À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT

Non à une surveillance de masse !

3 juin 2015 | Mise à jour le 8 mars 2017
Par | Photo(s) : CITIZENSIDE/AFP
Alors que les sénateurs planchent sur le projet de loi sur le renseignement, la mobilisation s'amplifie pour faire barrage à un texte liberticide. Un rassemblement est prévu le 8 juin, la veille du vote au Sénat.

«La situation est d'une ironie mordante : après l'adoption à une écrasante majorité par l'Assemblée nationale du projet de loi controversé sur le renseignement et la surveillance, le Congrès américain a rechigné à renouveler le célèbre Patriot Act (…)», déclare le chercheur Evgeny Morozov (1). En effet, le 2 juin au soir, en promulguant le Freedom Act, Barack Obama limitait la collecte des données téléphoniques par la National Security Agency (NSA). Pendant ce temps-là, notre Sénat planche, lui, sur sa généralisation. En discussion, le projet de loi sur le renseignement, adopté le 5 mai par l'Assemblée nationale, devrait être voté le 9 juin.

TOUS SUSPECTS

Très peu amendé, le texte fait toujours polémique, dès lors qu'il instaure une surveillance de masse. Une campagne d'interpellation des sénateurs est lancée (https://sous-surveillance.fr/#/) et une manifestation est prévue lundi 8 juin, à 18 heures, place de la République à Paris. Rappelons que, sous couvert de menace terroriste, le texte va bien plus loin. Les motifs d'un flicage tous azimuts sont vastes : les intérêts économiques, scientifiques ou de la politique étrangère, la prévention du terrorisme ou de la criminalité comme la prévention «des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique».
Des notions suffisamment floues pour permettre une surveillance sans précédent de nos données personnelles (mails, SMS, appels téléphoniques). Et notamment celles des militants syndicaux. Ce n'est donc pas un hasard, si la CGT se joint aux nombreuses organisations telles la Ligue des droits de l'homme, la Quadrature du Net, le Syndicat de la magistrature ou Amnesty International, pour fustiger un texte liberticide. «Qu'entend-t-on par violences collectives ? La loi ne les définit pas. Quelle interprétation pourrait en faire la justice ?» se demande ainsi Anthony Caillé, de la CGT Police. «Va-t-on surveiller les élus des CE qui s'opposent aux restructurations d'une grande entreprise sous le motif d'intérêts économiques essentiels ?»

FAUX SENTIMENT DE SÉCURITÉ

Tout un chacun peut être surveillé voire inquiété avec un tel arsenal. Sans rentrer dans les détails techniques, les algorithmes mis en place pour repérer les «suspects», selon différents paramètres (localisation, mots-clés…), sont loin d'être fiables. Comme le rappelle Maryse Artiguelong, de l'Observatoire des libertés et du numérique (OLN) : «Un taux d'erreur de seulement 1% équivaut à 600 000 personnes à l'échelle de la population française» (2). Et puis, cherche-t-on avec un tel dispositif de surveillance généralisé à combattre le terrorisme ? On peut en douter… Comme le souligne encore Evgeny Morozov, le système de surveillance américain, sur lequel le gouvernement français prend exemple, est inutile pour combattre le terrorisme.

Il n'a nullement déjoué les attentats de Boston en avril 2013. L'enquête du philosophe Grégoire Chamayou, «Dans la tête de la NSA», à paraître dans la nouvelle Revue du Crieur (3), rappelle encore qu'un seul «complot» a été déjoué «par plus de dix ans de collecte massive des fadettes téléphoniques états-uniennes : un habitant de San Diego arrêté pour avoir envoyé 8 500 dollars à un groupe militant somalien». Qu'on se le dise !

 

(1) «Surveillance : la fausse route française», Le Monde du 2 juin 2015.
(2) L'Humanité du 2 juin 2015.
(3) La Revue du Crieur, éditée par Médiapart et La Découverte, en librairie le 11 juin, 15 euros.