22 décembre 2023 | Mise à jour le 22 décembre 2023
La grève a démarré le 4 décembre à l’aciérie de Dunkerque pour des revendications salariales. Face à l’accord signé par la direction avec la CFDT et la CFE-CGC, la CGT maintient ses revendications. La colère a aussi d’autres raisons, notamment la réquisition en pleine nuit de cinq ouvriers, dans les premières heures du conflit.
« Ce matin, on observe un regain de mobilisation. » Pas évident de tenir sur la longueur une grève entamée il y a plus de deux semaines. Joint au téléphone, Gaëtan Lecocq, secrétaire général du syndicat CGT d’ArcelorMittal Dunkerque (Nord), était cependant confiant jeudi 21 décembre. Le mouvement a débuté le 4 décembre, pour protester contre des propositions patronales jugées trop faibles. Soit le jour même de l’ouverture des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires au sein d’ArcelorMittal France, qui comprend sept usines, dans le Nord, le Pas-de-Calais, l’Oise, la Moselle, les Ardennes et la Loire-Atlantique (1). Des arrêts de travail ont eu lieu dans plusieurs sites, ils ont perduré à Dunkerque. Et l’accord signé le 15 décembre par ArcelorMittal France, la CFDT et la CFE-CGC n’y a pas éteint la grève.
100 à 150 grévistes par jour
Cet accord prévoit une augmentation générale de 3,7%, avec un plancher à 100 euros bruts, là où en 2022, les salariés avaient obtenu 4,4%, avec un plancher à 110 euros bruts. La CGT, qui souligne que cet accord « ne couvre même pas l’inflation », avait posé ses revendications avant l’ouverture des NAO, avec notamment « une augmentation générale des salaires de 300 euros bruts pour tous », un « salaire minimum à l'embauche à 2 000 euros bruts » et une majoration « à 30% minimum » du salaire de base pour les personnels en équipes postées.La CGT dénombre chaque jour à Dunkerque entre 100 et 150 grévistes, avec une pointe à 200 pendant le week-end du 16 décembre. Si dans un communiqué interne du 18 décembre, la direction minimise la mobilisation en parlant de « quelques grévistes », elle reconnaît sa portée sur le fonctionnement des hauts-fourneaux et du « train continu à chaud », avec une « perte de production de 115 000 tonnes de coils [bobines d’acier brut] ». Elle pointe aussi des conséquences sur l’aval de la chaîne, en particulier les lignes de production des usines de Mardyck (Nord), Desvres (Pas-de-Calais) et Montataire (Oise). « Ces perturbations nuisent gravement à la crédibilité du site de Dunkerque, dans un contexte de défense d’investissements lourds », conclut le communiqué, histoire de faire planer une menace sur l’avenir de l’usine.
Réquisition en pleine nuit, pour raisons officielles de sécurité
Sur le fond, ArcelorMittal France affirme que l’affaire est entendue car « la négociation [est] désormais terminée ». Une intransigeance que la CGT n’accepte pas, pointant les « 800 millions versés aux actionnaires depuis le début de l’année » et les « plus de six milliards de bénéfices sur les neuf premiers mois de l’année » réalisés à l’échelle du groupe. Mais d’autres événements ont attisé les braises de la colère, en particulier la réquisition de cinq ouvriers, signifiée chez eux par la police en pleine nuit du 4 au 5 décembre.
Cette équipe a été ciblée pour faire peur, parce qu’elle est CGT et l’affiche jusque sur ses casques avec des autocollants
Demandée par la direction, cette réquisition a fait l’objet d’un arrêté de la préfecture du Nord, officiellement pour « sauvegarder la sécurité des personnes et des biens », l’usine étant « classée en site Seveso seuil haut. » Gaëtan Lecocq assure que ses cinq collègues n’ont en réalité rien eu à faire durant ce poste de nuit. La préfecture n’a d’ailleurs pas réitéré ses réquisitions les jours suivants. Le syndicaliste est persuadé que « cette équipe a été ciblée pour faire peur, parce qu’elle est CGT et l’affiche jusque sur ses casques avec des autocollants ».
Les raisons profondes de la grève vont au-delà des revendications salariales. La CGT d’ArcelorMittal Dunkerque dénonce ainsi, dans cette usine, « des conditions de travail en constantes dégradations, un sous-effectif permanent, des installations vieillissantes et des bâtiments délabrés ». Le 18 décembre, Philippe Verbeke, représentant syndical national CGT à ArcelorMittal France et salarié de l’usine de Mardyck, voisine de celle de Dunkerque, a écrit aux ministres de l’Economie et de l’Industrie pour souligner que « les grévistes réclament tout simplement le respect de leur travail et un plan d’action pour améliorer l’outil de production ». Il a également appelé « à l’intervention de l’Etat pour une médiation ».
(1) Deux autres usines, regroupées dans ArcelorMittal Méditerranée, sont basées dans les Bouches-du-Rhône et en Lozère.