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Allô, comment puis-je vous aider ?

17 juin 2014 | Mise à jour le 26 avril 2017
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Allô, comment puis-je vous aider ?

Le 27 mai dernier avait lieu la journée d'action nationale des salariés des centres d'appels pour dénoncer la baisse de leur pouvoir d'achat, la dégradation de leurs conditions de travail. Un front unitaire, CFDT- CGT-CFTC-FO-Sud Solidaires, avait appelé à la mobilisation.

Les salariés des centres d'appel expérimentent depuis quelques années le travailler plus pour gagner moins. C'est dans ce contexte de ras-le-bol que l'intersyndicale CFDT, CGT, CFTC, FO et Sud Solidaires lançait une journée de mobilisation nationale, le 29 mai dernier. Les appels devaient rester sans réponse, les téléphones sonner dans le vide entre 14 et 15 heures.

La grève a été suivie de façon inégale, certains plateaux ont enregistré jusqu'à 70 % et 80 % de grévistes comme à B2S Roanne et Socam Nancy ; d'autres, ont moins mobilisé comme Laser Contact Futuroscope où seuls 10 % des téléopérateurs avaient posé leur casque. « Avec environ 30 % de grévistes, c'est une petite victoire », résume Nicolas Galusinski, conseiller clientèle au centre Teleperformance de Bordeaux (voir notre encadré).

LA VARIANTE DES CONDITIONS DE TRAVAIL

« C'est un milieu où la concurrence est très rude avec les pays étrangers que ce soit au Maghreb (Maroc, Tunisie) ou en Europe (Portugal, Pologne, Roumanie), explique Xavier Burot, secrétaire fédéral de la CGT Sociétés d'études, notamment depuis l'arrivée en 2012 de Free qui a bouleversé le modèle économique. Pour maintenir leurs marges de profit et garder l'emploi en France, les patrons jouent sur les salaires qui n'ont pas augmenté depuis plusieurs années. Mais le Smic étant atteint [voir graphique, NLDR], ils s'attaquent désormais ouvertement aux conditions de travail et notamment au temps de travail. »

Concrètement, cela entraîne la remise en cause des temps de pause ou de leur rémunération alors que la convention collective précise que « les pauses sont de 10 minutes toutes les deux heures et de 15 minutes toutes les trois heures hors temps de travail et rémunérées ».

« ON EST TOUJOURS PLUS CHER QU’UN AUTRE… »

Autre gisement de productivité : la suppression de la période de temporisation de 6 à 10 secondes entre chaque appel, période durant laquelle aucun appel ne peut arriver, et qui permet au salarié de souffler et de se préparer au dossier suivant… alors même que cette règle est inscrite dans la convention collective également.

Et le syndicaliste de s'interroger : « Le maintien de l'emploi doit-il nous faire tout accepter ? Même ce chantage ? » Cette course à l'échalote ne sert à rien. Car « on est toujours plus cher qu'un autre », confient les collègues marocains qui ont subi des pressions du même type. « Il s'agit de se battre là où on est pour garder des conditions de travail et de vie dignes », rebondit le syndicaliste.

La profession compte environ 270 000 salariés dont 55 000 salariés chez les prestataires (Teleperformance, Arvato, Webhelp…). Les cinquante premiers prestataires concentrent 80 % des salariés et du chiffre d'affaires. Ce qui induit une forte concentration. Ils seraient 1 350 prestataires en France. Mais le gros des troupes reste les salariés en interne comme chez EDF, Orange, la SNCF, la police, le Samu ou les impôts. Le statut est meilleur, les salaires, plus élevés chez ces derniers, mais les conditions de travail tendent à s'homogénéiser.

JOB VERSUS MÉTIER

Côté face, le métier a plutôt une image jeune, dynamique… Il est vrai que la sociologie des téléconseillers est plutôt jeune – autour de la trentaine –, plutôt diplômée – niveau bac, voire plus –, mais aussi majoritairement féminin – beaucoup de femmes élevant seules leurs enfants, ce qui rend l'emploi vital.

C'est un métier que le patronat voudrait réduire au simple geste des télé­opérateurs qui répondent à distance – aujourd'hui cela se fait aussi bien par téléphone, mail, tchat ou fax. Mais le spectre est large, du service abonnement au service plus complexe avec des notions de droit, de santé, de technique.

Pour la CGT, « ce n'est pas l'utilisation des moyens de communication à distance qui caractérise le métier, mais les savoir-faire et les compétences qu'on met en œuvre pour répondre à une demande, qu'on soit vendeur, informaticien, juriste ou médecin. Le travail en centres d'appel n'est pas un métier, mais bien une organisation du travail développée en vue de gérer de façon massive la relation clients d'une entreprise ».

RECULS ET REVENDICATIONS

Outre les rémunérations et les conditions de travail en cours de dégradation, les salariés de la profession accusent d'autres attaques en règle. Le patronat vient de dénoncer unilatéralement l'accord formation professionnelle ainsi que l'accord prévoyance, coup sur coup.

Dans le premier cas, les budgets se concentreront sur les formations « produits » au détriment des attentes des salariés. Dans le deuxième, c'est un sérieux risque pour les conditions de rémunération des salariés en longue maladie ou ceux en incapacité totale de travail.

Si aucune négociation n'intervient entre patronat et syndicats dans les dix-huit mois à venir, les salariés n'auront plus de couverture que celle de la Sécurité sociale. Or, aujourd'hui déjà, les téléconseillers doivent avoir un an d'ancienneté pour prétendre au maintien de salaire qui n'intervient, de toute façon, que progressivement après une semaine de carence. « Et ce sont souvent des arrêts maladie courts, explique Xavier Burot. Ce qui implique des pertes sèches pour les salariés. Pis, ils s'arrêtent le minimum et du coup, parfois, ça s'aggrave. Il y a un lien direct entre les conditions de travail et l'absentéisme du secteur qui est trois fois supérieur au taux moyen dans les services (14,5 %). »

Dès lors, l'intersyndicale revendique l'augmentation des salaires, qui plafonnent au Smic depuis 2007 ; l'instauration d'une pause rémunérée de cinq minutes par heure travaillée ; le rétablissement de la temporisation « 10 secondes entre chaque appel » ; la renégociation de l'accord formation afin de favoriser l'amélioration des compétences des salariés et les déroulements de carrière ; l'ouverture de négociation sur la prévoyance pour garantir les accidents de la vie des salariés.

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TROIS QUESTIONS À

NICOLAS GALUSINSKI,
CONSEILLER CLIENTÈLE
ET DSC CHEZ TELEPERFORMANCE,
NUMÉRO 1 MONDIAL DES CENTRES D'APPELS.

 

« CONDITIONS DE TRAVAIL DÉGRADÉES
ET SALAIRES TROP BAS »

nvo : Comment expliquez-vous cette mobilisation du 27 mai ?
Nicolas Galusinski : Pour dénoncer des conditions de travail dégradées et des salaires trop bas. Nous sommes au Smic, nos salaires ne suivent que les augmentations légales et de la branche depuis 2008.

 

Quelles sont les caractéristiques des conditions de travail ?
Travail répétitif, nuisances sonores, non-respect de la vie privée avec des horaires qui peuvent déborder jusqu'à 22 heures, variations de plannings, d'horaires, flexibilité de la charge de travail avec l'annualisation du temps de travail… Ce qui débouche sur des RPS (risques psychosociaux), des TMS (troubles musculo-squelettiques), de l'absentéisme pour maladie, des dépressions et un bon nombre de licenciements pour inaptitude.

 

Qu'est-ce qui caractérise votre situation ?
Chez Teleperformance, la situation est d'autant plus critique que nous subissons une rétractation des volumes de commandes et de clients, ce qui fait peser des craintes sur l'emploi. Nous sommes prestataires pour les grandes entreprises de téléphonie mobile, SFR, Bouygues, Orange, Virgin, et avec leurs offres low cost type SFR Raid ou B&You, qui ne comportent pas de service client (gestion 100 % en ligne), notre marché se contracte. Les centres d'appel du Mans, d'Orléans et de Laval pourraient fermer à partir d'août ou de septembre prochain.

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