9 février 2023 | Mise à jour le 9 février 2023
A l'occasion de ce 61ème anniversaire du massacre du métro Charonne, le comité « Vérité et justice pour Charonne » et la CGT ont conjointement déposé un projet de loi tendant à la reconnaissance officielle de ce crime d'Etat.
Comme chaque 8 février, depuis 1962, le massacre du métro Charonne a été solennellement commémoré. Comme chaque année, des gerbes de fleurs ont été déposées au cimetière du Père Lachaise à Paris où reposent les victimes de ce crime d'Etat toujours pas assumé ni reconnu par aucun président de la République depuis Charles de Gaulle. Comme chaque année, le cérémonial commémoratif aura permis de se souvenir de Charonne, ce passé qui ne passe pas. Et de ses centaines de victimes -dont neuf décédées, toutes militantes de la CGT et du PCF – qui furent sauvagement massacrées par la police dans le cadre d'une manifestation pacifique pour l'autodétermination du peuple algérien.
Comme chaque année depuis 1962, les familles et proches des victimes, témoins ou rescapés de cette tragédie, attendent toujours une reconnaissance officielle –qui peine à venir – de la responsabilité de l'Etat dans la perpétuation de ce massacre, ordonné par le ministre de l'intérieur de l'époque, Roger Frey et exécuté par la police de son tristement célèbre préfet, Maurice Papon.
Premiers pas vers la reconnaissance d'un crime d'Etat
Un premier petit pas avait été accompli en 2007 par le maire de Paris, Bertrand Delanoé qui, lors des commémorations à la station Charonne, avait inauguré une place du « 8 février 1962 ».
Une deuxième étape, plus significative au plan symbolique, a été franchie en 2022 par le président Emmanuel Macron qui, par voie de communiqué de presse, avait officiellement rendu hommage à la mémoire des victimes et de leurs familles » pour le 60ème anniversaire de Charonne, en 2022. Un geste considéré comme « important » par l'historien Benjamin Stora, et « à ne pas mésestimer », selon Jean-François Gavoury, président de l'Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l'OAS*. Bref, des petites avancées certes encourageantes, mais encore loin de répondre aux attentes du comité « Vérité et justice pour Charonne » qui milite inlassablement pour la reconnaissance des responsabilités de l'Etat dans cette tragédie, ainsi que pour l'enseignement et la transmission de cette mémoire aux plus jeunes générations.
La violence répressive des Gilets Jaunes, rien d'inédit
« Connaître le passé pour éclairer le présent », faisait valoir Henri Cukierman, président du comité « Vérité et Justice » qui, en 2020 déjà, évoquait les violences policières contre le mouvement des gilets jaunes : « On a pu avoir l'impression que la violence de sa répression par les forces de l’ordre était un fait inédit, d'où l'importance de savoir qu'hier comme aujourd’hui, les interventions des peuples dans la chose publique peuvent être réprimées par les pouvoirs en place pour éteindre les demandes de progrès démocratique exprimées par les citoyens ».
Un projet de loi pour une reconnaissance républicaine
Au lendemain des commémorations de ce 8 février 2023, le comité Vérité et justice pour Charonne et le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, ont conjointement déposé un projet de loi « tendant à la reconnaissance officielle des responsabilités liées à l'issue tragique des manifestations du 8 février 1962 à Paris».
Remis aux présidents des groupes parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat, ce texte appelle l'État et la Nation à « s'impliquer avec courage et détermination, dans la commémoration de leur sacrifice, l'un en reconnaissant sa responsabilité dans le déroulement des événements ayant conduit au drame de Charonne, l'autre en reconnaissant les souffrances endurées par les victimes ».
Soutenue par diverses personnalités politiques et figures intellectuelles telles que Annie Ernaux (Nobel de la littérature), Anne Hidalgo (maire de Paris), Cédric Villani (mathématicien), Benjamin Stora (historien), Fabien Gay (directeur de l'Humanité), Arianne Ascaride (comédienne) et tant d'autres, ce projet de loi remis aux mains des parlementaires leur offre l'opportunité de rendre, enfin, le plus noble des hommages républicains aux victimes de Charonne, ainsi qu'à leurs familles.
*OAS : L’ Organisation Armée Secrète (OAS) est une organisation clandestine qui a combattu entre 1961 et 1963 pour le maintien de l’Algérie française