Le démantèlement de camps de réfugiés et de migrants, en France, ne s'accompagne pas d'une vraie politique d'accueil digne d'un pays comme le nôtre. Dans un climat que les réactions de certaines personnalités rendent nauséabond, il est urgent et possible de faire prévaloir la solidarité.
Quelques jours à peine après le démantèlement du bidonville de Calais, une vaste opération de police a commencé lundi 31 octobre au matin à Paris dans les quartiers Jaurès et Stalingrad où tentent de survivre des réfugiés d'Afghanistan, de RDC, d'Érythrée… Voici des semaines qu'ils et elles dorment dans des tentes ou sur des cartons, avec des enfants parfois très jeunes, et même des nourrissons.
La solidarité de collectifs de voisin·e·s et d'associations – des petits déjeuners aux distributions de chaussettes chaudes ou de produits d'hygiène – a permis de tenir là où les institutions ont été carentes, alors que la police est déjà intervenue à plusieurs reprises. Ce lundi, à Paris, pelleteuses et CRS étaient en action.
À l'issue du démantèlement de ce que certains ont nommé « la jungle » de Calais, François Hollande annonçait qu'il n'y aurait plus de camps de réfugiés en France. De toute évidence, il tient parole ; mais en réalité, si le gouvernement évoque l'ouverture de centres pour accueillir les réfugiés, il annonce que les « migrants irréguliers »seront « raccompagnés » hors des frontières.
En attendant, des tentes et des effets personnels ont été détruits, ne laissant plus aux réfugiés, aux familles, que les vêtements qu'ils portent et leurs papiers et documents.
Des interrogations indispensables
Ce genre d'opération suscite nombre d'interrogations, sinon l'indignation. D'abord sur le nécessaire accueil des réfugiés qui fuient la guerre et la terreur et que la France comme l'Europe ont le devoir légal autant que moral d'accueillir dignement. Ensuite sur la distinction sans cesse réitérée entre réfugiés et « migrants » dits « irréguliers ».
Bien sûr, la convention de Genève délimite de façon claire ce qui permet d'obtenir le statut de réfugié, en particulier les persécutions liées aux opinions politiques, aux croyances religieuses, aux origines…
Mais comment imaginer que ceux qui risquent leur vie sur des bateaux de fortune pour traverser la Méditerranée – plus de 3 000 personnes y périssent chaque année – le font par quête de l'adrénaline ou pour profiter oisivement d'allocations indues sur le sol européen ?
En fait, les motifs de ceux qui risquent cet exil se mêlent souvent, face aux guerres, mais aussi face aux conséquences de graves crises écologiques ou de désastres économiques dans des pays où les multinationales et des régimes prédateurs n'hésitent pas à exploiter les ressources naturelles et les êtres humains…
Évacuation d'un camp dans Paris
Dumping et clichés
Certains pourtant préfèrent accuser les migrants de se faire les concurrents des citoyens français ou européens et de coûter cher aux budgets nationaux, plutôt que d'accuser ceux qui profitent de cette mise en concurrence et qui abusent d'un dumping social organisé à l'échelle du monde.
Quant au « coût » supposé des migrants, il représente, selon ATD Quart Monde, 48 milliards d'euros chaque année en France (en prestations sociales), alors que les mêmes migrants rapportent 60 milliards d'euros à l'économie nationale en impôts et cotisations sociales…
Calais : urgence humanitaire et opération politicienne
Dans un tel contexte, souligne la CGT, « l'opération de “mise à l'abri” des migrants de la lande de Calais ordonnée par l'État », et où vivaient selon les associations entre 8 000 et 10 000 personnes, correspond de toute évidence « à une urgence humanitaire réelle », mais elle est aussi « une opération politicienne. La responsabilité du gouvernement aurait été de prendre, depuis des mois, les mesures nécessaires pour réellement accueillir et accompagner dignement les milliers de femmes, d'enfants et d'hommes obligés de fuir les bombes et les conflits du Moyen-Orient et de l'Afrique orientale ».
Pourtant, « pendant des mois, le gouvernement de Manuel Valls a laissé se développer la “jungle de Calais”, sans chercher à trouver des solutions adaptées aux besoins des migrants ».
Or, poursuit la confédération, « beaucoup de migrants ont accepté de rejoindre les centres d'accueil et d'orientation (CAO) de leur plein gré », mais « d'autres veulent continuer leur route vers le Royaume-Uni. Ce déplacement forcé fait craindre que les droits des réfugiés ne soient pas respectés. Le risque est grand que nombre d'entre eux se retrouvent rapidement en centres de rétention et soient expulsés vers leur pays d'entrée dans l'Union européenne ou leur pays d'origine ».
En outre, la situation des enfants et mineurs non accompagnés demeure plus que précaire, que ceux-ci souhaitent ou non rejoindre de la famille déjà installée au Royaume-Uni.
La solidarité contre les murs
De quelle société voulons-nous ? Telle est bien la question que la situation des migrants renvoie aux sociétés européennes. Soit une société de la concurrence généralisée, de la peur, de la suspicion, de la haine, du racisme, ou du rejet des plus pauvres et des plus précaires, en clair de l'intégration du dumping généralisé comme perspective indépasable. Soit une société solidaire, riche de sa diversité, mais aussi du partage des richesses créées par le travail, loin des paradis fiscaux.
« Dans un contexte politique nauséabond où certains sont tentés par la xénophobie et le repli identitaire, la CGT, fidèle à ses valeurs de paix, de fraternité et d'internationalisme, entend saluer et réaffirmer sa totale solidarité envers tous les élus, comités d'entreprise et citoyens qui accueillent dignement ces milliers de migrants fuyant la guerre, la misère et la pauvreté », réaffirme ainsi la confédération, qui appelle tous ses militants à se joindre aux actions de solidarité et de soutien aux migrants.
Démantèlement de la « jungle » de Calais
Des exigences syndicalesLa CGT réclame « le respect des textes internationaux et européens garantissant les droits fondamentaux de tous les demandeurs d'asile et migrants ; l'augmentation substantielle du nombre de places dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile et des moyens adéquats pour répondre aux demandes ; un suivi social, médical et psychologique pour les personnes qui ont vécu les drames et les traumatismes de la guerre et de l'exil, souvent au péril de leur vie ; la garantie d'accès à l'apprentissage de la langue française, au suivi de projets professionnels et de formations adaptées ; la renégociation des accords du Touquet pour que la France ne joue plus le rôle détestable de garde-frontière de la Grande-Bretagne et la révision des accords de Dublin pour permettre à ceux qui le souhaitent de s'installer dans n'importe quel pays de la Communauté européenne ».