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INÉGALITÉS

Une augmentation inquiétante des inégalités

2 juin 2017 | Mise à jour le 1 juin 2017
Par | Photo(s) : DR
Une augmentation inquiétante des inégalités

Le deuxième rapport de l’Observatoire des inégalités publié le 31 mai, sous la direction d'Anne Brunner et Louis Maurin, confirme une hausse des inégalités et un accroissement de la pauvreté. Ce travail cherche à « décrire la réalité sociale comme elle se présente » et l'évolution des inégalités.

Revenus, travail, école, logement… : les chiffres et analyses publiés cette semaine par l’Observatoire des inégalités dans son deuxième rapport (deux ans après le premier), s’avèrent alarmants dans tous les domaines. Si les plus riches s’enrichissent, les classes moyennes, elles, stagnent et les plus pauvres s’appauvrissent encore. Les auteurs le rappellent : le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 75 % en huit ans et le nombre de pauvres de un million en dix ans. Surtout, « la lente diminution du niveau de vie des 10 % les moins favorisés constitue un retournement historique, un marqueur de notre histoire sociale. Que les riches s'enrichissent, c'est monnaie courante ; que les pauvres s'appauvrissent, cela change la donne. Ce choc nourrit une haine envers ceux qui continuent à profiter. », commentent-ils.

Les plus pauvres s'appauvrissent

« Le tableau des inégalités brossé par [ce rapport] ne pousse pas à l'optimisme […] le refus de voir les inégalités sociales dont sont victimes les classes populaires, l'exploitation des travailleurs flexibles par des stables, la précarité et le chômage des non-diplômés, conduit à une exaspération qui s'exprime dans les urnes », analysent-ils. Et pourtant, comme ils le rappellent, les garde-fous sociaux qui existent encore dans le pays permettent d’éviter le pire, contrairement à ce qui se joue dans d’autres États, en Europe elle-même. On pense par exemple à l’existence des services publics et aux budgets de la solidarité. Pourtant de plus en plus rognés par les politiques d'austérité à l'œuvre.

Non-emploi, sous-emploi : les classes populaires plus touchées

Les emplois précaires ne cessent de croître et concernent en 2015 près de 3,5 millions de salariés. La crise et les suppressions d'emplois qui se poursuivent touchent plus particulièrement les classes populaires. Parmi ceux qui sont devenus chômeurs entre 2008 et 2016, 70 % sont ouvriers ou employés. Le chômage des moins qualifiés atteint même 20%, quand celui des cadres supérieurs avoisine les 5%.

Les femmes sont en première ligne. Certes, elles représentent aujourd'hui quelque 40 % des cadres supérieurs, mais ce sont aussi les femmes que l'on retrouve le plus massivement (deux tiers de la catégorie) parmi les ouvriers et employés non qualifiés, soit proportionnellement une forte hausse sur trente ans. Les travailleurs issus de l'immigration font aussi les frais de la précarisation de l'emploi.

Et le rapport précise : « Notre société du travail se divise entre […] ceux qui, forts de leur statut ou de leur diplôme, connaissent peu ou prou leur avenir et une minorité de flexibles qui permettent d’ajuster l’offre de travail. » Quant aux mauvaises conditions de travail et à la pénibilité, elles pèsent également davantage sur ces catégories de population. « Ceux qui travaillent le plus durement sont les moins rémunérés. »

Pour autant, « le chômage mine notre société mais les meilleures “performances” de nos voisins ont le plus souvent été obtenues au prix d'une montée de la pauvreté laborieuse ou en sortant une partie des actifs du marché du travail », rappellent aussi les rapporteurs.

D'autres inégalités pèsent sur la société comme sur le vécu et les perceptions des plus précarisés. Ainsi, « les inégalités scolaires ont été décrites de longue date. Mais la violence des inégalités subies par une partie de la jeunesse est mal mesurée par les autorités en charge des politiques éducatives. L'injustice scolaire nourrit une défiance vis-à-vis de l'institution, et cette défiance structure les rapports sociaux. »

Hypocrisie des pouvoirs publics ?

Les auteurs y insistent : « Ce qui compte est l'écart entre la situation que nous vivons et notre aspiration à l'égalité. » Ainsi reviennent-ils sur l'expression d'« apartheid social » utilisée par l'ancien premier ministre alors que ne sont pas mis en œuvre des moyens d'ampleur pour le réduire. « Les mots ont un sens : la société de la communication percute de plein fouet la société tout court. On pourrait multiplier les exemples des hypocrisies qui constituent autant de violences, mais c'est vis-à-vis de la jeunesse populaire que notre pays est le plus en décalage. Les petits “sauvageons” des cités doivent aujourd'hui rire sous cape quand on leur donne des leçons de droiture. 

Le nouveau locataire de l'Élysée serait bien inspiré de lire ce rapport et de méditer sur ses conclusions. Dans une société qui privilégie la « compétition », ce qui doit compter, ce n'est pas ce que l'on nomme hypocritement « égalité des chances » sans regarder de plus près ce « chances ». C'est bien l'égalité réelle. Et les moyens pour y parvenir.

Rapport sur les inégalités en France, édition 2017Sous la direction d'Anne Brunner et de Louis Maurin, édition de l'Observatoire des inégalités, juin 2017. 176 pages. 8,50 € hors frais d'envoi.