L’avenir de la centrale de Cordemais de nouveau en suspens
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La trêve hivernale instaurée par la loi d'avril 2013 « visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre », autrement dit « loi Brottes », a pris fin le 16 mars. Depuis, l'heure a sonné d'une reprise massive des suspensions d'énergie. Six cent mille ménages pourraient être l'objet, du jour au lendemain, de coupures de gaz ou d'électricité, soulignait ainsi Virginie Gensel-Imbrecht, secrétaire générale de la Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT (FNME) lors d'une conférence de presse (1) organisée conjointement avec l'association de consommateurs Indecosa CGT, le 10 mars dernier.
Pour opérer ces coupures, les entreprises ERDF et GRDF utiliseraient leurs techniciens d'intervention, ceux-là mêmes qui se sont mobilisés, il y a peu encore, pour une tâche autrement plus noble : le rétablissement, au plus vite, du courant et du gaz dans des milliers de foyers qui en avaient été privés par les intempéries. De nombreux foyers risquent, en outre, du fait de leur consommation pendant la période de trêve, de voir « aggravée de façon très conséquente une facture qu'ils n'avaient déjà pas les moyens de payer », a aussi indiqué Laurent Langlard, porte-parole de la FNME CGT.
Ces chiffres alarmants témoignent d'un accroissement sévère, en France, du nombre de personnes en situation de précarité énergétique. Il est estimé aujourd'hui à 8 millions par le Médiateur national de l'énergie, autorité indépendante chargée de protéger les consommateurs. Notons cependant que le phénomène est appréhendé selon une méthode qui mériterait d'être revue. Sont en effet considérés en situation de précarité énergétique les ménages qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus à payer la facture d'énergie de leur logement (chauffage, éclairage, etc.). Cet indicateur ne permet pas d'évaluer avec rigueur le nombre de ceux qui se voient imposer, ou s'imposent, une sous-consommation pour contenir la dépense, ni d'identifier ceux dont le contrat d'électricité ou de gaz a été résilié.
Selon une étude de Médiaprism pour le mensuel 60 Millions de consommateurs, publiée en octobre dernier, plus de 94 % des personnes interrogées déclarent faire attention à leur consommation d'énergie pour des raisons avant tout financières, la motivation environnementale n'étant invoquée que par 50 % (2).
En 2012, 230 000 foyers ont vu leur abonnement à l'électricité ou au gaz résilié à l'initiative des fournisseurs d'énergie en raison d'impayés, indique le rapport d'activité du Médiateur national de l'énergie. Ces résiliations enregistrent une hausse de plus de 20 % pour l'électricité par rapport à l'année précédente. En 2011, selon l'Insee, 3,5 millions de ménages déclaraient « souffrir du froid dans leur logement ».
Les ménages les plus modestes, qui habitent plus souvent des logements énergivores, sont contraints de recourir à des chauffages d'appoint très consommateurs en électricité. Ce sont eux qui paient le plus lourd tribut : 70 % des ménages en situation de précarité énergétique appartiennent au premier « quartile de niveau de vie ».
La loi Brottes prévoit une extension des tarifs sociaux de l'énergie, le nombre de bénéficiaires du tarif de première nécessité (TPN) devant passer de 1,2 à 4 millions. Pour autant, les mesures d'aides, compliquées à obtenir, parviennent rarement à régler les impayés, sachant que la dette moyenne est de 1 900 euros. Mais surtout, ces aides, insuffisantes, ne peuvent résoudre la question de la précarité énergétique qui résulte de la combinaison de trois facteurs principaux : la vulnérabilité des ménages engendrée par la faiblesse de leurs revenus, la qualité thermique déficiente des logements et le coût de l'énergie (gaz, électricité, fioul).
Les lois du marché qui ont présidé à la libéralisation et la déréglementation du secteur de l'électricité et du gaz, décidées par l'Union européenne, « ont conduit à alourdir la facture énergétique, fragilisant les ménages les plus modestes », a rappelé Virginie Gensel-Imbrecht devant la presse, en soulignant les conséquences en matière de santé physique et mentale de cette précarité énergétique qui marque trop souvent le début de l'exclusion sociale.
Alors qu'en France les tarifs du gaz ont bondi de 65 % depuis 2005, dans les pays européens où les tarifs réglementes ont été supprimés, entre 2001 et 2006 les tarifs de l'électricité ont grimpé de 91,50 % au Danemark, de 80,70 % au Royaume-Uni, de 77,40 % en Suède et de 40,40 % aux Pays-Bas.
Insupportable au regard du droit à l'énergie, un produit de première nécessité qui devrait être garanti à tout un chacun, la situation actuelle est aussi douloureuse pour les agents.
Les équipes seront ainsi contraintes de procéder massivement aux coupures pour répondre, dans un délai réduit, aux demandes des fournisseurs, faute de quoi ERDF et GRDF paieront des pénalités. En outre, compte tenu des réductions d'effectifs, ces opérations se feront au détriment du service rendu aux autres usagers qui, déjà, attendent trop longtemps une intervention. Outre les agressions qui pourraient se développer à l'encontre des agents, ces derniers devront surmonter leurs réticences à procéder à des coupures, d'autant qu'ils sont témoins des difficultés sociales de beaucoup d'usagers.
Il est urgent que les pouvoirs publics mettent fin aux situations de précarité énergétique dont souffrent tant de nos concitoyens et garantissent des conditions de vie décente à l'ensemble de la population.
En 2012, 130 millions d'euros ont été versés aux tarifs sociaux pour le gaz et l'électricité. La même année, les actionnaires d'EDF et de GDF-Suez ont reçu près de 5 milliards de dividendes. Les chiffres sont tout aussi parlants au sein des deux entreprises : en 2013, les dividendes y ont progressé de 8 % en moyenne, mais les salaires d'à peine 1 % ! Autant dire qu'il devrait être possible à l'État actionnaire des entreprises EDF (à 84 %) et GDF-Suez (à 36 %) d'impulser une lutte résolue et durable contre la précarité énergétique.
La FNME CGT, pour sa part, entend bien amplifier l'action, afin de faire avancer ses revendications qui répondent à l'intérêt des familles plongées dans la précarité énergétique, autant qu'à celui du personnel. Avec Indecosa CGT, elle demande l'arrêt des coupures d'énergie, électricité, gaz, mais aussi des coupures d'eau, et pour cela une intervention renforcée des salariés des entreprises distributrices, à même de juger du « bien-fondé » de la coupure. Souhaitant également que les dispositions de lutte contre la précarité énergétique s'appliquent aux ménages qui se chauffent avec d'autres énergies (bois, fioul, etc.), la CGT revendique que les moyens soient dégagés pour réaliser la rénovation thermique des logements.
La transparence doit être de mise pour fixer les tarifs nationaux et régulés, dans le cadre d'une commission réunissant élus, organisations syndicales et associations de consommateurs, souligne aussi la CGT, pour qui la TVA sur le kWh doit être ramenée de 20 à 7 %. Une mesure qui est tout à fait possible, comme l'ont montré les députés belges en décidant de ramener la TVA sur le kWh de 21 % à 6 %. Enfin, la mise en place d'un pôle public de l'énergie est nécessaire pour lutter contre la déréglementation du secteur de l'énergie qui conduit à une hausse généralisée des prix.
(1) Participaient également à la conférence de presse Bruno Bosquillon, délégué central à ERDF, et Valérie Goncalves, qui a piloté le groupe « précarité énergétique ».
(2) Étude réalisée en ligne du 27 août au 4 septembre 2013 auprès d'un échantillon de 1 002 individus représentatifs de la population française, selon la méthode des quotas.
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