Barnier à Matignon, le mépris du vote des électeurs
Emmanuel Macron a désigné ce jeudi 5 septembre son nouveau Premier ministre, Michel Barnier, un homme de droite. La gauche est vent debout, tandis que Sophie Binet, secrétaire... Lire la suite
Une sanction, à l'échelle de tout le pays. Pour la majorité gouvernementale, le bouleversement de la carte politique des départements à l'issue des scrutins des 22 et 29 mars – à l'exception de Paris, Lyon et une partie de l'Outre-mer, qui ne votaient pas – s'avère une nouvelle fois un désaveu sans appel.
Un électeur sur deux n'a pas voté. L'abstention, moins forte qu'en 2011, n'en est pas moins devenue en quelque sorte le premier «parti» pris des électeurs. Selon une enquête Opinionway, diffusée dimanche, elle atteint 73% parmi les 18-24 ans, 59% chez les 25-34 ans, 58% chez les employés, 53% chez les ouvriers. Et 47% des électeurs de François Hollande au second tour de la présidentielle.
À l'issue du second tour, la droite (UMP-UDI-MoDem) obtient 27,77% des voix et arrive en tête dans 66 départements, gagnant 25 nouveaux conseils généraux, tandis que la gauche n'en gagne qu'un, la Lozère, le PC conservant quant à lui la tête du conseil général du Val-de-Marne. La majorité présidentielle perd des terres historiques, de la Corrèze de François Hollande à l’Essonne de Manuel Valls, ou même au Nord de Martine Aubry. Avec quelque 22% des voix, le Front national enregistre, lui, de nouveaux scores historiques. Il ne parvient cependant à conquérir aucun département, alors que les commentateurs envisageaient l'hypothèse de sa victoire dans l'Aisne et le Vaucluse.
Après les revers du parti de François Hollande aux élections municipales, européennes et sénatoriales, difficile de lire de tels résultats comme ceux de scrutins d'abord locaux. De toute évidence, le vote sanctionne d'abord l'échec de la politique gouvernementale et le refus du gouvernement de mettre en œuvre les promesses de la campagne présidentielle, voici bientôt trois ans.
Comment en serait-il autrement ? Tous les sondages, quelles que soient leurs marges d'erreurs, le confirment : le chômage reste la première préoccupation des citoyens, et de très loin (autour de 68% en février, 64% en décembre dernier). Or, les mêmes causes produisant les mêmes effets, voire les aggravant sur le long terme, le chômage est reparti à la hausse en février après une baisse sensible en janvier, au point de frôler son record absolu. Le nombre de privés d'emploi de catégorie A, plus ceux ayant exercé une petite activité, atteint 5,26 millions de personnes en métropole et 5,56 millions en France entière. 2,28 millions d'entre elles cherchent un emploi depuis plus d’un an, soit une hausse de 9,5% en un an.Un désastre pour des millions de familles.
Le gouvernement n'a tiré aucune leçon de l'échec des politiques d'austérité dont il s'est fait l'héritier après la mandature de Nicolas Sarkozy, revenant sur ses promesses de réforme fiscale et défendant l'un après l'autre sa loi dite de sécurité de l'emploi, son CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l'emploi), son pacte dit de compétitivité et de solidarité… qui multiplient sans conditions les aides aux chefs d'entreprises et fracturent le droit du travail. Quelques jours avant le scrutin, il n'a pas même hésité à faire passer au forceps la loi Macron, en utilisant l'article 49-3…
Le premier ministre a l'art de l'antiphrase. «Les Français par leur vote et même leur abstention ont dit à nouveau leurs attentes, leurs exigences, leur colère, leur fatigue face à une vie quotidienne trop difficile : le chômage, les impôts, la vie trop chère. J'ai entendu ce message», a-t-il annoncé au soir du second tour, assurant que «notre gouvernement redoublera d'énergie, avec comme priorité l'emploi, l'emploi, l'emploi». Mais pour expliquer qu'il persiste et signe. Et d'annoncer la mise en œuvre rapide de la loi Macron – baptisée «loi croissance et activité» – après son passage au Sénat, mais aussi une loi sur la modernisation du dialogue social ressemblant davantage à celle d'un monologue du Medef…
Face à ces politiques, le FN entend se présenter comme le recours, la seule opposition envisageable. Un marché de dupes aussi dangereux que nauséabond. Comme le confirment les deux premières mesures que Le Pen – fille – demande aux élus d'extrême droite de défendre dans les départements. Elle souhaite, d'une part, non pas une réforme de la fiscalité pour plus de justice sociale et d'efficacité, mais bien une baisse de la fiscalité, alors que l'impôt est le socle même des politiques de solidarités et de services publics nécessaires à la fois à toute l'économie et aux plus modestes. Elle demande, d'autre part, l'interdiction du voile à la crèche.Comme si les mamans portant foulards constituaient une menace pour la République, ou cachaient sous leur voile des morceaux de paradis fiscaux ou les bénéfices des licenciements boursiers.
En prétendant se faire la voix des laissés pour compte, elle ne fait en réalité que désigner à la vindicte de leurs frustrations les premières victimes des politiques patronales qui mettent en concurrence entre eux les salariés par-delà les frontières.
Elle est certes aidée dans cette entreprise par tous ceux qui désignent comme responsables de la crise, comme parasites, comme menaces pour la sécurité nationale ou pire encore pour l'identité de la patrie, toute une série de boucs émissaires : les Roms, les musulmans, ceux qui ne mangent pas de porc à la cantine, les privés d'emploi qualifiés de profiteurs sociaux ou bien encore les fonctionnaires opposés à ceux du privé… Croyant collecter quelques voix, ces apprentis sorciers ne font que conférer une légitimité indue aux thèses les plus illusoires, les plus nocives et les plus fétides : celles de l'extrême droite qui s'en repaît.
Comme s'il n'y avait, aux politiques d'austérité auxquelles la plupart des gouvernements européens soumettent leurs peuples, aucune alternative, sinon la désagrégation des valeurs républicaines célébrées le 11 janvier, l'égalité, la liberté, la fraternité.
S'il ne peut à lui seul répondre au défi posé, le mouvement syndical n'en est pas moins face à une responsabilité : mettre en lumière l'existence possible, crédible, d'une vraie alternative. Celle d'une politique économique de relance des filières industrielles, permettant le développement de l'emploi ; de contrôle des aides aux entreprises en fonction de leurs politiques d'emploi, de rémunération, d'investissement dans la recherche, le développement, la formation, le respect de l'écologie ; de nouveaux droits d'intervention des salariés et de leurs représentants dans la gestion des entreprises… Celle d'une société fondée sur le cercle vertueux de l'égalité des droits et de la solidarité.
C'est dans cette perspective, alors que l'urgence se conjugue au quotidien pour des millions de familles, que la CGT, FO, la FSU et Solidaires appellent à une journée interprofessionnelle d'action et de grève, jeudi 9 avril, contre les politiques d'austérité.
Il s'agit de faire converger les revendications qui s'expriment dans de nombreux conflits sociaux… «Combattre et réduire le chômage, permettre la création d'emplois en changeant de politique économique, préserver les droits et tous les régimes sociaux, garantir et promouvoir le service public, augmenter les salaires (public et privé), les retraites, les pensions et les minima sociaux, constituent des priorités sociales, de surcroît en période de crise», soulignent les organisations syndicales. Pour que les salariés, les citoyens, soient enfin entendus.
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