Dans un contexte de lois antisociales et de criminalisation de l'action syndicale, le gouvernement ouvre aujourd'hui la 4e conférence sociale du quinquennat. En dehors des préoccupations réelles des salariés. La CGT et Sud-Solidaires ne cautionnent pas et n'y participent pas.
Selon un sondage OpinionWay pour Axys Consultants, Le Figaro et BFM Business (paru ce dimanche), seuls 39 % contre 59 % des sondés jugent « utile » la conférence dite sociale ouverte ce 19 octobre par François Hollande. Inaugurée en 2012 et quatrième du genre, cette conférence, plus qu'un « dialogue social », s'avère davantage une présentation de la feuille de route dite sociale du gouvernement.
UN CONTEXTE DE LOIS ANTISOCIALES
Ces derniers mois, le gouvernement a fait adopter les lois Macron et Rebsamen. Officiellement, il s'agit de croissance, d'emploi, de compétitivité. En réalité, la cohérence de ces lois repose sur la déclinaison des réformes structurelles et de la déréglementation néolibérale qu'elles entérinent, qu'il s'agisse du travail du dimanche et du travail de nuit, de la remise en cause des services publics comme ceux du transport, des droits des salariés à s'exprimer et être représentés…
Il prévoit un budget 2016 qui accentue encore sa politique d'austérité. Plusieurs milliards de cadeaux aux entreprises, en particulier dans le cadre du CICE, se traduiront notamment par des réductions budgétaires des collectivités territoriales et des reports de la réévaluation de diverses allocations sociales.
Cette fois, le gouvernement entend réformer aussi le droit du travail avant l'été 2016. Il prévoit de donner satisfaction au Medef concernant les accords d'entreprises. En fait, le patronat réclame explicitement une « inversion de la hiérarchie des normes ».
Pour le grand patronat en effet, la loi ne doit plus être le socle minimal commun, les accords ne pouvant être que plus favorables aux salariés. Au contraire, le Medef réclame que les accords d'entreprise l'emportent sur ceux de branches et ceux-ci sur la loi, soumettant donc les salariés au seul rapport de force en dehors de toute garantie minimale. Or, le gouvernement entend lui aussi donner une plus grande place aux accords d'entreprise…
ET DE SOUTIEN AUX STRATÉGIES PATRONALES
Pendant ce temps, à Air France, ce sont les salariés qui résistent, tandis que le gouvernement veut criminaliser. Certes, des dirigeants de l'entreprise ont perdu une chemise déchirée par des salariés exaspérés. Mais cinq syndicalistes ont été arrêtés au petit matin, gardés à vue durant plus de trente heures, leurs logements ont été fouillés. Ils doivent passer en jugement le 2 décembre… sans rien de précis contre eux. Le premier ministre traite les salariés en colère de « voyous ». Il soutient ces mêmes dirigeants qui annoncent quelque 2 900 licenciements.
Mépris de classe ? Tentative d'intimidation ? Pédagogie radicale du renoncement face à la violence des stratégies patronales ? C'est que dans nombre d'entreprises, ou à l'occasion de mobilisations interprofessionnelles, les salariés expriment aussi leur refus des politiques d'austérité qui continuent de faire reposer sur eux les conséquences de la crise, de sa gestion, ou le poids des parachutes dorés et autres « golden hellos » de dirigeants et actionnaires gourmands.
PAS DUPES D'UN DIALOGUE ABSENT
Pourtant, alors que l'emploi et les salaires demeurent les premières préoccupations des salariés, que le patronat entend imposer un nouveau recul de l'âge de la retraite malgré le chômage des jeunes et la dégradation des conditions de travail, ces questions ne seront pas à l'ordre du jour de la conférence sociale du gouvernement. Rien sur les demandes de la CGT, laquelle proposait que « soient inscrites à l'ordre du jour les questions de salaires et de réduction du temps de travail […] afin de favoriser la création d'emplois ».
Et, tandis que doit être présentée la conception gouvernementale du « compte personnel d'activité », aucun véritable échange digne de ce nom n'est prévu sur ce que doivent être le contenu et le financement d'une réelle sécurité sociale professionnelle. Difficile, dès lors, de parler de « dialogue social », souligne la CGT.
« L'organisation de cette conférence sociale aura d'ailleurs été un exemple éclairant de la conception de la démocratie sociale par le gouvernement », constate la confédération, qui rappelle que « le programme définitif n'aura été communiqué que moins deux semaines avant », avec « peu ou pas de concertation quant aux thèmes retenus ». Et de dénoncer le fait que « la démocratie sociale, selon le gouvernement, c'est le refus de donner la parole aux organisations syndicales lors de la conférence plénière alors que la tribune est offerte aux “experts” patronaux. Démocratie sociale d'ailleurs remise en cause par la récente loi Rebsamen ».
POUR UN CHANGEMENT DE CAP ÉCONOMIQUE ET UNE VRAIE POLITIQUE SOCIALE
Dans ce contexte, la CGT a décidé de ne pas participer à une telle conférence. Un choix partagé par Sud-Solidaires, qui refuse ce qu'elle nomme « une mascarade ». Dans un entretien au Parisien/Aujourd'hui en France, ce lundi, la ministre du Travail Myriam El Khomri se croit autorisée à donner des leçons de syndicalisme à la CGT en osant affirmer que son choix ferait « le jeu de ceux qui ne croient plus aux syndicats dans notre pays ».
La commission exécutive confédérale lui a répondu par avance en tenant à rappeler que « le rôle de la CGT n'est pas d'accepter des décisions prises unilatéralement par le gouvernement et le Medef, (mais) au contraire de proposer des alternatives favorisant le progrès social et le plein emploi ».
Aussi revendique-t-elle, rapidement, « de véritables négociations autour des sujets majeurs qui préoccupent les salariés » (voir encadré). Et d'ajouter : « Ces négociations doivent se faire dans un contexte social apaisé et constructif, en concertation et après consultation des organisations syndicales représentatives du pays, dont la CGT. »
La CGT revendique que s'engagent rapidement des négociations sur :
- l'augmentation des salaires et le paiement des qualifications ;
- la réduction du temps de travail en lien avec la santé au travail, son organisation, sa qualité ;
- la sécurité sociale professionnelle avec un nouveau statut du travail salarié ;
- l’avenir de l'industrie de notre pays ;
- le renforcement des services publics ;
- les enjeux environnementaux.