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MÉTALLURGIE

Parler du travail pour sauver l’emploi

13 novembre 2015 | Mise à jour le 28 février 2017
Par | Photo(s) : DR
Parler du travail pour sauver l’emploi

Depuis l'annonce, début septembre, de la suppression d'environ 300 emplois chez Sidel, constructeur de machines d'embouteillage plastique, les syndicats – dont la CGT – sont mobilisés en intersyndicale. Et élaborent, avec les salariés, des propositions alternatives.

Les machines qui fabriquent les bouteilles d'Evian, c'est eux. Celles qui fabriquent les bouteilles de Coca-Cola, c'est encore eux.

« On a beau être habitué, à chaque fois que ça se met en marche et que ça crache des bouteilles, c'est la même satisfaction », explique Bruno Corlobé, technicien process, concentré devant l'écran numérique qui active un monstre métallique de plusieurs mètres fabriquant jusqu'à 18 000 bouteilles à l'heure – bouteilles destinées à contenir une huile alimentaire sur le marché bangladais – ; certains gros modèles peuvent en fabriquer jusqu'à 80 000 à heure.

« L'ANNONCE DU PSE A ÉTÉ UN VÉRITABLE TSUNAMI »

Des lignes de fabrication de bouteilles en plastique comme celles-ci, l'usine Sidel d'Octeville-sur-Mer en produit en moyenne 200 par an grâce à ses 823 salariés et de nombreux sous-traitants.

En 2014, le site a reversé 22 millions d'euros au groupe Tetra Laval (pour la quatrième année consécutive). Et les salariés ont obtenu 2,5 % d'augmentation de salaire durant les NAO. C'est dire si « l'annonce du PSE a été un véritable tsunami », pose Thierry Lemblé, élu au CE et DP CFE-CGC.

Depuis le 4 septembre, les syndicats sont rassemblés en intersyndicale CGT, CFDT, CFE-CGC et UNSA pour dénoncer les 290 suppressions d'emplois dont environ 80 modifications de contrats.

Ils ne ménagent pas leur peine et multiplient les actions : débrayages, rassemblements, boycotts des produits Tetra-Pak, concerts, 12 000 tracts distribués aux salariés, 20 000 diffusés à la population.

Ce fleuron de l'industrie havraise, où le salaire minimum de base est de 1 850 euros net mensuel, est bien connu dans la région et chacun sait que ce ne sont pas seulement les suppressions d'emplois chez Sidel qui sont en jeu, mais aussi près d'un millier d'emplois induits.

73 MILLIONS D’EUROS POUR DE LA CASSE SOCIALE

Guidé par une stratégie financière à court terme, le groupe suédois Tetra Laval, qui possède entre autres Sidel (voir encadré), vise un plan d'économies de 150 millions d'euros d'ici 2018.

« Le PSE va coûter au groupe 73 millions d'euros sur 2 ans, souligne Joao Luca, élu CE et DP CGT. Nous dénonçons cette dépense d'argent pour de la casse sociale ». Mais, la stratégie syndicale ne s'arrête pas à la contestation. « La direction avait provisionné 15 jours de grève, ajoute le syndicaliste. Elle a été déstabilisée par notre approche. »

UNE DÉMARCHE DE CONTRE-PROPOSITIONS

Au-delà de quelques débrayages, les IRP ont en effet rapidement choisi une démarche de contre-propositions.

« Le CE n'avait jamais été consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, explique Reynald Kubecki, secrétaire général du syndicat CGT et co-secrétaire de l'union des syndicats CGT du Havre. On s'est dit qu’il fallait remettre la balle au centre et, grâce à une action en justice, nous avons obtenu du président du tribunal d'instance du Havre un accord de méthode.

Cela nous donne plus de temps pour analyser ce projet de réorganisation et la possibilité de séparer toutes les phases d'information-consultation, contrairement à ce que prévoit aujourd'hui la loi de sécurisation de l'emploi de 2 013.

Nous sommes concentrés sur les orientations stratégiques du groupe et le livre 2 qui prévoit les suppressions d'emplois. Nous refusons d'entendre parler de l'aspect supralégal pour l'instant. »

AVEC LES SALARIÉS

Concrètement, les salariés des différents services sont invités à des séances de travail avec leurs IRP pour évaluer ensemble l'impact du projet de réorganisation.

« On est partis de leur travail, on reçoit les salariés de toutes les unités – approvisionnements, montage, moulerie, etc. – et, à partir de leur expérience, en face de chaque poste supprimé, on démontre les risques et on propose des alternatives. » Certaines sont prises en compte par la direction, d'autres non.

« Mais l'intersyndicale permet de parler d'une même voix à la direction et aux salariés, et de rassembler plusieurs compétences autour de la table, ce qui fait de nous des interlocuteurs sérieux », explique le syndicaliste.

Et de conclure : « On veut zéro casse sociale chez Sidel parce qu'on sait que la dégradation des conditions de travail qu'implique cette réorganisation met la boîte en péril. Si Sidel tombe, le groupe va dans le mur. »


Le savoir-faire d'Octeville

Sidel est rachetée en 2004 par Tetra Laval, groupe suédois spécialiste du conditionnement dans l'agroalimentaire (particulièrement de liquides, eau, jus de fruits, lait) et 21e fortune mondiale, qui regroupe Tetra Pak (emballages carton), Sidel (emballages plastique) et Delaval (équipements pour laiterie).

Dans le domaine de la production des emballages plastique, le site d'Octeville-sur-Mer produit les machines à fabriquer les bouteilles, le remplissage – autre composante de la ligne de production – étant basé à Parme (Italie).

C'est là que la direction souhaiterait, à terme, rassembler toute la production. Or, « le site d'Octeville possède un vrai savoir-faire dans ce domaine, explique un chef d'atelier. C'est un travail de montage, d'assemblage et de rodage d'une grande précision. Ce sont des années d'expérience que nos clients – dont Evian ou Coca-Cola – viennent chercher ici. Si l'activité est délocalisée, les clients ne suivront pas, on le sait bien. »