Simon Delétang, planches de salut
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« Excusez-moi. Je viens du premier étage, je suis nouveau, je fais État depuis pas longtemps […] et très simplement, je voudrais savoir pourquoi je n’ai pas le droit d'emprunter à ma banque centrale ! » Dans un hôpital psychiatrique, un fou raconte à son médecin les rouages monétaires à l'œuvre dans l’établissement. Paranoïa, hallucinations ? Que nenni. Le voilà juste témoin d’escroqueries, orchestrées au plus haut sommet de la société, de l'hôpital en l'occurrence.
L’arnaque démarre avec les morceaux de sucre distribués aux malades en début de semaine qui sont une monnaie d’échange précieuse pour se payer tout un tas de choses – comme les cigarettes en prison – dont la valeur est fluctuante. Le lundi, lesdits morceaux ne valent pas grand chose, vu que tout le monde en a un paquet. Par contre, en milieu ou en fin de semaine, quand ils viennent à manquer, ils valent leur pesant d’or. C’est là que l’homme au carnet se pointe pour distribuer les prêts. Le fou en a besoin de trois pour acheter une paire de chaussures ? L'homme au carnet lui en avance dix pour finir la semaine à l'aise ; il devra juste lui en rembourser onze. Et l'emprunteur de se sentir floué : « C'est-à-dire que hier, tu m'as prêté les sucres que je t'ai donnés aujourd'hui ! », puis de pisser sur les piles de morceaux de sucre amassés…
Le fou explique alors au psy que, dans ces conditions, il préfère être l'État du premier étage. Là, il va être confronté à la Banque centrale et aux banques privées qui se comportent de plus en plus comme des brigands, bichonnés par l'Union européenne. Il va donc voir l'Europe, un étage au-dessus, où La règle du jeu, personnage à part entière, lui explique les règles monétaires. Seul en scène et en pyjama, Franck Chevallay joue tous les rôles : du banquier privé (il pince juste le col de sa veste pour l'incarner) à la pièce d'or de la république de Venise. Avec sa pièce Banque centrale, il réussit le tour de force de personnifier toutes les monnaies, réelles ou virtuelles, pour mieux nous expliquer en une heure l'histoire et les rouages du marché et ce, jusqu'à la crise des subprimes. « J'avais prêté de l'argent qui n'existait pas, pour acheter des maisons qui ne valaient rien, à des gens incapables de rembourser… », résume un financier. C'est clair comme de l'eau de roche !
Même limpidité avec L'avaleur, la pièce d'après Other People's Money, de Jerry Sterner, mise en scène par Robin Renucci. Là, on pénètre dans les relations viciées de la finance et de l'industrie, incarnées par Franck Kafaim, trader de la City de Londres, et la direction du Câble français de Cherbourg (CFC) : le PDG, son assistante et le directeur. L'histoire, somme toute devenue banale, nous conte le combat que livre un prédateur sans vergogne pour dévorer une boîte florissante d'un autre âge. Face à ses attaques, les responsables du CFC qui ont su maintenir et faire fructifier l'activité de l'entreprise, vont faire appel à une avocate. On suit alors le match de boxe entre deux univers – celui de la City et celui d'une industrie traditionnelle –, deux logiques financières et deux générations.
« C'est le contexte de la société dans laquelle nous sommes, le système dans lequel nous vivons dans nos pays, qui m'ont conduit naturellement vers cette pièce et m'ont amené non pas à devoir exposer des raisons ou trouver des solutions, mais à chercher, en premier lieu, d'où vient le mal », explique Robin Renucci, à la tête des Tréteaux de France.
Créée dans le cadre d'un cycle consacré à la thématique du travail et de la richesse, L'avaleur met en scène un trader tellement cynique qu'il en devient jubilatoire. Affublé d'un faux ventre et d'une perruque à la Donald Trump, Xavier Gallais plante avec brio le personnage. Sorte de Bibendum dansant, il fait penser au Loup de Tex Avery, carnassier et séducteur, voire au démoniaque Joker de Batman. Si le spectacle, un brin resserré, aurait gagné en intensité, il reste efficace pour nous peindre la voracité comme l'absurdité des financiers et la duplicité des compagnons d'industrie.
Banque centrale, de Franck Chevallay. Au théâtre des Déchargeurs, tous les samedis à 19h30 jusqu'au 15 avril. À noter, samedi 18 février, le spectacle sera précédé d'une rencontre, à 17 heures, avec les membres de la Nef, coopérative financière.
L'avaleur, mis en scène par Robin Renucci. Jusqu'au 18 février, à la Maison des métallos et en tournée jusqu'à mi-avril.
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