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Français, je ne vous ai toujours pas compris

Véronique Lopez
15 janvier 2019 | Mise à jour le 15 janvier 2019
Par | Rédactrice en chef de la NVO
Ainsi donc, Jupiter descendu de son Olympe s'est adressé à nous par voie épistolaire. Ce président qu'on ne voit plus, qu'on n'entend plus, ce président moderne, fan des réseaux sociaux, disruptif à souhait a choisi les bons vieux stylo et papier pour nous convoquer au débat.

Il nous a écrit et nous avons tous lu avidement sa longue lettre et ses multiples questions.

Sur la forme, loin du lyrisme d'un Mitterrand et de sa Lettre à tous les Français, la dissertation macronienne ressemble à un QCM, ces Questions à Choix Multiples qui départagent les candidats lors d'un concours ou d'un examen. Froide, pragmatique, elle nous incite au noir ou blanc, quand le fond de l'air est jaune et rouge.

Sur le fond, c'est plutôt un QRU, des Questions à Réponse Unique. Parlez de tout, mais pas de l'essentiel, pas des revendications qui s'expriment depuis le mois de novembre 2018. Débattez, mais dans le cadre restreint qui sert de logiciel à notre président : la préservation mortifère du libéralisme économique. Avec le tabou absolu de cet ISF. Pas touche à la suppression de cette mesure en faveur des plus riches.

À en croire Richard Ferrand au micro de France Inter, on pourra donc revenir sur les 80 km/h, récemment mis en place et dont l'exécutif (et la Sécurité routière) nous assurait qu'ils étaient essentiels pour sauver des vies, mais pas sur l'ISF qui, selon le credo libéral, ne servirait à rien. Pas plus qu'on ne touchera à la Flat taxe ou au CICE, ces cadeaux fiscaux faits aux entreprises sans aucun contrôle de leurs politiques sociales.

Emmanuel Macron semble avoir arrêté sa machine cérébrale sur la première revendication des gilets jaunes contre la hausse du carburant. Celle qui faisait regarder avec méfiance ce drôle de mouvement. Celle qui critiquait les taxes, les impôts avant que ne s'avance la vraie révolte sociale qu'elle portait en germe : les inégalités sociales flagrantes qui explosent à la figure de tous, le travail qui ne permet plus de vivre dignement, le chômage qui précipite dans la misère, les services publics à l'abandon… Macron en est encore à la grogne contre la taxe sur les carburants quand, de partout le peuple lui hurle l'urgence de la justice fiscale et sociale.

Du coup, en père de famille qui fait la leçon à des garnements, il nous prévient : « nous ne pouvons (…) poursuivre les baisses d'impôt sans baisser le niveau global de notre dépense publique. Quelles sont les économies qui vous semblent prioritaires à faire ? Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? À l'inverse, voyez-vous des besoins nouveaux de services publics et comment les financer ? ».

Quelle bonne blague, quelle arnaque surtout ! Partout les services publics craquent. De l'hôpital à l'école en passant par la justice ou les territoires, les agents sont au bout du rouleau. « Alors quels services publics seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? ». Désolé, Monsieur le président on ne voit pas.

Ou plutôt si, on ne voit que trop les grosses ficelles de ce grand débat. Il s'agit pour Emmanuel Macron de reprendre la main, de gagner du temps, de détourner la révolte tout en continuant la politique de casse du modèle social français et le dézingage systématique des conquêtes sociales acquises dans les décennies d'après-guerre. Un jeu de dupes. C'est habile, mais risqué… La raison pour laquelle la CGT appelle les salariés à repousser le cadrage de l'opération « enfumage » de Macron, à investir massivement les lieux d'expressions en territoire pour porter leurs doléances et revendications.

Un grand débat national mal parti