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ÉCOLOGIE

À Nantes, écologistes et syndicalistes défendent le vivant et l'emploi public

10 janvier 2024 | Mise à jour le 10 janvier 2024
Par | Photo(s) : Thomas Louapre
À Nantes, écologistes et syndicalistes défendent le vivant et l'emploi public

Anita Gadet, Margot Medkour, Arnaud Pacaud, Raynald Guibert, Esther Le Cordier et Gaëtan Foulon, opposants au projet urbain de la ZAC Doulon-Gohards, dans la maison de la résistance et des semences bâtie par le collectif « Sauvons les Gohards », à Nantes.

Un projet d’écoquartier porté par la mairie de Nantes (Loire-Atlantique) va détruire l’un des derniers poumons verts de la ville. Opposé au projet, un collectif planche sur une proposition alternative intégrant une revendication de la CGT Mairie de Nantes : développer le maraîchage public sur le site pour alimenter la cuisine centrale nantaise.
9h30. Vallon des Gohards Nord, au nord-est de Nantes. Une légère brume plane sur l’écrin de verdure, situé au cœur de la métropole nantaise. Tout proche, le clapotis du ruisseau des Gohards se fait entendre. Jusqu’en 1982, la zone était cultivée par des maraîchers, alimentant en légumes la population nantaise. Aujourd’hui, les riverains s’y promènent, elle sert de terrain de sport et d’îlot de fraîcheur durant l’été. C’est dans cette zone naturelle et sauvage que doit débuter la phase 1 de la construction d’un écoquartier. Piloté par la métropole et la ville, le projet urbain Doulon-Gohards prévoit la construction de 2000 à 3000 logements d’ici 2035 sur une zone de 180 hectares. Plusieurs fermes urbaines sont déjà sorties de terre, de même qu’une école. Près de 190 arbres ont été abattus fin février 2023. Pour mener à bien la construction de l’écoquartier, la ville et la métropole ont créé en 2016 une ZAC (zone d’aménagement concertée). « Le projet d'aménagement du secteur Doulon-Gohards fait l'objet d'une concertation importante basée sur des ateliers et des temps de rencontres avec les habitants et les acteurs du quartier » détaille le site de la métropole.

Absence de concertation

« En réalité, les habitants n’ont pas eu leur mot à dire, déplore Gaëtan Foulon, habitant du quartier. Pour l’immense majorité d’entre eux, ce projet n’a pas de sens. » Alors que la loi Climat et Résilience de 2021 prévoit de diviser par deux le rythme de la bétonisation d'ici 2030, cinquante hectares de zones naturelles doivent être urbanisés pour la construction de l’écoquartier. Et ce alors que la Loire-Atlantique est l’un des départements plus artificialisés de France (15 % du territoire contre 9% pour la moyenne nationale). L’arrivée de nouveaux logements risque, de plus, d’obstruer un réseau routier déjà saturé.

Afin de s’opposer à cette bétonisation à marche forcée, le collectif Sauvons les Gohards est né. Rassemblant des syndicats (CGT Mairie de Nantes, Union Locale CGT de Nantes, UFICT-CGT Nantes, FSU, Solidaires) des associations et collectifs (Attac 44, Les Soulèvements de la Terre, Extinction Rebellion Nantes…) et le mouvement municipaliste Nantes en commun, Sauvons les Gohards entend défendre les dernières terres fertiles de la ville.

Recours en justice

À cette fin, deux recours ont été déposés. Le premier conteste l’autorisation environnementale, délivrée par le préfet à la métropole, autorisant la destruction des zones humides ou l’habitat d’espèces protégées. « L’étude d’impact, qui a été réalisée pour obtenir l’autorisation environnementale, est incomplète car des espèces protégées vivent ici et n’ont pas été prises en compte et des zones humides n’ont pas été inventoriées par la métropole. Or, le plan local d’urbanisme reconnaît l’intérêt écologique des zones humides et dit qu’il ne faut pas les artificialiser » explique Margot Medkour, l’une des porte-paroles de Nantes en commun et tête de liste aux dernières élections municipales sous la bannière du mouvement municipaliste. L’autre recours, attaquant la légalité du permis de construire, a été rejeté par le Tribunal Administratif de Nantes le 21 juillet 2023, qui a toutefois reconnu un doute sérieux quant à l’existence de zone humide sur le terrain. Le collectif entend contester cette décision devant le Conseil d’État.

« Nous ne sommes pas anti-logement, mais nous pensons qu’il y a d’autres solutions que d’artificialiser une zone naturelle. Comme construire sur des zones déjà bétonnées, ainsi qu’il en existe à Nantes, ou encore à la place de l'agrandissement de la zone commerciale Paridis, qui vient d’être acceptée par la métropole » abonde Esther Le Cordier, l’une des porte-paroles de Sauvons les Gohards. Par ailleurs, selon le dernier plan national de lutte contre les logements vacants, plus de 13 200 logements étaient vacants dans la ville de Nantes au 1er janvier 2019. Sans parler des nombreux bureaux inoccupés. Un élément qui bat en brèche l’argumentaire de la majorité municipale quant à la nécessité de construire davantage de logements.

Maraîchage public

Le 9 décembre dernier, près de 800 personnes se sont rassemblées à l’appel du collectif d’opposants pour planter des arbres, creuser une mare et inaugurer La Maison de la résistance et des semences. « La Maison de la résistance et des semences, à terme, pourrait devenir une grande graineterie où on récupérerait nos graines pour notre production » explique Raynald Guibert, jardinier de la ville de Nantes et élu CGT. Car la mobilisation contre la construction de l’écoquartier s’accompagne d’une proposition alternative : mettre en place une régie agricole communale, cultivée par des maraîchers publics de la Direction Nature et Jardins de la ville, afin de produire des légumes pour la cuisine centrale de Nantes, située à quelques centaines de mètres. La revendication, portée par la CGT Mairie de Nantes, n’a rien du fantasme, ainsi qu’en témoigne l’expérience de la ville de Mouans-Sartoux (06), où la régie agricole publique produit 85% des légumes des crèches et des écoles de la ville. 

« En tant que jardiniers municipaux, nous sommes amenés à faire de la culture potagère, alors que le maraîchage est un métier bien spécifique, qu’il faudrait professionnaliser et développer au sein de la ville, poursuit Raynald Guibert. Remettre en culture des terres historiquement cultivées en créant une ferme publique de maraîchage serait un moyen de commémorer le passé maraîcher nantais et de développer l'emploi public. » Actuellement, les militants CGT impliqués dans la proposition répertorient les besoins en surface nécessaires pour alimenter les crèches, les écoles et les Ehpads de la ville. Une demande de rencontre officielle a été adressée à Johanna Rolland, maire de Nantes (PS) et présidente de la métropole, afin de lui soumettre la proposition. Le courrier est resté, à ce jour, sans réponse.