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Le bal des mots dits : le cœur de métier

12 juillet 2017 | Mise à jour le 11 juillet 2017
Par | Photo(s) : Babouse
Le bal des mots dits : le cœur de métier

Le cœur de métier évoque immédiatement quelque chose de chaleureux, de vivant. Le cœur n'est-il pas à la fois cet organe essentiel à la vie, en même temps que le siège symbolique des émotions ?

Ainsi donc, bonne nouvelle ! L'entreprise a un cœur : le cœur de métier. C'est « le cœur sur la main » qu'elle nous parle à « cœur ouvert » pour nous introduire dans ce saint du saint, ce lieu sacré. Comment ne pas avoir alors « le cœur qui bat la chamade » et l'envie de jouer « les jolis cœurs » devant celle qui nous traite avec tant d'égard ? Là se réalise ce pourquoi l'entreprise ou le service existe. Y travailler développe le sentiment d'appartenir à l'élite ou, pour continuer de filer la métaphore, à la caste des grands prêtres.

Terme hébraïque difficilement traduisible, il désigne, dans l'Ancien Testament, le « séjour des morts », la « tombe commune de l'humanité »

L'expression, sans doute à cause de sa charge symbolique et sentimentale, est particulièrement imprécise. Qui pourrait dire les tâches qui y sont naturellement inscrites et celles qui seraient rejetées à la périphérie, le « shéol », l'enfer de l'insignifiant et de l'inutile.

Une imprécision qui a pour conséquence, au fil du temps, d'en réduire le périmètre.  Le « cœur de métier » est un muscle qui, contrairement aux autres, s'étiole en travaillant. Petit à petit, des métiers, des missions s'en trouvent exclus. Première étape avant une externalisation probable. Il faut bien du mépris et une méconnaissance du réel pour exclure tant de travailleuses et de travailleurs dont la peine quotidienne contribue tout autant au résultat final. Qu'elles – ou ils – soient au magasin, à l'entretien, au ménage et tant de tâches encore, qui pourrait vraiment prétendre à leur inutilité ?

Et si le cœur du métier, c'était plutôt le cœur que nous mettons à accomplir notre travail ? Un cœur compris comme un investissement de tout notre être, si mal reconnu et rétribué. Un cœur qui nous unit dans une même volonté de bien faire et une même opposition face à ceux qui ne voudraient voir en nous que des machines.  Aussi, au « cœur de métier », qui sépare et divise, nous faudrait-il opposer « le métier au cœur », qui nourrit les solidarités et fait « chaud au cœur ».