droite et particulièrement des médias de droite. Il est constamment pilonné, estampillé comme venant de l'extrême gauche, traité d'antipatriote. Il y a clairement une tentative de le disqualifier en prétendant qu'il ne représente pas le Royaume-Uni, qu'il ne représente pas les gens.

 

Quelle sera sa position au sujet de la sortie du Royaume-Uni  de l’UE ?

Il est globalement en faveur d'un maintien du Royaume-Uni à l'intérieur de l'UE, mais tout dépendra du résultat des discussions sur une réforme de l'Union Européenne que mène le gouvernement britannique actuellement. Si à nouveau le Royaume-Uni devait obtenir d'échapper aux réglementations sociales, alors le Labour pourrait militer en faveur du Brexit.