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SANTÉ

À la santé des citoyens ou des actionnaires ?

19 mai 2016 | Mise à jour le 13 juin 2017
Par | Photo(s) : Maxime Jegat/IP3
À la santé des citoyens ou des actionnaires ?

Chez Sanofi, la CGT dénonce les stratégies financières qui fragilisent l'entreprise en termes sanitaire, industriel et social.

Est-il acceptable que la santé constitue un marché de plus en plus juteux au seul profit des actionnaires et au détriment précisément de la santé des citoyennes et des citoyens ? Chez Sanofi, première entreprise de l'industrie pharmaceutique en France, la CGT répond clairement par la négative, en dénonçant « un véritable détournement financier de l'argent généré par notre travail et une véritable destruction de compétences, de sites, de régions, de potentiels nécessaires à la santé ».

Les faits parlent d'eux-mêmes. Trente milliards d'euros de dividendes ont été versés aux actionnaires, entre 2008 et 2016. Et pour encourager cette primauté donnée à la finance, l'actuel directeur général de Sanofi, déjà gratifié à son arrivée, début 2015, d'un bonus de bienvenue conséquent (4 millions d'euros sur deux ans), s'est vu octroyer une rémunération de plus de 16 millions d'euros l'an dernier.

Ce qui fait d'Olivier Brandicourt, le patron du CAC 40 le mieux payé… Sur la même période, de 2008 à 2015, 4 700 emplois en CDI ont été supprimés. Un millier d'autres est aujourd'hui menacé dans le cadre d'un nouveau plan de restructuration.

LES MARCHÉS CONTRE LES BESOINS

Ces chiffres recouvrent une réalité faite d'investissements industriels insuffisants conduisant à des difficultés de production de certains vaccins, de coupes claires dans la recherche et développement – particulièrement touchée par les réductions d'effectifs au cours des cinq dernières années – de fermetures de sites, d'abandons d'activités pourtant essentielles au regard des besoins de santé dans notre pays, en Europe et dans le monde.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 3,2 milliards de personnes environ – près de la moitié de la population mondiale – sont exposées au risque de contracter le paludisme et plus de 500 000 femmes, hommes et enfants meurent chaque année des suites de cette maladie, essentiellement en Afrique. Le staphylocoque doré est en progression, y compris en Europe.

Ces simples rappels montrent à quel point les champs de recherches et de production sont larges en matière de médicaments. Mais là n'est visiblement pas la préoccupation de la direction de Sanofi, en quête des « marchés », selon le terme favori d'Olivier Brandicourt, les plus prometteurs.

AUCUNE FINALITÉ INDUSTRIELLE

L'activité « infectieux », développée jusqu'en 2004 sur le site de Romainville (93), d'abord externalisée, est finalement tombée, en 2010, dans l'escarcelle du groupe britannique AstraZeneca, qui a récupéré les molécules en développement et les brevets. L'échange par Sanofi, annoncé en fin d'année dernière, de son activité santé animale (Mérial), contre l'activité santé grand public de l'allemand Boehringer-Ingelheim, n'est pas plus guidé par les besoins de santé. Cette transaction n'a « aucune finalité industrielle », souligne Thierry Bodin, coordonnateur CGT chez Sanofi, et mettrait fin aux travaux de recherche communs qui commençaient à voir le jour entre les deux groupes.

Très rentable, Mérial développe une activité d'autant plus utile que 60 % des agents pathogènes qui touchent l'homme proviennent de l'animal domestique ou sauvage. Mais en récupérant en contrepartie, « une activité qui ne présente aucune innovation ni industrielle, ni sanitaire », le groupe français poursuit d'autres objectifs.

« Cette transaction pourrait permettre à Sanofi de devenir un leader mondial du marché très porteur des médicaments sans ordonnance », a déclaré Olivier Brandicourt. Sans compter qu'elle rapporterait aussi au groupe français quelque 4,7 milliards d'euros destinés à des rachats d'actions…

DES MÉDICAMENTS À PRIX D'OR

Les prix de vente des médicaments, pratiqués par Sanofi comme par toutes les firmes du secteur, sont un autre indicateur de cette stratégie financière. Le groupe américain Regeneron, avec qui Sanofi a signé l'an dernier un partenariat sur le cancer, demande près de 13 000 euros pour une année de traitement préventif destiné à faire baisser le taux de cholestérol chez certains patients. Le Britannique Gelead a facturé 56 000 euros un vaccin thérapeutique contre l'hépatite C. Des prix « sans aucun rapport avec le coût réel », indique Thierry Bodin.

En France, l'immobilisme de la puissance publique est d'autant plus inacceptable que Sanofi « vit de la Sécurité sociale », note encore le dirigeant syndical. Et ce n'est pas le seul scandale. Le groupe a reçu en 2014, 153 millions au titre du crédit impôt recherche et 17 millions au titre du CICE, « sans aucun engagement en retour ». Optimisation fiscale oblige, la firme a installé sa trésorerie européenne à Bruxelles, privant notre pays de revenus substantiels.

ARRÊTER LE MASSACRE

« Sanofi, c'est un réseau de compétences, une chaîne de professionnels, ingénieurs, cadres, techniciens, administratifs, ouvriers, des activités complémentaires de recherches, production, diffusion, promotion », rappelle la CGT. Elle milite pour « l'interdiction des rachats d'actions (10 milliards en 8 ans) et la limitation des dividendes ».

Elle demande aussi la transparence sur le prix des médicaments, un changement de stratégie pour répondre aux besoins de santé, l'arrêt de la casse de l'emploi et des capacités d'expertise, pour développer cette industrie sur des axes thérapeutiques plutôt que de l'asphyxier à coup de valorisation boursière.