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CINÉMA

Une bataille royale

28 janvier 2016 | Mise à jour le 21 février 2017
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Une bataille royale

Ils étaient ouvriers chez PSA Aulnay. En 2013, durant quatre mois, ils ont fait grève pour empêcher la fermeture de leur usine. Ils ont fait connaître leur bataille, interpellé François Hollande et Arnaud Montebourg, appris à décrypter les documents internes, se sont transformés en experts, en orateurs, en leaders… Aujourd'hui, ils sont les héros du film documentaire « Comme des lions », de la réalisatrice Françoise Davisse.

Une caméra sautée, des travellings flous… D'emblée, la caméra de Françoise Davisse nous plonge dans le décor d'une usine à l'arrêt. Plus aucune voiture ne doit sortir des chaînes de production. Nous sommes à Aulnay, au cœur de PSA, et les ouvriers CGT viennent de décider de faire grève.

L'histoire de cette lutte acharnée pour la sauvegarde de l'usine commence en 2011. Un courrier anonyme est envoyé à la CGT de l'usine. Il annonce la fermeture programmée du site. Avec aplomb, la direction nie. Mais les syndicalistes s'alarment. Très vite, les rumeurs deviennent certitudes. Très vite, il faut agir. Commence une longue bataille pour convaincre ceux qui ne veulent pas débrayer, ceux qui renvoient l'argument de « la gosse à nourrir » à leurs collègues grévistes.

Dans les années 1970, le site Peugeot-Citroën d'Aulnay symbolisait, tout autant que les usines Renault de Billancourt, le règne de la toute-puissante bagnole. Durant quarante ans d'existence, Aulnay a produit plus de huit millions de voitures et usé des milliers d'ouvriers. En 2013, date de la fermeture de l'usine, la boîte emploie encore 3 300 personnes, dont près de 400 intérimaires. L'entreprise n'est pas en peine. Pour PSA, c'est de choix politique qu'il s'agit : faire toujours plus de bénéfices en rationalisant les coûts de production sans se soucier d'une quelconque responsabilité sociale.
C'est à ça que les grévistes on dit non.

En plongeant au cœur de la bataille, Françoise Davisse donne à voir ce qu'aucune télévision ne montre.

Les réunions houleuses, les doutes, les votes à main levée, le comité de grève qui décidera « au-dessus des syndicats », la caisse de solidarité qui délivrera des chèques aux grévistes plus conséquents que leurs salaires d'ouvriers, les tensions avec les cadres, les arguments-choc des ouvriers, leurs réflexions, leurs doutes, la fraternité.

On les suit dans leurs négociations avec le gouvernement, lorsqu'ils envahissent le siège de l'IUMM, lorsqu'ils poussent la porte des technocrates, lorsqu'ils interpellent Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif.

Ils scandent « Hollande, président » lorsque celui-ci, en campagne pour la présidentielle, leur rend visite et leur fait la promesse que « le 6 mai, si les Français me choisissent, nous aurons rendez-vous ».

Quelques mois plus tard, Salah Keltoumi, embarqué dans un car de CRS avec ses camarades en grève, lance à la caméra : « Vous direz à Hollande que le changement avec lui, ça ne sera pas pour demain. Il s'aplatit devant les patrons et nous fout dans les paniers à salade, la honte, parce qu'on défend notre emploi ».

Car, bien sûr, on connaît la fin de l'histoire. Ce n'est pas une happy end. Malgré leur bataille royale, les lions ont dû s'incliner. L'usine a fermé. Ils ont obtenu des indemnités de licenciement plus importantes que s'ils n'avaient rien fait. Mais l'essentiel du film de Françoise Davisse est ailleurs. Il dit que, quelle qu'en soit l'issue, la lutte mérite toujours d'être menée. Tout simplement parce qu'elle nous change en profondeur, nous fait réfléchir et redonne aux ouvriers cette dignité humaine dont on essaie de les priver au quotidien.

 

Comme des lions, de Françoise Davisse, sortie nationale le 23 mars 2016.

La page Facebook du filmLe site du film

 

Voir aussi

PSA Aulnay, les mots de la fin et notre article.


Repères chronologiques de la lutte :

 

Juillet 2011 : les syndicats découvrent le projet à travers un document interne confidentiel que leur a remis un cadre anonyme. Ce document prévoit un calendrier précis : une diminution progressive de la production en 2012, suivie de l'annonce en 2013 d'un plan social, pour une fermeture programmée courant 2014. La direction certifie qu'il ne s'agit que d'hypothèses, abandonnées depuis.

Novembre 2011 : début du tournage de Comme des lions.

Février 2012 : première manifestation des salariés dans la ville d'Aulnay.

Jusqu'en mai 2012 : campagne électorale. Le président Sarkozy reçoit les syndicats et se dit contre la fermeture, mais pour un travail sur la compétitivité. Le candidat Hollande promet de recevoir les salariés s'il est élu.

7 mai 2012 : dès le lendemain de l'élection de François Hollande, une étude commandée par Éric Besson sur l'avenir de la filière automobile lève le doute : une fermeture est envisagée. Ce qui amène Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, à demander le 29 juin à PSA de « faire connaître ses intentions au plus vite ». Rien de plus.

12 juillet 2012 : la direction de PSA annonce, par la voix de Philippe Varin, l'arrêt de la production de la C3 II pour 2014 (elle serait produite sur le site PSA de Poissy), ce qui signifie l'annonce officielle de la fermeture de PSA Aulnay. Ce plan spécial prévoit la suppression de 8 000 postes en France, dont la totalité des emplois d'Aulnay. Selon ce projet, la moitié des 3 000 salariés d'Aulnay serait reclassée en interne ; l'autre moitié serait reclassée sur le bassin d'emploi autour du site.

23 octobre 2012 : trois mois après l'annonce, la direction concède la mise en place d'un calendrier de négociation sur le PSE. Le même jour, le PDG Philippe Varin a obtenu de l'État sept milliards d'euros de garantie bancaire pour la banque de PSA.

27 octobre 2012 : l'usine ne tourne plus que sporadiquement.

16 janvier 2013 : début de la grève. Elle va durer quatre mois.

8 mars 2013 : les salariés en lutte occupent le siège de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (l'UIMM).

18 mars 2013 : manifestation des salariés au siège de PSA, rue de la Grande Armée.
Le même jour, la direction commence la mise en place du plan social. Elle lance des entretiens individuels et des mutations provisoires qui incitent à reprendre le travail.

27 mars 2013 : les salariés envahissent la direction générale du travail, à Paris.

28 mars 2013 : occupation du siège du Medef, à Paris. Les salariés sont évacués par les CRS dans des fourgonnettes.

Avril 2013 : loin des promesses faites par la direction de reclasser l'ensemble des sala­riés, seule une moitié est effectivement reprise dans d'autres usines. 1 227 salariés se retrouvent sans emploi.

21 avril 2013 : au bout d'un mois de bas de fer, la direction accélère les négociations pour mettre fin à la grève. Elle accepte la levée de toutes les sanctions et des plaintes pénales. Elle propose, en plus, pour chaque gréviste, un chèque en échange de leur départ dès la fin du mois de mai.

31 mai 2013 : la direction a obtenu le départ de 180 grévistes sur les 220 qui ont tenu quatre mois. Elle ne redémarrera jamais la production.

30 août 2013 : la direction de PSA annonce en comité d'entreprise que l'usine d'Aulnay-sous-Bois, dont la fermeture est programmée en 2014, va cesser d'assembler des C3 fin octobre 2013.

Décembre 2013 : dernier jour de l'atelier-montage de l'usine PSA d'Aulnay.

Avril 2014 : Fermeture de l'usine.