Barnier à Matignon, le mépris du vote des électeurs
Emmanuel Macron a désigné ce jeudi 5 septembre son nouveau Premier ministre, Michel Barnier, un homme de droite. La gauche est vent debout, tandis que Sophie Binet, secrétaire... Lire la suite
Le tueur ne s'y est pas trompé en choisissant la cible, le lieu, le moment du meurtre. À moins de trois jours de l'élection présidentielle, tandis que les candidats se succédaient sur le plateau de France 2, l'agresseur a tué un policier d'une balle dans la tête et en a blessé deux autres sur les Champs-Élysées à Paris, avant d'être tué à son tour. Une touriste a elle aussi été blessée. Au-delà de toute la compassion que nous exprimons pour les victimes et pour leurs proches, l'acte terroriste doit aussi appeler à la réflexion, et à la lucidité. À l'heure où nous publions ces lignes, l'enquête est en cours. Mais déjà l'Organisation de l'État islamique (OEI) a revendiqué l'attentat, que ce soit vrai ou non.
Après les différentes arrestations de ces derniers mois et de ces derniers jours en France, qui ont permis de déjouer d'autres attentats, après les attentats commis au sud de la Méditerranée et dans plusieurs capitales européennes, les meurtriers ont choisi de cibler la police. Mais au-delà de la stratégie propre de l'OEI, tandis que se clôt la campagne, le tueur et ceux dont il s'est inspiré – ou qui ont commandité – en réveillant la terreur, espérait faire de la peur le moteur d'un scrutin qui ne serait plus dès lors guidé par la raison ni les espoirs, mais par des affects morbides sinon mortifères pour la société et son avenir. Sa finalité : non seulement tenter de toucher au cœur la démocratie, mais aussi, en même temps, de dévoyer les aspirations démocratiques et sociales vers un consensus d'abord prétendument identitaire inscrit dans un état de guerre qui délégitimerait toute aspiration populaire ; de tendre un piège à la société en inscrivant le moment électoral dans le leurre d'une guerre des civilisations.
Certains candidats ne s'y trompent pas qui mettent en avant l'idée d'une guerre de cette nature.
Annonçant interrompre sa campagne, Marine Le Pen a pourtant fait campagne, en choisissant de faire depuis son QG une déclaration d'une rare virulence, dénonçant de façon essentialiste une attaque contre la France non pour ce qu'elle ferait, mais pour ce qu'elle serait, et présentant un programme sécuritaire et guerrier où derrière ce qu'elle nomme « terrorisme islamiste » elle s'en prend à une partie de la société où « pulluleraient » ses propagateurs.
Toujours dans le quatuor de tête des sondages – en dépit d'un taux d'indécision inédit –, mais en relative perte de vitesse quant à son programme économique – où le patronat bénéficie d'une place privilégiée – et après ses propos sur l'irresponsabilité de la France dans la rafle du Vél' d'Hiv' durant l'occupation nazie, qui fleurent mauvais les provocations paternelles et défont le ripolinage de l'organisation d'extrême droite, elle réévoque la fermeture des frontières – et donc l'isolement national –, stigmatise l'immigration et redéploie une vision de la laïcité qui cible essentiellement la place de l'islam en France. Les propos de son concurrent François Fillon sur le « fondamentalisme islamique », lui qui s'appuie sans réserve sur les propagateurs du refus du droit de tous et toutes au mariage de leur choix, ne sont de ce point de vue guère éloignés.
Le danger est grand dès lors d'une division de la société. Sur des bases ethnico-confessionnelles.
Il s'avère donc urgent, au-delà de la nécessaire réflexion sur la politique étrangère de la France, de refuser une telle vision de la société et de la démocratie. De refuser de ne plus débattre librement. De refuser de voir réduite au silence toute volonté de changement et de sortie d'une politique austéritaire et inégalitaire. De refuser de rendre la lutte illégitime.
Les enjeux de cette élection demeurent, lorsque des candidats défendent la poursuite ou l'accélération des politiques qui conduisent à l'impasse pour des millions de salariés, de privés d'emploi, de retraités, de jeunes, de femmes. Les dossiers de l'emploi, de la précarisation et de l'ubérisation imposées au bénéfice d'actionnaires toujours plus riches, les dossiers du partage des richesses, de l'organisation et du temps de travail, de la reconquête de l'industrie, du développement des services publics, de moyens pour l'école, la santé, l'accès à la culture… sont toujours à l'ordre du jour. Et les terroristes ne doivent pas parvenir à nous en détourner.
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