Grève générale grecque contre l’austérité
Les travailleurs grecs ont massivement participé le 30 mai à la grève générale à laquelle appelaient les principaux syndicats du privé et du public. Lire la suite
« Devant nous s’ouvre la voie du travail et des luttes. » C'est par ces mots qu'Alexis Tsipras a commenté, dimanche soir, la victoire – relative – de Syriza aux élections législatives anticipées en Grèce. Ou, plus encore, la défaite des listes des partis historiques et libéraux, comme celle, de fait, des créanciers du pays et de la troïka. Depuis les élections du 25 janvier qui avaient porté Syriza au pouvoir, ceux-ci n'ont eu de cesse, en effet, de multiplier pressions et chantages contre toute possibilité de renégociation de la dette, en particulier en pesant sur les liquidités du pays.
Un enjeu plus politique qu'économique: il s'agissait, pour eux, d'empêcher la rupture avec les politiques d'austérité des gouvernements précédents, de décrédibiliser Syriza, qui l'avait promise, de diviser le mouvement, voire de l'écarter de la scène durablement, et d'éviter en Europe la contagion des revendications démocratiques comme de l'exigence d'alternatives aux orientations ultra-libérales. Le résultat des urnes de ce dimanche leur aura donné tort.
SYRIZA EN TÊTE
Syriza a donc obtenu dimanche 35,53 % des voix et 145 sièges sur 300 au parlement, contre 28,05 % et 75 sièges pour Nouvelle Démocratie (droite) de Vangelis Meïmarakis.Le parti néonazi Aube dorée, surfant sur les conséquences des mesures imposées par la troïka, dénonçant la politique d'accueil d'Athènes face aux réfugiés qui fuient la mort outre-Méditerranée, prônant un repli identitaire, aurait, lui, 7,09 % des voix, et 19 députés.
Le Pasok socialiste n'obtient qu'un peu plus de six points et 17 élus, le KKE communiste 5,5 % et 15 députés, devant le parti centriste Potami, Anel (le parti souverainiste de droite des Grecs indépendants) et l’Union des centristes. Unité populaire (le mouvement fondé par d'anciens députés de Syriza refusant l'accord adopté avec les créanciers, dénoncé comme une capitulation évitable) n'aurait pas suffisamment de voix pour prétendre à des sièges.
Avec 45% des inscrits, l'abstention est le premier fait marquant. Elle a en effet progressé de quelque dix points par rapport aux élections du 25 janvier. En fait, l'accord du 13 juillet dernier entre Alexis Tsipras et les créanciers, les conditions économiquement insoutenables et socialement insupportables imposées par ces derniers, ont pesé très lourd. Près de la moitié des électeurs a donc choisi non pas de désavouer Syriza en votant pour ses adversaires, mais de ne pas voter.
De fait, la rue n'était pas en liesse dimanche soir à l'annonce des résultats comme elle l'avait été en janvier, ou à l'annonce des résultats du référendum du 5 juillet, lors duquel plus de 60% des électeurs avaient réaffirmé leur refus des conditions iniques de la troïka à un nouveau prêt censé rembourser prioritairement les intérêts de dettes au bénéfice des banques privées.
C'est que le dernier mémorandum négocié par Alexis Tsipras et adopté par la Vouli, le parlement grec, renforce de fait les mesures d'austérité, à commencer par les retraites, tout en imposant des privatisations massives, comme celles des ports du Pirée et de Thessalonique, et l'obligation, pour le gouvernement d'Athènes, de soumettre ses principales décisions aux créanciers.
Or, comme le rappelait Filippa Chatzistavrou (chercheuse en sciences politiques à l'Eliamep, Fondation grecque pour la politique européenne et étrangère), invitée par l'AJIS (Association des journalistes de l'information sociale) à la veille des élections, la pauvreté absolue a augmenté en Grèce entre le premier mémorandum de 2010 et 2014, au point que le seuil de pauvreté a diminué de 36 % entre ces deux années, et est tombé à 384 euros par mois (60 % du revenu médian) pour un célibataire.
En 2013, rappelle la chercheuse, la Grèce détenait même le record européen de population sous le seuil de pauvreté, devant la Roumanie, la Bulgarie, la Lituanie, l'Espagne, et la Croatie… Seule la Roumanie dépasse son taux de pauvreté au travail. Ce, en particulier du fait de la violence de « l'ajustement » des salaires. Mais aussi des pensions de retraite, divisées par deux.
La Grèce est en même temps l'un des pays les plus inégalitaires d'Europe, avec la Roumanie, la Bulgarie, le Portugal et la Lettonie.
Ce sont bien les politiques conduisant à ces injustices au seul bénéfice des banques privées et des plus riches que les électeurs grecs ont refusées.
Les électeurs ont cependant mesuré aussi l'ampleur de la bataille à mener contre la troïka pour imposer un changement d'orientations. Alexis Tsipras a dû céder face aux exigences de la Banque centrale européenne, de la Commission, mais aussi des chefs d'État ou de gouvernement des autres membres de la zone euro, à commencer par l'Allemagne et la France, quant aux mesures antisociales et néfastes pour l'économie du pays à adopter en échange d'un prêt de 86 milliards d'euros. Lequel prêt doit être rapidement absorbé en remboursements d'emprunts précédents.
Mais il a cependant réussi à imposer la renégociation de la dette ou à tout le moins son rééchelonnement, comme son gouvernement était parvenu, au début du mandat, à augmenter les petites retraites, à réembaucher une partie des fonctionnaires licenciés par ses prédécesseurs, à faire adopter une loi sur la crise humanitaire permettant d'empêcher les coupures d'eau et d'électricité, et même à permettre un début d'inversion de la courbe du chômage (qui atteint cependant toujours près de 25 % de la population active) et une hausse du PIB (0,8 %).
Dans un tel contexte, les électeurs ont donc choisi de porter de nouveau au pouvoir Syriza pour que, en dépit des accords imposés cet été par les créanciers, les conditions de leur mise en œuvre soient l'objet de nouvelles batailles, au même titre que la renégociation de la dette. Alexis Tsipras, qui a fait le pari de la démocratie, a été nommé premier ministre dès lundi, et a reconstitué l'alliance, qu'il avait structurée pour le précédent mandat, avec l'ANEL (parti souverainiste des « Grecs indépendants »).
« Dès demain, nous nous retroussons les manches pour travailler dur », a-t-il annoncé, dès dimanche soir, car la bataille s'annonce rude. Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, a en effet d'ores et déjà réclamé la mise en œuvre au plus tôt du « processus de réforme » imposé au pays.
C'est un « gouvernement de combat » pour « mener des batailles pour défendre les droits de notre peuple » qu'annonce vouloir mettre en place le premier ministre. Il sait d'expérience que la négociation pour le prochain accord sur la dette (pour novembre) ne sera pas de tout repos.
Au fond, c'est bel et bien, une nouvelle fois, la question du rapport de force en Europe pour soutenir la détermination du peuple grec et imposer aux 28 un changement de cap, qui est en jeu.
HOLLANDE JOUE SUR LES MOTS
Après avoir largement contribué à imposer à la Grèce un mémorandum inique, François Hollande a commenté, dimanche soir, les résultats des élections en Grèce : saluant « un succès important pour Syriza », il a évoqué « un message important pour la gauche européenne ». Mais lequel ? En appelle-t-il à devoir céder au chantage des banquiers, ou bien à résister aux politiques que lui-même, Angela Merkel et la troïka veulent imposer aux peuples européens ? François Hollande a annoncé une visite à Athènes « sans doute dans les prochaines semaines ».
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