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Celui qui a dit non

13 octobre 2016 | Mise à jour le 4 janvier 2017
Par | Photo(s) : Catherine Helie/Leemage
Celui qui a dit non

Quand le maestro Louis Craon fait le salut nazi, l’altiste Sébastien Armant se lève et lui tourne le dos. Avec L’effroi, François Garde nous livre un portrait tout en finesse d’un héros ordinaire.

« Lentement, il leva le bras droit, main tendue vers le rideau de scène, et, de sa belle voix de baryton, s’exclama avec force et solennité : “Heil Hitler !” » Un soir de première de Cosi fan tutte à l’opéra Garnier, le chef d’orchestre Louis Craon, mondialement connu, fait le salut nazi. Stupeur dans la salle quelque cinquante ans après une barbarie qui semblait enfouie dans les livres d'histoire.

Le premier à réagir est l’altiste Sébastien Armant qui quitte la fosse, bientôt rejoint par les autres musiciens. Son geste non réfléchi, dicté par l’effroi, va faire de lui un héros. D’autant qu'il a été filmé en direct par la télévision.

La force du récit que nous livre François Garde dans L'effroi est de placer ces quelques secondes de désobéissance dans le milieu très hiérarchisé d'un orchestre national : comment un simple altiste peut-il tenir tête à un maestro ? Et dans notre époque où les plans de communication font feu de tout bois pour servir des desseins bien médiocres.

Dans la tourmente médiatique

Ainsi, Sébastien Armant va servir de faire-valoir au directeur de l'opéra, qui n'y connaît rien à l'art lyrique, placé là grâce à une ancienne amitié avec le chef de l'État. « Sous sa protection, il avait été nommé successivement inspecteur général de l'Agriculture, préfet de l'Yonne, ambassadeur au Portugal. »

Dès lors, l'attachée de presse de l'opéra, Anne-Sophie Boulanger, va lui faire courir les plateaux télé, y compris pour le faire participer à des jeux débiles, pourvu qu'on parle de l'institution. Quand le battage médiatique prend le pas sur l'acte de bravoure supposé… La vie de l'altiste va basculer, d'autant qu'un sombre groupuscule extrémiste le prend pour cible. Pris dans ce jeu de dupes éphémère, le héros d'un soir va finir par devenir gênant.

Après Pour trois couronnes, François Garde signe à nouveau un excellent roman qui en dit long sur notre société ultra médiatisée.

 

 

L'effroi, de François Garde.
Gallimard, 300 pages, 20 euros.