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CINÉMA

Aux Flots Bleus, éclats de rire et vague à l’âme

6 juillet 2016 | Mise à jour le 10 février 2017
Par | Photo(s) : DR
Aux Flots Bleus, éclats de rire et vague à l’âme

Camping 3, dernier volet de la saga de Fabien Onteniente, marque le retour d'un Franck Dubosc plus drôle et tendre que jamais. Derrière les apparences de beaufitude, un portrait sensible des prolos et de la classe moyenne.

Ça sent les vacances, Camping 3 vient de sortir. La bouée en forme d'écrevisse orange sur le toit de la Renault 25, le moule-bite, les tongs à scratch… comme chaque été, Patrick Chirac prend l'autoroute du Sud, direction Biscarosse, pour y retrouver les copains du camping des Flots Bleus : les vieux Pic, Jacky et Laurette, Paulo Gatineau – tout juste divorcé de Sophie – et « le 37 ».

Notre homme reste fidèle à ses habitudes, mais cette année – mi-fauché, mi-seul, ou les deux à la fois – il tente le covoiturage. Et voilà qu'au lieu de traverser la France en charmante compagnie, il se retrouve coincé avec trois jeunes Dijonnais : Robert, le Camerounais charmeur, Benji, le Français beau gosse et José, le Portugais grande gueule. Et comme du covoiturage au co-couchage, il n'y a qu'un pas…

Dans la France des Uber, du chômage de masse, de l'avenir incertain de la jeunesse, des retraites en peau de chagrin, du mirage de la réussite médiatique, Franck Dubosc rempile avec brio dans le rôle du beauf attachant. Gags à répétition, répliques qui fusent, enchaînements inattendus, ellipses, ce troisième volet de la série (en voie de devenir culte comme Les Bronzés) tient le rythme et surprend même par son ancrage social à peine voilé et sa sensibilité assumée.

Bien sûr, les gags sur l'homosexualité, la négritude ou le handicap ne font pas dans la finesse, mais outre leur mérite d'oser le politiquement incorrect, ils fonctionnent comme des clichés moqués. Et tout le monde y passe : les classes moyennes en prennent pour leur grade, mais les bourgeois ne sont pas en reste.

Sous ses airs gras et gais, Onteniente installe, avec cette nouvelle comédie, une critique acerbe de la société actuelle médiatico-consumériste et tire les ficelles d'un film profondément triste avec des personnages vieillissants et de plus en plus en proie à la solitude : Brasseur (Jacky) joue le grabataire en proie aux délires d'Alzheimer et enchaîne les apéros, Paulo a divorcé et se cherche… les couples se sont défaits, les filles manquent à leur père, restés seuls avec leur masculinité désuète et encombrante, malgré les apparences.

Au milieu de cette galerie, Patrick Chirac est cet homme encore un peu ado, encore un peu blond, mais déjà trop vieux pour les minettes trentenaires, qui fonce dans les vagues de la Méditerranée, une bite tatouée sur le dos. Loin d'être une caricature du beauf de base, la complexité dégagée par ce personnage tient autant à la tendresse que lui accorde le réalisateur qu'à la prestation généreuse de Franck Dubosc.

 

La saga de Camping a réussi à croquer l'air du temps avec plus ou moins de piquant : Camping 1 marquait l'ère Chirac (patronyme affiché du personnage principal avec sa bonhomie légendaire) ; Camping 2 s'égarait quelque peu sous la présidence bling-bling de Sarkozy ; Camping 3 laisse un vague à l'âme qui suggère la fin d'un cycle ; celui où le président de la République se retrouve en couverture des magazines people, son statut réduit à celui d'un tombeur d'actrices et sa notoriété assimilée à celle d'un joueur de football…

On est loin des débuts du camping, qui permit à tant de Français de goûter au bonheur des vacances pour la première fois ; les tentes recyclées de la Seconde Guerre mondiale qui marquent le début du tourisme de masse et l'opportunité de partir, quitter le boulot, prendre l'air en famille et entre amis pendant les tout nouveaux congés payés ont évolué.

Reste que les vacances sont encore un luxe pour beaucoup de Français, qu'ils soient des jeunes Dijonnais, des retraités de la classe moyenne ou un quinqua qui pointe chez Pôle emploi.

Avec une discrète affiche « Campéole, l'art du Camping » épinglée sur le mur de l'accueil, le film fait un clin d'œil à l'opérateur historique du tourisme social, mais moque l'injonction marketing qui le pousse à rebaptiser Les Flots Bleus en quartiers californiens – Beverly Hills et autre Santa Monica – pour cacher la misère.

De la même façon, il raille le mirage des émissions de télé-réalité comme The Voice, qui a écarté Benji, étudiant en école de commerce et chanteur dans l'âme. Le beau gosse finit en revanche par s'imposer comme la vedette principale du bal de fin d'été du camping.

Signe qu'une autre approche socioculturelle est possible ?

 

Camping 3, réalisé par Fabien Onteniente.

1 h 45. En salles le 29 juin 2016.