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PORTRAIT

C’est ma vie... Karine Bouffard, auxiliaire de puériculture

12 octobre 2022 | Mise à jour le 12 octobre 2022
Par | Photo(s) : Thierry Nectoux
C’est ma vie... Karine Bouffard, auxiliaire de puériculture

Karine Bouffard, puéricultrice dans la crèche "People & Baby", à Saint-Denis,

Depuis plus de quinze ans, en CDD puis en CDI, Karine Bouffard travaille dans des crèches. Si elle aime toujours autant ce métier qu'elle a choisi, elle déplore, dans le privé, des manques récurrents de matériel et un sous-effectif chronique.
Repères Avant trois ans, un enfant sur cinq est gardé dans une structure collective. Environ 70 % des enfants sont accueillis dans des structures publiques (20 % sont associatives). L'accueil de la petite enfance est ouvert au privé en 2003. Ces établissements sont en pleine expansion, notamment les micro-crèches. En 2021, la capacité d'accueil maximale de ces dernières passe de 10 à 12 enfants. En juin, un drame secoue la profession : à Lyon, dans une crèche People & Baby, une petite fille de 11 mois meurt après qu'une auxiliaire de puériculture l'a forcée à ingérer de la soude caustique.

Article publié dans l’édition d’octobre 2022 de La Vie Ouvrière Ensemble

« Le moment de la journée que je préfère, c'est quand je fais les transmissions du soir aux parents. Le matin, il sont pressés, ils partent au travail, alors que, en fin de journée, ils ont davantage de temps. J'aime bien leur raconter les petites anecdotes de la journée de leur enfant. C'est un vrai moment de partage. Hier soir, une maman s'est assise avec moi sur le sol quelques minutes », raconte Karine Bouffard en souriant. C'est son expérience précoce de baby-sitting qui lui a donné envie de travailler auprès des enfants. « Pour mes parents, il n'en était pas question. à leurs yeux, ce n'était pas un vrai métier ! » s'étonne-t-elle encore aujourd'hui. Sans grande conviction, elle passe un BEP secrétariat, puis un bac pro, mais bifurque dès qu'elle le peut vers un CAP petite enfance.

Pénurie de personnel

Depuis le début de sa carrière, Karine Bouffard a pu expérimenter différents volets du métier d'auxiliaire de puériculture. Elle a d'abord assuré des remplacements dans une structure de protection maternelle et infantile (PMI), puis dans une crèche municipale avant de devoir s'orienter vers le secteur privé. Les structures publiques recrutent des titulaires du diplôme d'état d'auxiliaire de puériculture (DEAP), alors que les établissements privés associatifs ou à but lucratif peuvent embaucher des personnes disposant seulement d'un CAP petite enfance. Depuis le 31 août 2022, « dans un contexte local de pénurie de personnel », ils peuvent même recruter des salariés sans aucun diplôme. Une mesure qui « horripile » Karine. « Je voudrais bien que le ministre délégué à l'Enfance vienne passer une journée entière dans une section. Il verrait si nous n 'avons pas besoin de personnel qualifié ! », s'exclame-t-elle. « Les collègues tout juste diplômées qui viennent d'être embauchées ont besoin d'un accompagnement de la part de l'équipe. Pourtant, elles ont suivi une formation, eu des stages. Je n'ose pas imaginer ce qui se passerait si ce n'était pas le cas », ajoute-t-elle.

Du public au privé

Après avoir passé quatre ans et demi dans une crèche appartenant au groupe Les Petits Chaperons Rouges, elle a envie d'aller voir « si l'herbe est plus verte ailleurs ». Pendant près de trois ans,elle travaille dans des microcrèches (12 enfants au maximum), se dirige vers l'intérim avant d'être à nouveau embauchée en CDI dans une crèche appartenant cette fois à la société People&Baby. « Je me suis éclatée en intérim, j'assurais des remplacements ponctuels. Comme je connais bien le métier, je m'adaptais très vite. C'était très gratifiant. » Elle a ainsi pu mesurer la différence entre les crèches du public et celles du privé. « Dans les premières, c'est l'intérêt de l'enfant qui passe en premier, alors que les secondes ont pour but de dégager des profits », souligne-t-elle. Les professionnelles sont confrontées à des manques récurrents de matériel. « Il nous arrive même d'être en panne de couches. J'ai dû mettre à des enfants des couches deux tailles trop grandes », dénonce-t-elle. Les sous-effectifs sont aussi fréquents. « Une section de “grands”, qui accueille des enfants qui ont entre dix-huit mois et trois ans, doit,en théorie, compter six professionnelles. Dans la réalité, nous pouvons être trois plus un demi-poste ».

 

« Je voudrais que le ministre délégué à l'Enfance vienne passer une journée entière dans une section. Il verrait si nous n'avons pas besoin de personnels qualifiés ! »

Karine Bouffard apprécie particulièrement de travailler avec les plus grands de la crèche. « J'ai un peu plus de difficultés avec les bébés qui ont entre deux mois et demi et un an », reconnaît-elle. « Avec les tout-­petits, il faut sans cesse décoder le langage corporel, alors que les plus grands commencent à maîtriser la parole. Ils sont en pleine acquisition de l'autonomie, ils deviennent propres et apprennent à s'habiller seuls. » Septembre est, en crèche, un moment charnière. C'est le moment où les enfants changent de section et font connaissance avec de nouvelles professionnelles. « C'est un temps de découverte mutuelle, il faut beaucoup les sécuriser affectivement. Cet accompagnement se décline à toutes les étapes de la journée, lors du change, de l'endormissement pour la sieste. Il faut s'asseoir pour jouer avec eux. Il faut sans cesse jongler entre l'individuel et le collectif. » Pas simple quand on est sous-effectif et que, en fin de journée, plusieurs enfants réclament leurs parents en même temps. « Hier soir, quand, à 18 h 45, j'ai quitté la crèche, j'avais la tête comme une pastèque. Une fois chez moi, j'ai juste pu avaler un Doliprane avant d'aller direct me coucher ! »