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INÉGALITÉS

Noël 2014. Pauvreté et inégalités criantes

18 décembre 2014 | Mise à jour le 5 avril 2017
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Noël 2014. Pauvreté et inégalités criantes

À l'approche de Noël, de nombreux ménages connaissent des fins de mois difficiles. Deux ans après le lancement du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, la pauvreté et les inégalités restent criantes en France.

Les chiffres sont tristement éloquents. Selon l'Insee, en 2012, la France comptait quelque 8,5 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (fixé par convention à 60 % du niveau de vie médian, soit 987 euros mensuels en 2012), soit 13,9 % de la population.

Avec plus de 890 000 pauvres supplémentaires depuis 2008, la France fait partie des pays européens où le taux a le plus progressé (+ 11,3 %). Presque autant qu'en Espagne (+ 11,4) ou en Hongrie (+ 12,2 %), bien plus qu'en Allemagne (+ 3,5 %) ou qu'en Italie (+ 6,6 %). Autre phénomène marquant, « l'intensité de la pauvreté est passée de 18,2 % en 2007 à 20,5 % en 2012 : les personnes pauvres sont globalement plus éloignées du seuil de pauvreté », indique l'Insee. Les chômeurs, les familles monoparentales dont beaucoup de femmes, les jeunes et maintenant les retraités sont les premières victimes de la crise de longue durée.

500 000, C'EST LE NOMBRE DE CHÔMEURS DE LONGUE DURÉE
ET DE BÉNÉFICIAIRES DES MINIMA SOCIAUX SUPPLÉMENTAIRES DEPUIS 2008

Dans son rapport 2013-2014, l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) note que « la pauvreté des chômeurs atteint des niveaux particulièrement alarmants, avec un taux de pauvreté de près de 40 % en 2011. Par ailleurs, un enfant sur cinq est pauvre ».

Toujours selon l'ONPES, « les inégalités de niveau de vie et de patrimoine continuent de progresser ». Julien Lauprêtre, l'infatigable président du Secours populaire français, souligne que « 2 632 000 personnes démunies ont franchi le seuil de nos permanences l'année dernière. Parmi elles, des familles monoparentales, des travailleurs pauvres, des jeunes, des retraités.

LA FRANCE FAIT PARTIE DES PAYS EUROPÉENS
OÙ LE TAUX DE PAUVRETÉ A LE PLUS PROGRESSÉ.

Nous assistons à un raz de marée de la misère. La faim dans le monde persiste, à commencer dans notre propre pays, où nous avons distribué 181 millions de repas ». Signe des temps, l'association a ouvert une dizaine de permanences dans les universités et s'apprête à lancer une campagne de solidarité pour emplir la hotte de ses Pères Noël verts.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, officiellement adopté le 21 janvier 2013, ne suffit pas à enrayer le phénomène. Parmi les mesures, la revalorisation du pouvoir d'achat du revenu de solidarité active (RSA) de 10 % en cinq ans, un meilleur accès aux soins à travers l'élargissement d'une complémentaire santé gratuite, un meilleur accueil des enfants issus de milieux modestes dans les crèches, la lutte contre le sur­endettement…

LE REVENU ANNUEL MOYEN DES 10 % LES PLUS RICHES A AUGMENTÉ
DE 1 800 EUROS ENTRE 2008 ET 2011,
CONTRE UNE PERTE DE 400 EUROS POUR LES 10 % LES PLUS PAUVRES.

Presque deux ans plus tard, le gouvernement a révisé à la baisse ses ambitions. L'encadrement des loyers a été jeté aux orties. Alors que le pays compte quasiment deux millions de travailleurs pauvres, la loi dite de sécurisation de l'emploi autorise une baisse temporaire des salaires et un allongement du temps de travail en contrepartie du maintien des emplois.

La loi sur la durée minimale légale du temps partiel (censée être de 24 heures par semaine depuis le 1er juillet) est vidée de sa substance par de nombreux accords dérogatoires de branche. « Misère, misère, c'est toujours sur les pauvres gens que tu t'acharnes obstinément », chantait Coluche, le fondateur des Restos du cœur.

Aujourd'hui, on rit jaune, avec les discours libéraux stigmatisant « le cancer de l'assistanat », « les chômeurs fraudeurs »… L'enquête « conditions de vie et aspirations » du Credoc en 2014 révèle que « l'opinion porte un regard plus sévère sur les chômeurs ou les bénéficiaires de minima sociaux […]. Alors que la pauvreté s'est accrue en France année après année depuis 2008, la solidarité envers les plus démunis n'apparaît plus véritablement comme une idée fédé­ratrice de la société française ».

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À ROUBAIX LA PAUVRE

Frappée par le déclin industriel, l'ex-capitale du textile connaît un taux de chômage élevé et une paupérisation de sa population.
Il fut un temps pas si lointain où Roubaix était surnommée « la ville aux mille cheminées », en référence à son industrie textile florissante. Aujourd'hui, elle est la plus pauvre de France, selon le cabinet d'études Compas qui a publié en 2014 « les taux de pauvreté des 100 plus grandes communes de France ». 45 % des habitants (au nombre de 94 186) vivent avec moins de 977 euros en poche (le seuil de pauvreté en 2011, estimé à 60 % du revenu médian), contre 25 % à Lille et à Tourcoing et 7 % à Neuilly-sur-Seine ou à Versailles par exemple.

Frappée de plein fouet par le déclin industriel, la fermeture progressive de ses usines textile depuis la fin des années 1970, la cité ouvrière affronte une situation économique et sociale difficile. Et affiche des chiffres noirs de la précarité : 27 % de sa population est au chômage ; 31 % bénéficient du RSA ; les trois quarts de la commune sont classés en zone urbaine sensible. En parallèle, les différences de revenu entre ses habitants les plus riches et les plus pauvres en fait la troisième ville la plus inégalitaire, selon ­l'Observatoire des inégalités. 

À la bourse du travail, à deux pas du centre commercial McArthurGlen, le temple de la consommation et du travail dominical, la CGT est bien placée pour observer la paupérisation du tissu local et la précarisation des emplois.

« La crise a eu des effets catastrophiques avec des licenciements dans l'automobile et les sous-traitants, la vente par correspondance. Dans des secteurs comme le nettoyage, les services à la personne, la sécurité, les conditions de travail sont déplorables », remarque Abdelkrim Abdesselam, secrétaire général de l'union locale CGT de Roubaix. Pour son camarade retraité Michel Dutoict, « la pauvreté ne concerne pas seulement les jeunes, les inactifs, les familles monoparentales mais aussi les retraités, qui ont travaillé toute leur vie pour gagner 600-700 euros ». Ici comme ailleurs, tétanisés par la peur de perdre leur gagne-pain, les salariés craignent de faire valoir leurs droits. « Beaucoup ne connaissent pas leurs droits en matière de rémunération, de prévoyance, ils nous consultent lorsqu'ils sont victimes de licenciement, de maladie professionnelle, de conditions de travail déplorables », note Pascal Balloy lors de ses permanences juridiques à l'union locale.
Pour l'instant, Roubaix résiste grâce à un solide réseau associatif. Jusqu'à quand ?

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REPÈRES

1945. Naissance du Secours populaire français, fusion du Secours populaire de France et de l'Association nationale des victimes du nazisme.

1950. le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) est instauré.
Lui succédera le Smic en janvier 1970.

1954. L'abbé Pierre lance son vibrant appel à la solidarité face au grand froid de l'hiver.

1988. Création du revenu pinimum d'insertion (RMI) par le gouvernement de Michel Rocard.

1993. création du Samu social de Paris par Jacques Chirac, alors maire de la capitale, et par le docteur Xavier Emmanuelli.

2009. Application du revenu de solidarité active, qui se substitue au RMI.

2013. Adoption du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, sous la houlette du gouvernement Hollande.