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SYNDICALISME

Coorstek, une entreprise qui revit grâce à la CGT

23 novembre 2015 | Mise à jour le 28 février 2017
Par | Photo(s) : DR
Coorstek, une entreprise qui revit grâce à la CGT

En conflit depuis plus de deux ans avec leur actionnaire américain, les salariés de Coorstek ont finalement obtenu la vente de leur entreprise de céramiques à un fonds français. Une victoire obtenue à l'arraché, avec le coup de main déterminant de Bercy.

Adieu Coorstek, vive Solcera ! C'est par un communiqué enthousiaste que le comité d'entreprise de Coorstek, en conflit ouvert avec son actionnaire depuis deux ans et demi, a annoncé le 10 novembre la cession définitive de l'entreprise « à un ensemble d'investisseurs français et dirigeants de l'entreprise ». Dans la foulée, les deux banderoles accrochées sur les sites d'Évreux (27) et Moissy (77) ont été symboliquement décrochées.

En usant d'une stratégie habile, les représentants de Coorstek, petite société de 115 salariés, sont parvenus à amener le gouvernement à intervenir auprès de la multinationale qui les pillait depuis 2011. Et à la faire plier. « On a sorti un actionnaire avec qui on ne voyait pas d'avenir, ce que peu d'entreprises ont réussi », se félicite Emmanuel Desgrouas, secrétaire général CGT.

Il aura fallu deux ans et demi de combat, de guérilla et plusieurs réunions à Bercy, comme le souligne Bastien Larcher, dirigeant d'Acti-CE, le cabinet de conseil qui a accompagné les représentants ces longs mois de conflit.

PILLAGE EN RÈGLE

En 2011, lorsque Solcera, alors petite entreprise prospère, est rachetée par le groupe américain Coorstek, une multinationale des céramiques industrielles, la réaction des salariés est positive. « À l'époque, ils étaient contents de sortir du giron de Saint-Gobain qui n'avait aucune connaissance de cette activité », observe Bastien Larcher.

Un an plus tard, les choses se gâtent. Plutôt que d'investir dans l'outil industriel, la direction du groupe Coorstek se montre « plutôt intéressée par l'appropriation des brevets et les technologies des céramiques pour buses agricoles, note Mohammed Oussedik, secrétaire général de la CGT verre et céramique.  Une activité qui représente entre 30 et 40 % du chiffre d'affaires et plus de 20 % de rendement par an. » Un pillage en règle.

Parallèlement, Coorstek met en place une gestion toute entière tournée vers la remontée du cash : des commerciaux sont licenciés et les investissements limités au strict minimum.

Les bénéfices sont transformés en dividendes pour rembourser la dette d'acquisition de la holding de tête. En outre, l'actionnaire se sert allègrement des frais de gestion (ou « management fees »). Des procédés contestables, mais pourtant bien légaux.

Les conséquences ne se font pas attendre. En 2015, le carnet de commandes accuse le coup, notamment sur la buse. Le chiffre d'affaires plonge de 20 % et la rentabilité est quasiment divisée par deux.

« Alors que nos concurrents sortent trois modèles par an nous n'en produisions qu'un tous les deux ans. Faute d'innovation, les machines ont vieilli. On a perdu des marchés, car on n'arrivait plus à suivre la demande des clients », se souvient Emmanuel Desgrouas.

LA FIBRE PATRIOTIQUE

Les représentants, accompagnés d'Alti-CE, décident alors de réagir. Une mission sur les orientations stratégiques est menée, suivie d'un livre blanc remis à tous les acteurs politiques : région, département, préfecture, ministères de l'Économie, du Travail, de la Défense.

Même Hervé Morin, député UDI de l'Eure, se déplace sur le site d'Évreux et apporte son soutien aux salariés. Des repreneurs se manifestent alors, mais l'actionnaire voyou n'est toujours pas prêt à vendre.

 

C'est à l'annonce d'un déplacement des dirigeants américains de Coorstek à Bercy, début 2015, qu'un nouvel angle d'attaque est décidé : il s'agit désormais de faire valoir auprès de l'État le caractère stratégique d'une petite partie des activités de Coorstek France : des céramiques de haute technologie destinée à l'aéronautique et à la Défense.

En raison de l'aspect sensible de ces produits, Coorstek France a été classée ZRR (zone à régime restrictif) et PPST (protection du potentiel scientifique et technique) de la nation. En 2011, l'État a obtenu une lettre d'engagement de l'actionnaire américain pour préserver ce patrimoine.

C'est un bon levier de négociation : « Les élus, la direction et l'État ont pu brandir ces labels pour éviter le départ des plans des buses et des machines, fait valoir Bastien Larcher. Sans cela, tout aurait été rapatrié aux États-Unis et les activités françaises fermées. » Le volet politique a été déterminant. À Bercy, c'est Zacharia Alayhane, de la cellule Restructuration créée par Arnaud Montebourg, passé à l'équipe d'Emmanuel Macron, qui mène la négociation. Et décroche finalement l'accord de vente.

UN NOUVEL ACTIONNAIRE FIABLE ?

L'avenir s'annonce désormais plus serein pour l'entreprise rebaptisée Solcera. Orfite, le fonds d'investissement qui s'est porté acquéreur, s'est engagé sur le maintien de l'emploi, et même l'embauche d'une vingtaine de personnes au cours des quatre prochaines années.

L'investissement va reprendre. Reste à savoir s'il s'agit cette fois d'un actionnaire fiable. Bastien Larcher veut le croire : « Il y a eu plusieurs validations par le management local, par mon cabinet et par l'État. J'ai personnellement travaillé pour savoir ce qui était arrivé des anciennes participations, et le résultat m'a rassuré. »

Le nouvel objectif de Solcera : retrouver en 2017 le chiffre d'affaires de 2011, avant l'arrivée de l'américain Coorstek.