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Olivia Grégoire, députée LREM, lors d'un discours au théâtre Bobino à Paris pendant la campagne des municipales.
Olivia Grégoire, députée LREM, lors d'un discours au théâtre Bobino à Paris pendant la campagne des municipales.
Régulièrement La République en marche propose des sessions d'information avec ses députés. En juin, précautions sanitaires obligent, les sympathisants du parti présidentiel étaient invités à se connecter lors de webinaires de réflexion politique pour, par exemple, réfléchir ensemble à la régulation du capitalisme. La NVO a pu se procurer les échanges de ce pseudo laboratoire de réflexion citoyenne. Retraites, formation professionnelle, syndicats… Les propos, édifiants, oscillent entre café du commerce et future feuille de route gouvernementale.
« Régulation du capitalisme et soutenabilité ». Tout un programme n'est-ce pas ? C'est en tout cas celui du 12 juin lors d'un webinaire, ce croisement linguistique entre séminaire et Web que le confinement a rendu populaire. Aux commandes de cet échange numérique, la députée de Paris LREM Olivia Grégoire en direct de l'Assemblée nationale. De l'autre côté de l'écran, adhérents et sympathisants LREM conviés à cette consultation thématique pour questionner la députée et repenser le capitalisme, dans un temps compté : une quarantaine de minutes top chrono.
Pour introduire le sujet, la députée commence par les banalités d'usage. Ainsi, le capitalisme serait « quand même le meilleur système politique. Il a contribué très clairement à réduire les inégalités dans le monde, mais aussi à diffuser du progrès un peu partout. » D'emblée, le cadre est posé : pas question de remettre en cause le système, mais seulement « de le réguler » et de le rendre « soutenable ».
Message passé à tous ceux qui meurent de faim sur la planète sans avoir conscience de la chance de vivre dans un monde globalisé où le « meilleursystème » règne en maître. Seulement voilà, même chez LREM, on est bien obligé de reconnaître que si « l'économie de marché fonctionne, elle montre aussi des limites ». Surtout, la députée a noté, « depuis plusieurs années, de nouvelles attentes des consommateurs, des citoyens » et un « jeu économique mondial [qui] est en train de changer ». Le webinaire est là pour « se poser ensemble la question de savoir s'il faut faire évoluer les règles de ce jeu. »
D'entrée de jeu, Olivia rappelle qu'elle a eu en charge de conduire, en 2018-2019 laloi Pacte : « J'ai eu l'honneur en 2018-2019 de conduire la loi Pacte qui traite à la fois des entreprises, mais aussi des salariés, et qui donne des avancées assez fortes sur différents sujets, et notamment sur la participation des salariés à la valeur de l'entreprise, sur leur juste rétribution, et aussi une participation à la gouvernance de l'entreprise. » Voici ce que la NVO en pensait à l'époque :
« On a mis un premier pied avec la loi Pacte. Il reste des choses à imaginer au sein du groupe de travail “Capitalisme et soutenabilité”. On s'est autorisé à penser un peu au-delà “du prêt à penser”, ça c'est pour dire autrement “out of the box” parce que j'en ai marre de cette expression. À avoir des pensées – je ne vais pas dire saugrenues parce que ce serait dévalorisant –, mais à avoir des pensées un peu disruptives, dont certaines pourraient changer certaines choses. L'idée donc, cette chance, c'est aussi parfois d'évaluer des idées et de les abandonner, parfois, au cours du chemin. C'est comme ça on établit les hypothèses, et qu'on construit un raisonnement.
C'est aussi l'objet de notre échange aujourd'hui. C'est d'être en question avec nous [sic] et en échange, pour voir les mesures, les axes qui vous semblent les plus prioritaires. Le triptyque se base autour du “faire”, autour de “l'avoir” et autour de “l'être”. »
Comment on produit en France (le faire), comment on partage en France (l'avoir), et comment on s'engage dans l'entreprise (l'être) sont donc au programme. Mais cet avenir radieux que promet le gouvernement est contrarié par des lourdeurs que les internautes pointent immédiatement. Ainsi de Caroline, qui pose la question des différences fondamentales entre la France et l'Allemagne en matière de cogestion : « Les syndicalistes dans notre pays ne prédisposent pas à cette cogestion. Ne faudrait-il pas des syndicalismes volontaires pour aller dans le sens de ces travaux ? » Tant de convergences entre les internautes et la députée rendent euphorique Olivia Grégoire. Elle exulte : « Mais 200 fois oui ! »
Avant d'entamer une longue tirade sur… « l'actionnariat salarié ». « Nous avons énormément écouté – et je ne trahis là aucun secret – d'anciens dirigeants de très grandes industries comme, par exemple, Xavier Fontanet, l'ex-patron d'Essilor. » Écouter les grands patrons pour décider de l'avenir des salariés, la méthode LREM ne change pas.
De ces longues discussions avec le patronat, l'élue du peuple retient qu'il faut encourager la détention longue des actions dans les entreprises. « Il faudrait peut-être encourager l'ancienneté. Privilégier son destin et celui de son entreprise plutôt que la monnaie sonnante et trébuchante tout de suite. »
Une base de discussion intéressante pour tous ceux qui peinent à finir les fins de mois avec leur salaire. Mais surtout, Olivia Grégoire n'est pas à une contradiction près. Quand des internautes lui font – gentiment – remarquer que l'intéressement et la participation c'est bien, mais que ce n'est pas du pouvoir d'achat, Olivia a encore la réponse : « On est en train de s'intéresser à de nouvelles possibilités de déblocage. » Conservatisme et en même temps déblocage. Un bon résumé du programme LREM, finalement.
Patrick, autre participant, revient à la charge antisyndicale. « Tous les syndicats que je connais sont dans la défensive des acquis et sont les mandataires de combat d'arrière-garde. » Il s'interroge : « Comment passer à autre chose avec une dimension prise de risque ? » Olivia Grégoire est presque à deux doigts de se lâcher mais, en bonne politique, elle est plus maligne que ça. La réponse d'Olivia Grégoire :
« C'est tellement dur en ce moment de faire de la politique, même si c'est toujours un bonheur, des Gilets jaunes au Covid on n'aura pas été épargné. Je vais me garder de toute généralité concernant les syndicats, car j'ai ma dose de généralités sur les politiques et je n'aimerais pas faire aux autres ce que je n'aimerais pas qu'on me fasse à moi-même. Je pense qu'il y a des syndicats modernistes et j'ai bon espoir.
Je vois comment on arrive à travailler avec la CFE-CGC, la CFDT, avec des syndicats qui sont aujourd'hui plus représentatifs que des syndicats qui sont tels que vous les avez qualifiés. On ne va pas changer d'immenses structures syndicales qui sont sur la préservation des acquis, on ne change pas un ADN d'un syndicat, mais je vois de plus en plus des leaders syndicaux, vous voyez à qui je pense, qui prennent aujourd'hui leurs responsabilités au plan politique.
Laurent Berger, ce n'est pas un planqué et c'est quelqu'un qui essaie de négocier pour avancer. J'ai l'impression que notre syndicalisme est en train d'évoluer et j'ai plus d'espoir qu'il y a dix ans. Surtout, j'ai confiance dans les jeunes. Je crois aux actions de groupes pour se mobiliser en dehors des structures syndicales, mais néanmoins efficacement. »
Après les syndicats, il est temps de passer à la façon d'assurer ses vieux jours. Pour se faire «Louis-Victor des Yvelines », comme il se présente d'une voix forte, à des idées-chocs. Il veut dépasser la discussion sur le type de syndicalisme à privilégier et parler performance ou, plutôt, comment « articuler la présence des salariés au capital autour d'une performance ». C'est, selon lui, ce qui peut mettre tout le monde d'accord parce que « c'est mobilisateur et permet de déconnecter du langage syndical qui n'est pas du tout orienté vers la performance, mais vers ses interêts personnels. » Qu'on se le dise…
Sa longue tirade débouche d'un coup sur une conclusion pour le moins surprenante : il faut revoir le modèle des retraites. « Le seul moyen pour un salarié en France de se constituer une retraite, c'est d'être actionnaire de son entreprise. Il faut permettre aux salariés qui s'impliquent dans les entreprises d'être aussi actionnaires, car le capital, c'est ce qui permettra de préparer leur retraite à eux. Le revenu permet de payer les Ehpad des uns et des autres, et le capital sera peut-être pour leur retraite à eux. » Le salaire pour l'Ehpad de mémé, des actions pour sa propre retraite, elle n'est pas progressiste la vision de la vie façon LREM ?
À le voir sur l'écran du webinaire, on le soupçonne fort d'être à la retraite, bénéficiant ainsi du génial système de répartition mis en place par le Conseil national de la Résistance, qu'il dénie à tous ceux qui vont suivre. Louis-Victor souhaite recueillir l'avis de la député à sa sibylline question : « Est-ce que la performance bienveillante ne serait pas un choix fédérateur ? » « La performance bienveillante » ou l'art très LREM de malaxer les mots jusqu'à la perte de sens.
Réponse d'Olivia Grégoire : « Mais dix milliards de fois 100 % d'accord avec vous. J'ose espérer que vous ne serez pas déçu par ce qu'on va sortir. On est en plein dedans. Vous vous souvenez de cette pub pour les frites McCain : c'est ceux qui en parlent le plus qui en mangent le moins, le partage de la valeur c'est un peu pareil. » Si, comme l'auteur de ses lignes, vous ne comprenez pas bien la parabole de la frite, la suite est à écouter ici.
Les propos d'Olivia Grégoire :
« Des dispositifs existent : la prime (défiscalisée, désocialisée : prime Macron), la participation, l'intéressement, l'assistanat salarié. Toutes ces choses ont des modalités sociales et fiscales et pas une n'est alignée sur l'autre. CRDS, IR… tout est différent. Et on me disait :“C'est trop compliqué”.
Moi, j'ai été chef d'entreprise et la première chose qu'on veut faire quand on gagne des sous, c'est rétribuer ses salariés. Pourquoi ? Parce qu'au-delà de leur bonheur personnel, un salarié content est un salarié motivé. C'est ça du management bienveillant. On va avoir des propositions très fortes.
Tu gardes tes actions, elles pourront être défiscalisées. C'est tout ce package sur lequel on travaille. Pour partager le profit, la performance, et une vision d'avenir, c'est pour ça qu'on bosse sur l'actionnariat salarié. »
En fin de séance en distanciel, une rabat-joie se glisse parmi les participants. Anne vient doucher tout le monde pour parler écologie. Finalement, ces histoires de changement du capitalisme ne sont-elles pas « dérisoires par rapport au réchauffement climatique », demande-t-elle ? « Je ne crois pas Anne », lui répond doctement la députée, ancienne patronne de PME qui se présente comme branchée développement durable depuis quinze ans.
« C'est en considérant que les comportements en matière d'environnement, d'écologie, de décarbonation, en matière de pratiques sociales, de partage de la valeur et d'intégration des salariés dans la gouvernance sont quasiment aussi importantes que le profit dans l'entreprise qu'on fera bouger les lignes. L'économie, si on veut la changer, c'est pas en décrétant une économie verte qu'on va y arriver, c'est en changeant le modèle. » Et la députée de se féliciter des dizaines de milliards versées sans compensation aux entreprises.
Avant de faire mine de s'interroger : « Est-ce que c'est encore pour financer une économie carbonée ? Qu'est-ce qu'on met comme condition ? Est-ce qu'on conditionne l'aide de l'État à des comportements en matière d'environnement ? » On connaît malheureusement déjà les réponses…
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