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BRÉSIL

Élection présidentielle au Brésil : « C’est une bataille entre la barbarie et la civilisation »

26 octobre 2018 | Mise à jour le 26 octobre 2018
Par et | Photo(s) : Nelson Almeida / AFP
Élection présidentielle au Brésil : « C’est une bataille entre la barbarie et la civilisation »

Valter Sanches est secrétaire général de IndustriAll Global Union. Issu de la confédération nationale brésilienne des travailleurs de la métallurgie (CNM/CUT ) et compagnon de route de l'ancien président Lula. Il livre à la NVO son analyse sur les élections qui auront lieu au Brésil ce dimanche. Interview.
Comment analysez-vous la situation au Brésil à la veille de ces élections présidentielles ?
Photo de Valter Sanches secrétaire général d'IndustriALL Global Union

Valter Sanches, secrétaire général d’IndustriALL Global Union (depuis le 5 octobre 2016). © IndustriALL

C'est une situation très complexe qui se présente pour le deuxième tour de ces élections.

Un sondage récent montre cependant que l'écart se resserre entre Fernando Haddad(candidat de la gauche) et le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro. Dès le premier jour de la précédente présidence, l'opposition a commencé à saboter le travail du gouvernement par l'obstruction parlementaire, parvenant par de fausses accusations à une procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff en 2016.

Durant ces deux dernières années, le gouvernement illégitime qui lui a succédé a mis en œuvre une politique d'attaques des droits des travailleurs ; privatisation des services publics, ouverture des réserves pétrolières  aux entreprises étrangères, une réforme du droit du travail.  En deux ans, le chômage est passé de 4,9%, à près de 14%. Les chômeurs sont aujourd'hui au nombre de 13 millions.

C'est cela, le résultat des politiques d'austérité. Les médias dominants ont soutenu ces mesures tout en discréditant la politique. C'est à cause de cela qu'a pu émerger ce personnage bien pire que Donald Trump, un militant d'extrême-droite, que nous considérons comme un fasciste. C'est sur ce terreau qu'il a pu grandir. En parallèle, il y a eu une immense campagne de désinformation et de fake news via les réseaux sociaux.

Qui donc est Bolsonaro, ce candidat d'extrême droite qui pourrait arriver au pouvoir dimanche ?

En premier lieu, lui et ses soutiens menacent réellement l'ordre démocratique, la Cour suprême, l'opposition, les syndicats, les mouvements sociaux… Sa campagne vise à effrayer les milieux religieux traditionnellement très à droite, notamment les évangélistes et pentecôtistes qui représentent quelque 35 % de la population. Cela passe par la peur d'un gouvernement pro LGBT qui serait favorable aux abus sexuels des enfants et d'autres absurdités de ce style. Il dénonce le fait que le gouvernement du PT agissait en faveur des minorités : gays, noirs, indiens. 

Si Bolsonaro était élu, quelles en seraient les conséquences économiques ?

Il n'y a pas d'agenda économique et politique,  mais on sait qu'il y aura de grandes privatisations, des coupes dans les services publics, dans les politiques sociales. Ce sera le pire du pire d'une politique d'austérité, une véritable tragédie pour le Brésil. Il s'agit d'un ancien militaire qui pourrait remettre en cause  les fondements de la démocratie et la séparation des pouvoirs ; exécutif, parlementaire et judiciaire.

Cette question est fondamentale, mais nous en tant que syndicats, devons nous préparer à ce scénario du pire. Du point de vue économique, il faut s'attendre aussi à des fermetures d'entreprises, des investissements étrangers qui vont se retirer du Brésil, des boycotts émanant d'autres pays. Il y aura un effondrement de l'activité économique. 

Quelles solidarités pourraient apporter les syndicats au niveau international ?

Nous venons de recevoir un message du syndicat américain AFL-CIO, qui a écrit à Mike Pompeo, ministre des Affaires étrangères de Trump, pour le mettre en garde sur les conséquences d'une déstabilisation de la démocratie au Brésil. On n'espère pas grand-chose de Mike Pompeo, mais avant tout on va se battre jusqu'à la dernière minute pour empêcher l'accession de ce type au pouvoir.

Il y a eu de grandes manifestations de soutien à Fernando Haddad cette semaine, dont une très grande à Rio de Janeiro. C'est une bataille entre la barbarie et la civilisation. Il y a eu un fort taux d'abstention lors du premier tour, plus de 30%. Il y a donc toujours une chance. Mais si le mauvais scénario devait se produire, il ne faudrait pas seulement mobiliser la solidarité des syndicats, mais se tourner vers d'autres pays, et particulièrement l'UE, qui est le second partenaire commercial du Brésil après la Chine.