7 juillet 2016 | Mise à jour le 10 février 2017
L'impact économique des récents attentats met en péril la jeune démocratie tunisienne. Face à cette situation, les syndicalistes de l'UGTT ont invité leurs homologues français de la CGT, de la CFDT et de FO, afin qu'ils engagent les comités d'entreprise à inscrire la Tunisie comme destination d'un tourisme solidaire.
C'est une délégation un peu particulière qui s'est rendue en Tunisie du 2 au 5 juin 2016. Une centaine de syndicalistes venus de Lyon, Marseille et Paris ont quitté un moment les affres des inondations et le tumulte des manifestations anti-loi El Khomri pour se retrouver dans un tout autre univers, à seulement deux heures de Paris.
« Il y avait 92 camarades de la CGT, quatre de la CFDT et deux de FO, et quand on est arrivés j'ai senti un certain désarroi. Sur leur visage on lisait : mais qu'est-ce qu'on fait là ? », se marre Nejat Ferouse, responsable à l'espace international de la CGT. « Et puis, au fur et à mesure des visites, des rencontres, ça s'est transformé en une véritable prise de conscience de ce besoin de la solidarité banale. »
« C'est maintenant que la Tunisie a besoin de solidarité. Si les forces démocratiques ne prennent pas leurs responsabilités, dans un ou deux ans il sera trop tard, car certains ont l'objectif d'isoler la Tunisie du reste du monde », ajoute Fathi Tlili, représentant de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) en France.
Invités par Salma Elloumi Rekik, ministre du Tourisme et de l'Artisanat, les syndicalistes français ont eu la confirmation que le gouvernement tunisien portait le plus grand intérêt à la démarche : « La Tunisie est une démocratie et ça ne plaît pas à tout le monde. Nous avons subi trois attaques terroristes dont l'objectif était de déstabiliser le pays. Nous avons besoin de la mobilisation de toutes les ressources dans notre combat et le tourisme social suscite notre attention. »
POUR UNE AUTRE CONCEPTION DU TOURISME SOLIDAIRE
Pour ce pays d'un peu moins de 11 millions d'habitants, le tourisme génère environ 2 millions d'emplois directs ou indirects. Les attentats de Sousse et du musée du Bardo ont durement affecté tout ce secteur. Du jour au lendemain, la Tunisie a disparu de des catalogues de nombreux voyagistes, des croisiéristes ont cessé toutes leurs escales. Sur des lieux aussi prisés que le port de La Goulette, les touristes étrangers ont déserté.
Résultat, les quelque 700 familles qui y vivent de cette activité se sont retrouvées quasiment sans revenus. Une situation perçue comme injuste par la population, notamment la jeunesse, très présente dans les rues des stations balnéaires.
Les Tunisiens ont décidé de poursuivre leur vie comme toujours et surtout de ne pas céder à la peur. Le défi à relever consiste maintenant à faire revenir les Européens, et particulièrement les Français, dont la langue est parlée par la plupart des habitants. Dans ce contexte, l'UGTT a décidé de faire jouer la solidarité syndicale internationale pour promouvoir le développement d'une nouvelle conception du tourisme solidaire.
Au-delà des plages et des grands complexes hôteliers tout équipés, dont la sécurité a été mise désormais aux standards de sécurité internationaux, il s'agit de faire découvrir les immenses richesses du pays, les trésors archéologiques de l'antique Carthage, ses mosaïques, ses vestiges de l'époque romaine, l'artisanat et des événements culturels qui ne demandent qu'à être partagés…
« Les possibilités culturelles sont nombreuses, il y a l'été le festival symphonique d'El Jem, le festival de jazz Tabarka… Des produits locaux sont aussi à découvrir, comme les poteries que fabriquent les femmes de Sejnane et des foires artisanales », liste Christian Faoro, administrateur CGT de l'ANCAV-TT et dirigeant de l'association Tourisme et Loisirs PACA.
« Nous allons créer un collectif avec des syndicalistes de l'UGTT et des syndicalistes français et nous mettrons prochainement à disposition des voyages estampillés “actes de solidarité Tunisie” à proposer aux CE. »
UNE SIGNATURE QUI ENGAGE MORALEMENT
En décembre 2015, le prix Nobel de la paix était décerné au Quartet du dialogue national tunisien pour le travail réalisé afin de sortir le pays de l'ornière. Ce quartet comprend les représentants de la société civile dont l'UGTT. C'est donc au siège de l'UGTT, désormais ornée de l'effigie d'Alfred Nobel que s'est rendue début juin l'imposante délégation des syndicalistes français, parmi lesquels les nombreux représentants de comités d'entreprise.
Signée par les représentants de la CGT, de la CFDT et de FO aux côtés de leurs homologues de l'UGTT, une déclaration a été adoptée qui préconise que « les organisations syndicales invitent les comités d'entreprise à prendre des initiatives pour que les salariés s'inscrivent dans une démarche solidaire en retrouvant les villes et les gens, les plages et les lieux témoins de civilisations anciennes, comme de la période contemporaine. L'assemblée demande que les associations de tourisme inscrivent la Tunisie dans leur catalogue ».
Un moment d'émotion et de chaleur – pas seulement dû à la température de la pièce – a suivi cette signature sous les applaudissements. Les responsables de CE présents se sont ainsi montrés convaincus qu'au-delà du réel potentiel de bonheur des vacances en Tunisie, proposer à leurs collègues d'y séjourner était aussi un acte de soutien actif à la démocratie et à la paix.