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Capitalisme 
et démocratie

17 novembre 2014 | Mise à jour le 7 avril 2017
Par | Photo(s) : DR
Capitalisme 
et démocratie

Pierre Gattaz n'est décidément pas avare de propositions. Il suggère, dans une interview publiée le 30 octobre, que la France « sorte de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail qui nous oblige à justifier les motifs du licenciement ».

Pierre Gattaz n'est décidément pas avare de propositions. Après avoir, fin septembre, sous le titre « Un million d'emplois, c'est possible », rendu public le très fourni cahier de revendications du Medef, il suggère, dans une interview au journal L'Opinion publiée le 30 octobre, que la France « sorte de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail qui nous oblige à justifier les motifs du licenciement ».

C'est évidemment, et comme toujours, au nom de la suppression des freins à l'embauche que le patron des patrons avance cette proposition. « Les chefs d'entreprise quand ils peuvent embaucher craignent de se trouver devant les prud'hommes s'ils rompent le contrat. Tant qu'on aura cette contrainte supranationale, peu importe le contrat, le fond du problème ne sera pas traité. » Autrement dit l'instauration d'un contrat de travail unique ne saurait suffire au Medef qui entend, au nom de l'emploi, pouvoir licencier à sa guise.

DES ARGUMENTS TOUJOURS LES MÊMES..

L'argumentation n'est certes pas nouvelle. Elle renvoie à la vieille opposition entre tenants du droit du travail et économistes libéraux. Les premiers justifient la protection des salariés par la nécessaire atténuation des conséquences de l'inégalité du rapport de force inhérente à la relation d'emploi dont le but est de réaliser « la possibilité pour tous d'une participation équitable aux fruits du progrès » comme le stipule la Déclaration de Philadelphie, annexée à la Constitution de l'OIT en 1944. À l'opposé, les seconds ne voient dans la loi qu'un élément de perturbation de la concurrence et de distorsion du marché. Ils se retrouvent dans l'argument de la Banque mondiale qui, en 2007, affirmait : « Les lois adoptées pour protéger les travailleurs leur portent souvent préjudice »

LES PROPOSITIONS DE DÉMANTÈLEMENT DU DROIT DU TRAVAIL
FORMULÉES PAR 
LE MEDEF N'ONT AUCUNE JUSTIFICATION ÉCONOMIQUE

Pour trancher la question, bien des études ont été menées. La dernière en date est parue dans la Revue internationale du travail de mars dernier, publiée par le BIT. Menée sur six pays – Allemagne, États-Unis, France, Japon, Royaume-Uni et Suède – et sur la période 1970-2010, ses conclusions sont sans appel.

LE DROIT DU TRAVAIL CONTRE LE CHÔMAGE

L'analyse empirique montre, nous disent les auteurs, que la législation du travail, en général, n'aggrave nullement le chômage. Mieux encore, ils affirment que certaines dispositions particulières, notamment celles relatives à la durée du travail et à la représentation des salariés « ont pour effet de le réduire ». Elles ont aussi, soulignent-ils, l'avantage de jouer en faveur d'une répartition plus égalitaire des revenus. Autant dire que les propositions de démantèlement du droit du travail formulées par le Medef n'ont aucune justification économique.

Elles s'inscrivent en revanche parfaitement dans le cadre de la révolution néolibérale à l'œuvre sur le vieux continent et qui vise à l'établissement de quelque chose comme une pure société de marché. Un modèle social théorisé naguère par Friedrich Hayek – prix Nobel d'économie en 1974 –, lequel ne voyait d'autre moyen d'assurer le triomphe de la liberté qu'en imposant la dictature d'une économie de marché immunisée contre tout correctif démocratique. Au moins avait-il le mérite de dire clairement ce que les néolibéraux n'osent pas avouer dans le débat politique : leur projet est fondamentalement incompatible avec la mise en débat de la politique économique. C'est à l'avènement de cette utopie hayékienne d'un capitalisme sans démocratie, que semble désormais vouloir travailler le Medef. De quoi alimenter une autre utopie, celle d'une démocratie sans capitalisme. Du moins sans le capitalisme que nous connaissons aujourd'hui…