Une lutte gagnante pour le respect des droits
Après un mois de grève, une vingtaine de travailleurs roumains, exploités par une entreprise de construction espagnole sur des chantiers publics français, ont obtenu d'être... Lire la suite
« Cette décision de justice est une excellente nouvelle, qui met un coup de projecteur sur le dumping social en Europe », se réjouit Jean-Pascal François, secrétaire de la fédération CGT Construction, au sortir du tribunal de Cherbourg.
Initialement prévue le 9 juin dernier, la décision n'a été rendue que le 7 juillet. Une cinquantaine de salariés étaient sur place pour accueillir la bonne nouvelle. La CGT Construction, mais aussi l'Union syndicale CGT de l'Intérim et l'UD CGT de la Manche étaient partie civile de ce procès qui condamne respectivement les sociétés d'intérim Atlanco Limited et Elco Construct au versement de 70 000 € et 40 000 € pour travail dissimulé. Les sociétés Welbond Armatures et Quille Construction sont, quant à elles, condamnées à des sommes de 5 000 € et 15 000 € pour les faits de recours par personne morale aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé et prêt illicite de main d'œuvre.
Enfin, le grand donneur d'ordres, le groupe Bouygues lui-même, est aussi condamné aux mêmes motifs à 25 000 € d'amende. La somme apparaît dérisoire au regard des bénéfices de l'entreprise et du préjudice subi en termes de détournement de cotisations sociales, mais l'impact se situe ailleurs : « On sait que la seule chose qui impacte de telles entreprises, c'est de les toucher au portefeuille. Mais l'image pèse aussi énormément dans la capitalisation boursière. » précise Jean-Pascal François. Nathalie Houlegatte, secrétaire générale de l'UD CGT de la Manche partage cette appréciation et se réjouit de l'aboutissement d'une longue bataille : « On évalue entre 4 et 12 millions le manque à gagner des cotisations non versées. 25 000 € pour Bouygues, c'est donc très peu, mais, pour autant, on se félicite de cette condamnation pour travail dissimulé parce que c'est une vraie reconnaissance avec un travail croisé des différentes juridictions des prud'hommes et du pénal. »
La présence de la CGT sur le chantier de l'EPR, depuis 2008, a permis de mettre à jour le scandale des intérimaires détachés, venus de Roumanie et de Pologne, pour travailler dans des conditions sociales lamentables. Deux accidents mortels sur le chantier ont aussi contribué à délier les langues, et ce malgré une répression antisyndicale acharnée. Jusqu'à présent Bouygues tirait profit d'une sous-traitance lui permettant de priver la Sécurité sociale de millions d'euros, tout en mettant en concurrence sauvage des salariés de l'Est européens avec les salariés locaux, et ce, directement sur les chantiers en France. Après cette première grande décision judiciaire, la multinationale ne peut plus se cacher derrière l'opacité des relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants.