16 janvier 2024 | Mise à jour le 16 janvier 2024
Une centaine de personnes se sont rassemblées, mardi 9 janvier 2024 au matin, devant l’armement Via Océan, à Concarneau (29), en soutien au personnel de l’entreprise en cessation d’activités, et à toute la filière de la pêche au thon tropical, en crise. Le Télégramme / Olivier Desveaux
Sur fond de mondialisation, la CFTO (compagnie française du thon océanique), Via Océan (ex-Saupiquet) et la compagnie réunionnaise, Sapmer, les principaux armements de pêche au thon basés à Concarneau et aujourd'hui tous dirigés par de grosses multinationales étrangères, sont en difficulté.
À l'origine de cette crise, il y a la hausse du prix du carburant et le durcissement de la réglementation. Mais, on ne peut évoquer les difficultés du secteur sans s'intéresser aux quotas de pêche. « Historiquement, la pêche au thon est surtout française et espagnole », note Yves L'Helgoualc'h, secrétaire général de la CGT des marins de Concarneau. Or l'appât du gain a attiré de plus en plus de flottes «notamment chinoises ». Pour pêcher toujours plus et satisfaire aussi le développement de la pêche minotière, l'activité a connu une extension de certaines techniques de pêche, notamment les dispositifs de concentration de poissons, les DCP. Des méthodes d'extraction de la ressource, aujourd'hui à grande échelle, dans le viseur de l'association pour la conservation marine, Bloom. « Les DCP sont une artificialisation des tas de pailles, des bouts de bois flottants autour desquels les poissons sont attirés. Leur multiplication est en effet inquiétante et la CGT a toujours demandé une limitation de leur nombre par bateau », continue l’ancien marin de la Marchande.
L'emploi prend l’eau
Mais pour l'heure, l'urgence est surtout sociale. La Sapmer a déjà cédé trois thoniers et « bientôt deux autres partiront vers le pacifique » nous apprend Yves L'Helgoualc'h. Il ajoute à cette liste la vente du navire Talenduic par la CFTO et prochainement celle de trois bateaux de Via Océan. Ce sont 160 emplois français touchés de plein fouet dont 58 licenciements chez Via Océan. Un certain nombre d'emplois de matelots africains est également en sursis. Il est à noter que les modèles économiques de ces boîtes ont « mis à sac les conventions collectives défendues par la CGT au profit des accords d'entreprises ».
Une mobilisation devant les locaux concarnois de Via Océan a eu lieu le 9 janvier 2024 car la compagnie détenue par la société italienne Bolton group n'envisage pas de reclassement. Alors, les marins réclament des formations pour les jeunes, des préretraites et de meilleures indemnités de départ. « Toutes ces compagnies ont été aspergées de fonds publics, j'estime qu'elles ont des comptes à rendre ». Pour le militant, cette situation traduit un phénomène bien plus large. En décembre dernier, il a envoyé un courrier au président Emmanuel Macron pour alerter du contexte plus général de la marine marchande. « Derrière le système de rentabilité des firmes, il y a la volonté de disposer d'un personnel toujours moins cher. À terme, les bateaux de Via océan seront sûrement transférés vers le pacifique où Bolton a déjà des intérêts, notamment en Équateur ; certainement sous un nouveau pavillon de complaisance. Le sabordage de la pêche française continue », dénonce ce fin connaisseur, depuis son bureau au-dessus de la criée concarnoise.
Du thon, pas des canons
Il considère en effet que la France, deuxième puissance pour sa surface maritime derrière les États-Unis, ne défend pas suffisamment le secteur maritime (commerce et pêche) alors que « des milliards sont dépensés pour l'armement ». Le secrétaire général de la CGT des marins de Concarneau témoigne d'ailleurs que dans ce port autrefois spécialisé dans la pêche, « les bassins sont désormais pleins de constructions militaires ». Yves L'Helgoualc'h, qui milite depuis plus de 30 ans pour la protection du pavillon français et de l'emploi des marins, garde le cap et informe que les négociations se poursuivent au niveau de l'armement.