15 avril 2020 | Mise à jour le 6 mai 2020
Arrêt d'activité jusqu'au lundi 20 avril. Annoncée le 15 avril en CSE central extraordinaire, cette décision fait aujourd'hui l'objet de réunions de CSE dans les six sites français d'Amazon : Saran (Loiret), Montélimar (Drôme), Sevrey (Saône-et-Loire), Lauwin-Planque (Nord), Boves (Sommes) et Brétigny-sur-Orge (Essonne). Soit 6 500 salariés en CDI ou CDD et 2 600 intérimaires qui, pendant cinq jours au moins, ne prendront plus de risques en allant travailler.
Retour en arrière. Le 14 avril, le TGI de Nanterre constate qu'Amazon « a, de façon évidente, méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés ». Le tribunal contraint alors l'entreprise à « procéder, en y associant les représentants du personnel, à l'évaluation des risques professionnels inhérents à l'épidémie de Covid-19 sur l'ensemble de ses entrepôts » et à mettre en place les mesures de sécurité adaptées
« dans les 24 heures » de se limiter à la livraison « des commandes de produits alimentaires, de produits d'hygiène et de produits médicaux », sous astreinte d'un million d'euros par jour.
Vers une « prolongation de la suspension de l'activité » ?
Le lendemain, dans les documents pour la réunion extraordinaire de CSE, Amazon, qui fait appel de la décision du TGI, explique cependant être « contrainte de suspendre toute activité de production dans l'ensemble de ses centres de distribution pour mener à bien l'évaluation des risques ». Elle évoque une possible « prolongation de la suspension de l'activité », annonce solliciter de l'État le remboursement du chômage partiel et s'engage au « maintien à 100 % des salaires ».
Mais les élus n'ont pas eu de réponse à toutes leurs questions, loin de là. Alain Jeault, délégué syndical central CGT, explique même que la réunion a été « très compliquée » : « Quand nous avons voulu faire voter une expertise, ils ont mis fin à la réunion. Pour eux, ce n'était pas un point à l'ordre du jour. C'est ça, la discussion chez Amazon… »
Aucun document remis aux élus du CSE
Votée par 14 élus sur 18, une résolution enfonce le clou : « Aucun document ne nous a été remis sur la méthode que vous comptez mettre en place ni sur l'articulation entre les démarches à mener au niveau central et les déclinaisons et adaptations à prévoir au niveau local. La procédure d'information et consultation sur l'évaluation et la mise en place des mesures n'a donc pas réellement commencé et il est donc difficile d'imaginer comment tout pourrait être effectué d'ici le 20 avril. »
Droit d'alerte, droit de retrait, actions en justice, mises en demeure, lettres d'observations…
Alain Jeault n'est pas étonné de l'attitude de la direction : « Tant qu'ils ne sont pas au pied du mur, ils ne font rien. » Car pour en arriver là, il aura fallu des droits d'alerte pour danger grave et imminent déclenchés par les organisations syndicales, le droit de retrait invoqué par des centaines de salariés, des mises en demeure de la Direccte pour « situation dangereuse » dans les six entrepôts d'Amazon — suivies dans deux d'entre eux d'une lettre d'observations de l'inspection du travail après contre-visite —, des dossiers déposés aux prud'hommes, une plainte au pénal de la CGT, à Douai, pour « mise en danger délibérée de la vie d'autrui »…
Ainsi, la lettre d'observations adressée le 10 avril à la direction du site de Lauwin-Planque, pointe ainsi « certaines situations de travail dans lesquelles les règles de distanciation ne sont pas respectées et la nécessité de mesures complémentaires concernant la désinfection des lieux et le lavage régulier des mains », ainsi que l'obligation « de procéder à l'évaluation des risques psychosociaux ».
« Aucun nettoyage entre le samedi matin et le dimanche soir »
Malgré cela, « Amazon estime qu'il a fait ce qu'il devait faire. Même si le juge dit le contraire, comme nous d'ailleurs depuis le début », insiste Alain Jeault. Lui-même est cariste à l'entrepôt de Sevrey, où après contre-visite, l'inspection du travail a décidé, le vendredi 10 avril, de lever la mise en demeure.
Résultat : « Alors qu'ils s'étaient engagés à désinfecter les salles de pause, il n'y a eu aucun nettoyage entre le samedi matin et le dimanche soir. L'équipe du weekend, d'une centaine de personnes, a pourtant mangé dans cette salle. On a touché les fours à micro-ondes, les tables, les chaises… »
Les actions parallèles des salariés, des organisations syndicales, de l'inspection du travail et de la justice ont abouti à une première : contraindre Amazon à fermer provisoirement. Mais, alerte Yves Quignon, secrétaire général de l'union locale CGT de Douai, « mardi 21 avril, ils risquent de rouvrir, après avoir annoncé quelques bricoles et en n'ayant pas consulté correctement les instances représentatives du personnel. » « Ce n'est pas possible ! », prévient-il.