24 janvier 2025 | Mise à jour le 24 janvier 2025
Réunis devant le siège de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) à Saint-Baldoph, en Savoie, jeudi 23 janvier, les bergères et bergers du département déplorent des conditions de travail intenables et l'arrêt des négociations avec le patronat agricole pour améliorer ces dernières. Reportage.
Une odeur chaude de ferme envahit peu à peu l'air encore humide. Les bottes maculées de boue séchée battent le pavé devant le siège de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Savoie, à Saint-Baldoph, près de Chambéry . C'est ici qu'une dizaine de bergères et bergers accompagnés de leurs chiens, labrits et border collies, ont décidé de se rassembler pour exprimer leur colère, ce jeudi 23 janvier. Toutes et tous sont syndiqués au SGT-CGT, le syndicat des gardien.nes de troupeaux. La raison de leur colère ? L'arrêt des négociations par la FDSEA le 13 décembre dernier. Engagées depuis deux ans, en commission mixte paritaire, de maigres améliorations de leurs conditions de travail avaient été obtenues, comme une prime de 100 euros prenant en charge les frais d'équipement pour l'estive. Les demandes d'augmentation des salaires et le paiement d'heures supplémentaires avaient échoué…
« Notre seul lien humain est avec notre employeur, si avec un peu de chance, celui-ci se comporte correctement avec nous. » Thomas, berger.
Métier passion, l'activité de berger s'exerce dans des conditions extrêmement difficiles. Avec des journées qui démarrent à 6 heures du matin pour se terminer à 20 heures, le temps de travail atteint les 70 voire les 90 heures par semaine. « Au-delà des heures passées en montagne, nous sommes constamment en situation d'isolement. Notre seul lien humain est avec notre employeur, si avec un peu de chance, celui-ci se comporte correctement avec nous », explique Thomas, 35 ans. Entre la découverte d'un logement insalubre, les insultes, les violences de la part de leurs employeurs, sans parler du travail au noir et des salaires parfois non versés, les bergers subissent des conditions de travail d'un autre temps. Pour les bergères, qui représentent la moitié de la profession chez les moins de 35 ans, selon l'enquête des services pastoraux des Alpes, les violences sexistes et sexuelles font aussi partie du quotidien. « L'isolement et l'impossibilité de fuir accentuent ces violences envers les bergères. Sachant cela, certains éleveurs en profitent et franchissent les limites, et des cas de viols ont été rapportés », dénonce Roxane, par ailleurs bénévole pour l'association Cléopâtre, une ligne téléphonique de soutien pour les bergères et bergers en difficulté.
Des éleveurs hors-la-loi
Entre des fiches de poste souvent inexistantes et des contrats signés « au cul du camion », les ouvrier.es agricoles vivent dans un autre monde. « Au regard du Code du travail et des heures de travail effectuées, tous les éleveurs sont hors la loi. Hypocritement, la FNSEA [Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles] se plaint de ne pas trouver assez de main-d'œuvre, en oubliant de dire que nos conditions de travail sont moyenâgeuses. Que nous nous soyons mobilisés et organisés à dû provoquer chez eux une incompréhension, car l'image du berger solitaire qui ne bronche pas est tenace et d'habitude ce sont eux qui viennent déposer du lisier », tance Emmeline Tabillon, secrétaire générale du SGT-CGT. Depuis le coup de massue du 13 décembre dernier, le mot d'ordre reste le même : continuer les rassemblements pour exiger la réouverture des négociations et obtenir, enfin !, des conditions de travail et de vie dignes.