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Coronavirus

Chroniques du coronavirus : la bombe à retardement de la pénitentaire

3 avril 2020 | Mise à jour le 3 avril 2020
Par | Photo(s) : Iroz Gaizka / AFP
Chroniques du coronavirus : la bombe à retardement de la pénitentaire

Comment les salariés et les militants syndicaux s'adaptent à cette réalité ? Ceux qui travaillent de chez eux, ceux qui sont tenus de se présenter à leur poste…
Chaque jour, la NVO vous raconte le quotidien des travailleurs à l'heure du Covid-19. Aujourd'hui : les services pénitentiaires.

Si la surpopulation carcérale et le manque de moyens donnés à l'administration pénitentiaire font régulièrement la une, l'arrivée brutale du Covid-19 dans ce milieu clos par essence risque cependant d'être lourde de conséquences si rien n'est fait pour protéger personnels et détenus.

Des personnels sans protection

« Pendant près d'un mois, les personnels n'ont eu ni masque ni gel hydroalcoolique. Une instruction de l'Administration pénitentiaire en date du 27 février interdisait même le port du masque en permanence, sauf lorsque la personne était en contact avec une personne détenue présentant des symptômes liés au Covid-19 ou infectée par le virus » Invraisemblable, aux yeux de Christopher Dorangeville, secrétaire général de la CGT pénitentiaire.

D'autant plus que, avec les mesures de confinement prises au niveau national et qui se sont traduites, pour les établissements pénitentiaires, par la fermeture des parloirs et la cessation de toutes les activités d'intérieur, ateliers, formations etc., les personnels se sont retrouvés être les seuls liens des prisonniers avec l'extérieur. Avec la possibilité de devenir eux-mêmes des vecteurs de la maladie.

Des contaminations chez les agents et les détenus

« On ne va pas se mentir, une fois que les détenus n'ont plus eu de contact avec l'extérieur, le seul et unique moyen de transmission, c'étaient les personnels en contact direct avec eux », déplore Christopher. « En les voyant arriver sans protections, cela a forcément tendu les relations ».

C'est que les chiffres annoncés par la direction administration pénitentiaire sont inquiétants. Au 1er avril, l'AP recensait ainsi 950 agents déclarés cas symptomatiques non testés, 95 confirmés et un décès ; 664 déclarés, 38 confirmés et un décès, côté détenus. Résultats : des émeutes, des matelas ou des parties de bâtiments brûlés, des refus de réintégrer les cellules dans nombre d'établissements.

Comme à la maison d'arrêt de Douai. Où l'on a dû faire appel aux ÉRIS [équipes régionales d'intervention et de sécurité, NDLR] pour faire rentrer les détenus dans leurs cellules. « Cela ne visait pas personnellement les surveillants. Ils ne comprennent pas pourquoi on n'a pas de gel, pourquoi des collègues viennent sans masques, sans gants. Ils demandent juste pourquoi on n'est pas plus protégés », veut relativiser Barbara Semail, surveillante à Douai. « Ils ont peur. Peur qu'on les contamine, peur aussi pour leur famille qui est à l'extérieur. »

La peur de la contamination accroit les tensions

Un sentiment que partage Barbara. « On a plein de gants de petite taille mais les grandes tailles, se font rares. On nous a fait une distribution de masques depuis samedi [28 mars, NDLR] mais on ne nous donne qu'un masque alors qu'il en faudrait deux par service de six heures. Et uniquement pour les agents de coursive en contact avec les détenus. C'est plus psychologique. »

« L'autorisation de l'usage permanent du masque a permis un peu de réduire la tension, mais elle ne l'a pas fait disparaître », confirme Christopher Dorangeville, inquiet de cette bombe à retardement. « Il y a plus de 70 000 détenus pour 61 000 places, il n'est donc pas rare d'avoir deux ou trois voire quatre détenus dans des cellules de 9 ou 12 m2 », rappelle le responsable syndical, qui n'oublie pas non plus les 30 000 salariés de la pénitentiaire eux aussi enfermés. « Cette promiscuité amène et favorise la propagation du virus. »

La protection de tous, une nécessité

« Si ce virus rentre chez nous, on sait qu'il va se propager à vitesse grand V et il n'y aura pas assez de personnel soignant ni assez de lits pour accueillir tout le monde. Il faut limiter la propagation intra-muros pour pouvoir après limiter les hospitalisations », prévient Barbara Semail, convaincue que la protection de tous, personnels comme détenus, est une nécessité. « Sinon, ça va être une catastrophe. Pour tout le monde. »

Pas sûr que la libération anticipée de quelques milliers de détenus en fin de peine ou les aménagements annoncés par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, suffisent.