Cac 40 : revenus patronaux et gouvernance
QU'IL S'AGISSE DE CELLE DE CARLOS GHOSN, PDG DE RENAULT, EN HAUSSE DE 167 % PASSANT À PLUS DE 7 MILLIONS D'EUROS, OU DE CELLE DE PAUL HERMELIN, PDG DE CAPGEMINI, EN HAUSSE DE 18 % AVEC 4,8 MILLIONS D'EUROS, DES RÉMUNÉRATIONS DE GRANDS PATRONS ONT PARTICULIÈREMENT CHOQUÉ L'OPINION PUBLIQUE CES DERNIERS TEMPS.
POURQUOI ?
Parce que les politiques d'austérité extrêmement sévères menées actuellement pèsent lourdement surles salariés. Fermetures de sites, suppressions d'emplois, baisses ou gels de salaire, plusieurs lois successives – la loi Rebsamen, la loi Macron, ou la future loi Travail – vont dans un même sens : accorder toujours plus de facilités au patronat pour licencier, baisser les salaires, contourner le CDI.
Dans un climat de stigmatisation des chômeurs et de reculs constants pour les salariés, des dirigeants s'arrogent des rémunérations complètement déconnectées des réalités économiques avec de fortes augmentations de salaires, des distributions quasi courantes de stock options…
Le déséquilibre est flagrant.
LA PROPOSITION DE LOI VISANT À ENCADRER LES SALAIRES DANS UN RAPPORT DE 1 À 100 N'A PAS ÉTÉ VOTÉE, DE JUSTESSE, PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, LE 26 MAI DERNIER…
C'est bien dommage. À une voix près, la représentation nationale de notre pays est aujourd'hui aussi déconnectée que les grands patrons. C'est bien le problème : alors que la majorité politique demande tant d'efforts aux salariés à travers les assouplissements prévus par toutes les lois précitées, elle est incapable d'en voter une visant à remettre un peu plus de mesure, de transparence et de contrôle dans la rémunérations des grands dirigeants.
LA CGT Y ÉTAIT FAVORABLE ?
Oui. Nous revendiquons une loi qui oblige à plus de transparence dans les modes de calcul de ces rémunérations et qui associe les salariés aux stratégies des entreprises. Concrètement, nous demandons que les salariés soient représentés dans tous les lieux stratégiques de l'entreprise, dont le conseil d'administration (CA) car c'est là que se décide la feuille de route du grand patron et sa rémunération.
En outre, dans 99 % des cas, cette feuille de route fixe des objectifs financiers et non pas industriels. Le faible nombre de représentants des salariés dans les CA empêche de peser sur cette feuille de route et sur le projet porté.
PARALLÈLEMENT À UNE LOGIQUE DE FINANCIARISATION DE L'ÉCONOMIE, DIFFÉRENTES NOUVELLES DISPOSITIONS ONT AMOINDRI LE RÔLE DES INSTITUTIONS REPRÉSENTATIVES DU PERSONNEL (IRP)…
Oui, il y a eu quelques améliorations, mais également beaucoup d'attaques. Parmi les progrès, c'est la première fois que nous parvenons à imposer des représentants des salariés dans les CA avec des voix délibératives, c'est-à-dire avec les mêmes droits que les autres administrateurs de ces entreprises.
C'est important : pour la première fois dans la législation française, entrent au CA des représentants qui, bien qu'ils ne soient pas actionnaires, ont les mêmes droits que les administrateurs. Ils sont reconnus comme représentant une partie importante de l'entreprise. Dans certains endroits, on a même des représentants dans les comités de rémunération, là où sont décidés les salaires des grands dirigeants.
Ce n'est pas prévu par la loi, mais le fonctionnement de certains CA le permet. La CGT revendique que cela devienne automatique, tout comme elle réclame qu'il y ait plus de représentants des salariés dans les CA : deux administrateurs maximum sur douze, ça ne pèse pas beaucoup.
L'idéal serait de parvenir à la parité. Nous revendiquons également la présence de représentants de salariés dans les comités d'audit car c'est là que la feuille de route de l'ensemble du groupe est présentée avec tous les éléments de transparence financière ; celle-ci est communiquée aux marchés financiers et pas aux représentants des salariés.
C'est une aberration.
Parallèlement, nous souhaitons avoir des droits suspensifs sur l'ensemble des aides publiques. C'est aujourd'hui le cas sur le CICE,… mais a posteriori. Quel intérêt de nous informer une fois que l'aide a été utilisée ?
Nous revendiquons au contraire que le CE et le CCE soient informés de toutes les aides publiques – crédit d'impôt recherche, CICE, exonération de cotisations sociales – et qu'ils puissent avoir un droit de contrôle sur leur utilisation et le droit de les suspendre quand leur usage n'est pas conforme.
L'ARTICLE 2 DE LA LOI STIPULANT QU'UNE MÊME PERSONNE NE PEUT PAS EXERCER PLUS DE DEUX MANDATS AU SEIN D'UN CA A ÉTÉ ADOPTÉ.
Bonne nouvelle. La CGT est favorable au non-cumul des mandats au sein d'un même CA afin d'assurer un renouvellement minimum et une répartition du pouvoir encore trop concentré. Mais pour cela, il faudrait également interdire le cumul de plusieurs fonctions au sein de différents CA. Aujourd'hui, il y a trop d'administrateurs à la fois juges et partis et qui se renvoient la balle, ce qui leur permet de s'attribuer des rémunérations totalement injustifiées.
Les fonctions de président du CA et de directeur général devraient être différenciées. Il s’agit de casser l'effet de « cercle ». En outre, il faudrait aussi interdire le rachat d'actions par les groupes eux-mêmes. Cette pratique de plus en plus courante qui consiste à racheter ses propres actions pour les détruire et faire remonter mécaniquement leur valeur est destructrice : nous pensons que cet argent serait beaucoup plus utile à financer des investissements, des formations ou des hausses de salaires.
L’ARTICLE 3 DE LA LOI, QUI ANNULE L'ALLÈGEMENT DE LA FISCALITÉ DES ACTIONS GRATUITES DE PERFORMANCE, A ÉTÉ VOTÉ.
Je m'en réjouis. Les actions gratuites, versées aux grands dirigeants et aux hautes sphères de l'encadrement en guise de rémunération, sont effectivement en grande partie défiscalisées grâce à la loi Macron [de juillet 2015, NDLR], portée par ce même gouvernement qui crie aujourd’hui au scandale !
Or, cette pratique qui consiste à augmenter leurs rémunérations en actions ou stock options, quitte à ce qu'elle s'impose comme la part la plus alléchante et presque la plus importante de la rémunération, incite à une meilleure performance financière à court terme et déconnecte la gestion de l'entreprise de l'économie réelle. Comme si les grands dirigeants étaient devenus les traders de leur propre rémunération.