À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES

Des femmes à l’offensive : un 8 mars de combat pour l’égalité et la lutte contre discriminations

4 mars 2019 | Mise à jour le 16 mars 2019
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Des femmes à l’offensive : un 8 mars de combat pour l’égalité et la lutte contre discriminations

Partout en France, les luttes de femmes se multiplient : femmes gilets jaunes, qui dénoncent leur précarité, assistantes maternelles qui alertent contre la réforme de l’assurance chômage, aides-soignantes dans les EHPAD qui demandent du renfort et de la reconnaissance… À tous les étages de la société, des femmes se battent contre le sort qu’on leur impose.

Il y a bien sûr ces images de mobilisations de femmes gilets jaunes dénonçant leur précarité les 13 et 20 janvier. Mais il y a aussi, le 2 février, les mobilisations d’assistantes maternelles contre une réforme du chômage qui réduirait leurs droits. Et puis les mobilisations des salariés des établissement de personnes âgées dont les aides-soignantes des EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) sont en première ligne pour à nouveau revendiquer plus d’effectifs et de reconnaissance, le 5 février…

Partout en France, sans toujours être visibles, les luttes de femmes se multiplient. « Elles ne se voient ni ne sont considérées comme telles, mais ces luttes sociales ont lieu dans des métiers à très forte prédominance féminine. Ce sont bien, dans les faits, des luttes de femmes », explique Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT et membre du collectif femmes mixité. « Cela correspond à l’évolution actuelle du salariat : les professions les moins bien payées et les moins reconnues sont les plus féminisées. Pis, dans un contexte de casse sociale, on observe un renforcement de cette tendance sur le terrain ».

Mais au-delà de ce constat préoccupant, qui place les femmes en première ligne parmi les victimes des dégradations des conditions de travail et du manque de pouvoir d’achat, « ces luttes sont un sujet d’espoir car elles émergent dans des milieux nouveaux et souvent éloignés des structures syndicales. Il nous reste un gros travail à développer avec elles. »

Précarité et revendications

À l’opposé de la défiance des gilets jaunes envers les syndicats, « les assistantes maternelles, souvent pas ou peu syndiquées, ont interpellé FO et la CGT pour être plus efficaces dans leur mobilisation contre la réforme du chômage qui risque, si elle passe, d’aggraver la précarité inhérente à leur métier, liée à la scolarisation des enfants et aux déménagements des familles », explique Stéphane Fustec, secrétaire fédéral commerce distribution services CGT. Tout le secteur des salariés employés par des particuliers est bel et bien concerné, et il est constitué à 99 % de femmes.

Les près de 400 000 assistantes maternelles, à elles seules, permettent à 2 millions de parents de faire garder leurs enfants et d’aller travailler chaque jour. Mais, « au-delà d’être une profession quasiment exclusivement composée de femmes, elle relève également d’une utilité sociale de première importance pour les mères qui, souvent, sont en première ligne pour la garde des enfants », ajoute Sophie Binet, responsable du collectif femmes mixité de la CGT.

Des répercussions fortes chez les femmes

Un constat bien connu du côté de la santé et de l’action sociale, puisque les répercussions sur les femmes deviennent triples. « Dans les EHPAD et les USLD (unités de soin de longue durée), c’est peu ou prou la même chose, confirme Malika Belarbi, animatrice du collectif accueil des personnes âgées. Les personnels du secteur sont à 80 % des femmes ; les patients, résidents ou bénéficiaires, sont également à 80 % des femmes et celles qui, dans l’espace familial, prennent en charge la dépendance des plus âgées sont toujours à 80 % des femmes. Résultat : c’est la triple peine ».

Pas étonnant que l’intersyndicale – CFDT, CFTC, CGT, FO, Unsa, CFE-CGC, FA-FP, FSU, SUD, Ufas – du secteur de l’aide aux personnes âgées et l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées) refusent la proposition d’une prime réservée, dans les EHPAD, aux « seuls aides-soignants de la fonction publique hospitalière » et envisagent une nouvelle mobilisation nationale pour la mi-février.

Des publics frappés par la précarité

Malgré la récente médiatisation de l’enjeu de la dépendance et les différentes annonces d’augmentation des dotations, « rien n’a concrètement évolué dans la dernière année, reprend la syndicaliste. Pas plus sur les conditions de travail que sur la revalorisation salariale ou les effectifs, qui restent en moyenne de l’ordre de deux aides-soignants pour 40 résidents. C’est un secteur profondément abîmé, en souffrance, en perte de dignité, un secteur où l'on a logiquement vu se révéler nombre de gilets jaunes ».

Malgré une large unité syndicale, la mobilisation n’est d’ailleurs pas facile à structurer. Dans le seul secteur public, 40 % des effectifs sont des contractuels. Or, ces personnels au statut particulièrement fragile craignent de perdre leur emploi – aussi précaire soit-il – s’ils bougent le petit doigt.

Le spectre des représailles

« La menace du retour de bâton est un élément qui dissuade les femmes de passer à l’action à tous les étages de la hiérarchie professionnelle », analyse Jean-Claude Arfelix, ancien représentant syndical CGT au CCE d'IBM, aujourd’hui militant à l’UD CGT de l’Hérault. Encore trop peu nombreuses, des luttes moins visibles, mais tout aussi révélatrices d’un traitement discriminatoire inacceptable, sont celles que mènent des femmes cadres pour faire reconnaître les inégalités professionnelles et salariales dont elles font les frais dans des milieux masculins et ultra-compétitifs. Chez IBM, par exemple, « en constituant les panels comparatifs pour démontrer la discrimination des militants syndicaux, on s’est rendu compte que les femmes l’étaient aussi même si elles n’étaient pas syndiquées », explique le syndicaliste.

La méthode Clerc, lutte contre les discriminations sexistes

La méthode Clerc, qui a permis au cours de longues luttes de faire reconnaître la discrimination syndicale de centaines de militants, permet aussi aujourd’hui de faire reconnaître la discrimination fondée sur le sexe.

La bataille de Florence Buscail, cadre et élue CGT au CSE d’IBM à Montpellier, fait figure de symbole. Embauchée en 1985, cette technicienne aurait, selon les comparatifs effectués par la CGT en 2016, subi un préjudice financier estimé à plus de 230 000 euros par rapport à ses collègues masculins.  Bien qu'elle ait écopé de 24 condamnations pour discriminations dont 4 liées au sexe depuis les années 2000, – soit près d’un million et demi d’euros de dommages et intérêts en sus des repositionnements –, la société IBM reste intraitable et refuse de reconnaître cette discrimination. Le conseil des prud'hommes (CPH) de Montpellier devrait trancher en avril prochain

Un décalage entre la com' et les pratiques

« Il y a un décalage immense entre la communication déployée par les entreprises et la vraie vie, ajoute cet ancien conseiller prud'homal dans la section encadrement du CPH de Montpellier. Carrefour, Dell, Peugeot, SNCF, Engie … La ligne politique de défense patronale est toujours la même : reporter toute la responsabilité de la discrimination sur la salariée ».

À tous les étages de la société, des femmes se battent contre le sort discriminatoire qui leur est fait mais « La route de l’égalité professionnelle sera encore longue… », conclut le syndicaliste.

Des lois et des accords… timorés

Ce quart de rémunération en moins des travailleuses, qui est encore légion, est devenu plus visible grâce à la médiatisation du mouvement syndical et associatif « 8 mars 15h40 » qui appelle à cesser le travail à cette heure pour symboliser leur manque à gagner. Le président de la République ne s’y est pas trompé en intronisant l’égalité professionnelle au rang de grande cause nationale du quinquennat. La loi pour « la liberté de choisir son avenir professionnel » de septembre 2018 est d’ailleurs annoncée comme une révolution dans le domaine de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Elle prévoit en effet qu'en 3 ans, à compter de mars 2019, les entreprises se conforment à l'égalité salariale avec mise en place d’un instrument commun de mesure (voir encadré P15), d’une enveloppe de rattrapage salarial – pourvue par les entreprises sous contrôle – et de sanctions si ce dispositif n'est pas respecté dans les délais. La CGT qui réclamait une obligation de résultats est pourtant réservée.

L'accord sur l’égalité femmes-hommes dans la fonction publique sans obligation de résultat

« Sur le papier, l’intention de la loi est louable mais cela s’avère de l’enfumage puisqu'il n'y a pas de moyens pour vérifier et sanctionner les manquements, réagit Jean-Claude Arfélix. Les services de l’État dédiés sont atrophiés, les tribunaux sont engorgés et les représentants syndicaux réduits à peau de chagrin au sein des CSE… ». Et que dire de l’accord sur l’égalité dans la fonction publique négocié fin 2018 et que FO et la CGT ont refusé de signer ? Céline Verzeletti, représentante de la CGT fonction publique, avait jugé la version finale du texte « décevante », regrettant notamment qu'il n'y ait « pas d'obligation de résultats » ni « rien de prévu pour la revalorisation des filières à prédominance féminine ».

On est loin de la « négociation de grilles indiciaires » pour les métiers dits féminisés de l'Éducation nationale, de la santé ou du travail social, réclamée par la CGT. Même son de cloche du côté de l'union fédérale des syndicats de l’État CGT qui résumait l’accord à « de bonnes intentions » sans engagements concrets, enveloppes budgétaires, ni échéanciers précis. Par exemple, si les sanctions des employeurs, à hauteur de 1 %, sont enfin prévues, elles ne portent que sur l’obligation de moyens et non sur l’obligation de résultats en matière de résorption des inégalités entre femmes et hommes.

Un contexte fait d’attentes et de freins

Les attentes sociales et sociétales à ce sujet sont pourtant nombreuses et sont régulièrement mesurées. Le Haut commissariat à l’Égalité a publié le 16 janvier son tout premier état des lieux du sexisme en France ; on y apprend que quatre femmes sur dix disent avoir été récemment victimes de sexisme mais aussi que le sexisme jouit d’une grande tolérance sociale : seuls 2,9 % des actes donnent lieu à une plainte.

Comme un signe supplémentaire de l’évolution des mentalités, le baromètre de la Drees montrait, parallèlement, que 63 % des 18-24 ans souhaitaient un allongement du congé de paternité jugé trop court avec ces 11 jours actuels. Pour mieux prendre le pouls des aspirations en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, la CGT a lancé une large consultation.

Une consultation CGT inédite

« La démarche était inédite, explique Clémence Helfter, du collectif confédéral femmes mixité. Du 12 novembre au 20 janvier, nous avons mené une grande consultation nationale à l’intention des femmes syndiquées ou non, en emploi ou pas, pour connaître leurs attentes, identifier les obstacles rencontrés dans leur vie professionnelle et savoir si l’égalité au travail et dans la vie est une préoccupation pour elles ».

Intitulé : « La CGT vous la voulez comment ? La parole aux femmes », ce questionnaire cherchait également à connaitre leur sentiment et leurs idées sur l’action du syndicat pour conquérir l’égalité réelle. Les femmes syndiquées et mandatées, quant à elles, étaient invitées à rapporter les freins rencontrés dans leur parcours et à suggérer des pistes pour les lever afin de renforcer leur place dans l’organisation.

Le premier succès de l’initiative est d’avoir recueilli plus de 10 000 réponses (lire l'entretien avec Sophie Binet). Avant même d’en connaître les résultats, la CGT qui, à travers son collectif femmes mixité, milite largement dans ce domaine, a choisi en priorité de porter le fer sur deux axes revendicatifs : celui de la revalorisation des métiers à prédominance féminine (temps de travail, congé parental, meilleure implication dans la parentalité) et celui de la retraite des femmes, qui agit comme une double peine des temps partiels subis et des inégalités professionnelles, et qui pourrait s’aggraver suite à la réforme des retraites actuellement dans les tuyaux.