À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
Santé au travail

Chantiers de l’Atlantique : la direction la joue à l'intox

3 juin 2024 | Mise à jour le 3 juin 2024
Par | Photo(s) : Photo : Marcel Mochet / AFP
Chantiers de l’Atlantique : la direction la joue à l'intox

Une enquête d'un journal indépendant breton montre que la santé des ouvriers est mise en danger par l'exposition à des substances dangereuses et le recours de la direction à une sous-traitance « en cascade ». Une technique du « pas vu pas pris », qui touche les salariés les plus précaires.

Aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, environ 10 000 salariés participent à la construction de navires paquebots ou de guerre. Figure nationale de la construction navale, les Chantiers sont à l'origine de bâtiments célèbres comme le France, le Queen Mary 2 ou encore le Wonder of the seas. Dans l'esprit du plus grand nombre, ils jouissent d'une image prestigieuse. Pourtant, la réalité des conditions de travail des ouvriers exposés quotidiennement à de nombreuses substances dangereuses est bien loin d'être aussi glorieuse. La dernière enquête du journal indépendant breton, Splann, met en lumière cette exposition à des substances comme le chrome 6 classé cancérogène et que l'on retrouve dans les fumées de soudage de l'inox, dont sont surtout victimes les salariés sous-traitants.

La responsabilité des employeurs diluée

D'après Sébastien Benoît, délégué syndical CGT, 7 000 salariés dont « 3 700 détachés », seraient embauchés par près de 600 entreprises sous-traitantes. Les salariés « Chantiers » représentent 3 800 travailleurs dont 1 100 ouvriers alors qu'ils étaient encore « 2 500 au début des années 2000 ». Cette sous-traitance en cascade n'a fait qu'augmenter depuis la diffusion d'une notice intitulée « montage exotique », destinée aux sous-traitants. Dénoncée en 2001 par le journal satirique nantais, La Lettre à Lulu, celle-ci prône « l'utilisation d'une main-d'œuvre qualifiée en provenance de pays à faible coût », que justifierait la politique de réduction des coûts de l'entreprise. La pression est donc mise sur la productivité, et avec elle les conditions générales de travail se dégradent. « La sous-traitance dilue la responsabilité des employeurs », analyse Sébastien Benoît. Le suivi du respect des règles de sécurité est d'autant plus compliqué qu'il s'agit d'intervenir sur un site de plus de 100 hectares où se côtoient une multitude de nationalités, de techniques de production et de protocoles. C'est la technique du « pas vu pas pris ».

« Sur les 1000 ouvriers maison, 89 sont en absence longue maladie, contre deux chez les 1000 cadres » Sébastien Benoît, délégué syndical CGT

Trop peu nombreux, les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail constatent pourtant régulièrement des entraves à ces règles. De plus « comme cela a été le cas pour l'amiante, […] il est toujours difficile de relier un cancer à une cause professionnelle », déplore le militant. Il donne l'exemple d'une camarade atteinte d'un cancer de la vessie, non considéré comme maladie professionnelle. Pourtant cette préposée au ménage « intervient, parfois sans masque quand la chaleur est trop intense, pour balayer les poussières de soudure qui se retrouvent en suspension ». Même s'il conçoit qu'il n’est pas toujours possible d'établir des liens, d'après lui s'ajoute à cela tout un faisceau de concordances. « Sur les 1000 ouvriers maison, 89 sont en absence longue maladie, contre deux chez les 1000 cadres ». Quid des 7000 travailleurs sous-traitants ? « Nous n'avons aucune donnée de santé publique à l'intérieur des Chantiers de l'Atlantique. » Sébastien Benoît estime que cela est intentionnel et complète : « Les effets sur la santé des ouvriers sont pourtant corrélés aux études sur la santé publique locale. Saint-Nazaire connaît une surmortalité de plus de 42 % chez les hommes de moins de 65 ans par rapport à la moyenne nationale (1). » Et cela ne s'arrête pas aux Chantiers. « À Mean-Penhoët, un quartier de Saint-Nazaire, les taux d'arsenic dans les puits sont 10 fois plus élevés que la moyenne (2). »

Alors, jusqu'où cette course à la productivité peut-elle se faire au détriment des personnes ? » Aux Chantiers de l'Atlantique, la CGT revendique depuis toujours « un site, un statut ».

(1) Observatoire régional de la santé Pays de la Loire

(2)Association Vivre à Méan-Penhoët