Rentes et indemnités en capital 2016
Les rentes servies aux victimes d’accidents du travail ou à leurs ayants droit ainsi que les indemnités en capital accordées en lieu et place des rentes sont revalorisées au... Lire la suite
C'était son premier jour de travail chez Decathlon Madeleine, et son dernier jour de vie. Quand il embauche aux aurores, mercredi 11 octobre, le jeune intérimaire doit décharger des marchandises d'un camion, dans le sous-sol en forte pente du magasin de sport. En effet, le monte-charge est en panne depuis le 28 septembre, ce qui oblige les livraisons à s'effectuer dans l'accès au parking du magasin. Or, le haillon arrière du camion étant bloqué, il lui a fallu utiliser un chariot élévateur afin d'abaisser les marchandises au niveau du sol. Durant cette manœuvre, l'engin a percuté une bosse de sol, ce qui a projeté l'ouvrier hors du chariot, lequel a poursuivi sa course en lui roulant dessus.
Depuis le drame, une enquête pour homicide involontaire a été ouverte par le parquet de Paris. Confiée au commissariat de Paris centre ainsi qu'à l'inspection du Travail, elle devra déterminer si les conditions de sécurité étaient réunies et identifier les éventuels manquements et défaillances imputables à la direction de Decathlon. Les syndicats, eux, considèrent que la responsabilité de la direction ne fait aucun doute. « Nous avions relevé plusieurs problèmes de santé et de sécurité et les avions signalés auprès du CSE qui a fini par déclencher deux droits d'alerte, lundi 9 octobre », relate Yannis Megal, représentant syndical de la section CGT de Decathlon Madeleine. Lui-même a été témoin de deux précédents accidents causés par ce même chariot-élévateur : le premier, lorsqu'il a terminé sa course contre un mur et le deuxième, lorsqu'il a défoncé un rideau. Les deux incidents ont été notifiés au CSE, les 4 et 5 octobre, sans que la direction ne daigne y donner des suites : « alors qu'elle aurait dû suspendre les activités logistiques et immédiatement ouvrir une enquête interne, la direction nous a conviés à une vidéo-conférence qui devait se tenir le jeudi 12 octobre », précise Yannis Megal.
L'incident du 11 octobre, qui aurait pu être évité si les alertes et signalements des syndicats avaient été pris au sérieux, n'a toutefois eu aucun impact sur l'activité commerciale du magasin de la Madeleine, fleuron mondial en termes de chiffre d'affaires (50 millions d'euros par an) de l'enseigne Decathlon. Car business oblige, la direction a décidé de maintenir la boutique ouverte. Sans toutefois l'assumer pleinement, comme le révèle un communiqué de presse post-mortem où l'enseigne du groupe Mulliez affirme avoir pris cette décision « en concertation avec les représentants du personnel ». « Faux et archifaux ! » ont rétorqué les élus du CSE et leurs syndicats. « Il n'y avait aucune justification à cette décision de maintenir le magasin ouvert après un accident mortel », tient à souligner Yannis Megal. Et d'ajouter : « le plus horrible aura été de s'entendre dire, par certains managers, qu'il y a un temps pour le symbole, et un temps pour le commerce ». Entendre par là que rien, pas même la perte d'une vie humaine, ne saurait freiner ou entraver la bonne marche des affaires.
Très affectés par la tragédie du 11 octobre, syndicats et élus du CSE ont appelé les salariés à la grève. A l'initiative de la CGT commerce Paris, un rassemblement en hommage à la victime s'est tenu devant les portes du magasin, vendredi 13 octobre. Une centaine de personnes, principalement des salariés en débrayage, y ont participé, observant une minute de silence. Un nouvel appel à la grève et au débrayage a été lancé par l'US-CGT Commerce Paris, relayé par la section syndicale CGT de Decathlon Madeleine à compter du 16 octobre. Il restera ouvert jusqu'à résolution définitive d'un conflit qui oppose direction et syndicats depuis plusieurs mois, à l'appui d'une liste tristement pertinente de revendications :
L'ouverture sans délais de négociations sur les protocoles de sécurité dans l'entreprise, la reconnaissance des risques encourus par les salariés, et la juste revalorisation des salaires qui stagnent autour du SMIC.