Monnaie fiduciaire : le cash fait de la résistance
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« 5,5 milliards d'euros de bénéfices mais licenciements et mobilités contraintes, PSE au rabais, absence de revalorisation du point d'indice, réforme des carrières, suppression de jours de congés (bonis), très nette dégradation des conditions de travail, augmentation considérable des syndromes d'épuisement professionnel, absence totale de dialogue social… STOP, nous ne pouvons plus accepter tout cela ! » Ce commentaire laissé, parmi d'autres, par un salarié au pied de la pétition « Rien ne va plus à la Banque de France » , résume la situation au sein de l'institution. Cette pétition, lancée sur change.org par l'intersyndicale (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO et SNA-Solidaires) en prélude à la semaine d'actions et de communication organisée du 13 au 17 novembre, a recueilli plus de 4 000 signatures. Elle est remise aujourd'hui, vendredi, au gouverneur, François Villeroy de Galhau.
Mardi 14 novembre, 60 % des agents étaient en grève à l'appel de l'ensemble des syndicats de la Banque de France, y compris celui des cadres qui, ces dernières années, ne s'était associé à aucune action. En cause, un « énième plan de réorganisation des activités » qui s'accompagne d'un nouveau plan social – le quatrième en quinze ans – sur fond de dégradation des conditions de travail. Tous s'alarment du « malaise croissant des agents (…) cadres comme non cadres » et alertent sur « l'émergence progressive d'une crise sociale à la Banque de France, comme l'a connue il y a quelques années Orange ». Ils font état d'« explosion de la charge de travail », de « burn out », de « perte de sens au travail », d'« injonctions contradictoires » et dénoncent « une stratégie d'entreprise génératrice de risques psychosociaux ». Ce nouveau plan stratégique baptisé « Ambitions 2020 » a été lancé l'année dernière par le gouverneur François Villeroy de Galhau, qui a succédé fin 2015 à Christian Noyer. Les syndicats dénoncent les méthodes brutales d'un gouverneur qui « boucle » les réformes « à marche forcée » et « au pas de charge » sans véritables négociations et au mépris des engagements déjà pris. Tous évoquent « un dialogue social malade ».
Depuis 2012 , la Banque de France est engagée dans un vaste plan de transformation qui se traduit par des restructurations incessantes démarrées il y a une quinzaine d'années et désormais couplées à une réduction drastique des effectifs. Non seulement l'institution comptait 13 500 agents en 2016 contre 16 500 en 2002 mais 2 500 emplois devraient encore être supprimés pour atteindre un effectif de 9 800 agents à l'horizon 2020. Et la méthode se durcit. Grosso modo, dans le plan Noyer – qui comprenait déjà des suppressions de postes liées à la fermeture de caisses chargées du traitement des billets –, la logique était de ne pas remplacer un emploi sur deux en comptant sur les départs naturels. Pour atteindre les objectifs d'« Ambitions 2020 », la Banque de France a entériné, lors du comité central d'entreprise du 13 octobre dernier, « un plan de réorganisation des activités de son réseau associé au lancement d'un PSE » de plusieurs centaines de suppressions de postes « et prévoit des licenciements », indiquent les syndicats. Pourtant, ces dernières années, nombre de nouvelles activités ont été confiées à la Banque de France dans le cadre de ses missions institutionnelles (stratégie monétaire et gardien de la monnaie, stabilité financière, services économiques à la collectivité) : la médiation du crédit pour les entreprises en difficulté en 2008, les mécanismes de supervision et de résolution uniques dans le cadre de l'union bancaire européenne en 2013 et 2015, une compétence en direction des très petites entreprises (TPE) de nature préventive en 2016, l'éducation économique, budgétaire et financière du grand public en tant qu'opérateur national (portail Mesquestionsdargent.fr, actions de formation des enseignants, des travailleurs sociaux…) en 2017, etc. Tant et si bien qu'aujourd'hui les effectifs sont « à l'os », estiment les syndicats : « dès que quelqu'un est malade ou en congé, il est impossible de fonctionner ».
Or, rappelle l'intersyndicale, « les agents de la Banque de France sont attachés à la défense du service public » et à la qualité de leur travail pour « assurer leurs missions ». Une gageure dans la situation actuelle. Par exemple, indiquent les syndicats, si des collègues sont absents dans une succursale pour permettre à celle-ci de fonctionner, « certains sont obligés de multiplier les kilomètres pour venir les remplacer ». Autre illustration, le rythme des réformes qui n'a désormais plus rien à envier au secteur privé, met en difficulté les cadres de l'institution : dans les faits, il leur est fixé comme objectif de « porter un changement mis en œuvre trop vite et de le mener sans aucune visibilité, donc mal », cela, dans un contexte où plus aucun personnel d'encadrement n'est recruté. De même, une politique de « mobilités géographiques imposées » est mise en œuvre et s'applique « par centaines pour ceux qui veulent éviter les licenciements ». Les syndicats rapportent que le baromètre social réalisé par la direction des ressources humaines confirme en tous points leur diagnostic : les deux tiers des agents estiment que le plan « Ambitions 2020 » n'est pas porteur de sens et ne va pas dans la bonne direction, 63 % ne font pas confiance au gouvernement de la Banque de France, etc. De son côté, le rapport annuel sur les risques psychosociaux pointe l'augmentation des tensions due à l'accélération des réformes. Et, signe que quelque chose ne tourne pas rond dans l'institution, celle-ci s'avère de moins en moins attractive pour les jeunes diplômés et subit un turn over encore inconnu jusqu'à peu.
L'intersyndicale critique les effets des transformations prévues par « Ambitions 2020 » pour compenser les pertes d'effectifs : la diminution de la présence de la Banque de France sur le territoire, la digitalisation, l'externalisation de métiers et de moyens, etc. Concrètement, 50 % du tri des billets devrait être transféré aux convoyeurs de fonds ou aux banques ; il n'est prévu qu'une seule implantation de succursale par département et certaines ne seront pas de plein exercice, disposeront d'un effectif très faible ; l'accueil du surendettement sera massivement relégué à des formulaires numérisés, etc. Le tout relève, pour les syndicats, de l'abandon de missions « au détriment de la qualité de service rendue aux citoyens » car, désertant les territoires, la Banque de France s'éloigne des publics, notamment des plus fragiles : les personnes surendettées qui ont du mal à constituer leur dossier, à effectuer certaines démarches en ligne ou ne sont tout simplement pas équipées ; les TPE qu'il deviendra difficile aux agents de rencontrer… Autant de missions qui ne seront plus exercées par des agents du service public dont l'indépendance est garantie par leur statut spécifique. Un statut du personnel qui fêtait ses 80 ans le 16 novembre, ce qui a donné lieu à des rassemblements régionaux dans le cadre de la semaine d'action. Dans les commentaires à la pétition un autre salarié écrit : « Si l'adaptation de la Banque aux défis de notre siècle est nécessaire, elle ne peut être un prétexte ni au bradage des valeurs biséculaires ni à la véritable dilution du sens du service public qui fondent notre sentiment d'appartenance à cette noble institution. Or, le statut est tellement mis à mal que l'âme de la Banque est peu à peu tuée ». L'intersyndicale qui depuis 2012 propose, en vain, son « Projet pour une Banque de France à l'horizon 2020 », demande aujourd'hui un débat public « pour que la Banque centrale de demain continue de répondre vraiment aux attentes de tous les publics (…) ». Le 15 novembre, les parlementaires et les élus locaux ont été interpellés en ce sens et l'intersyndicale a porté ses propositions d'avenir à l'Assemblée nationale. Ce jour-là, des agents arboraient un autocollant « ASSEZ ! ».
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