26 mars 2025 | Mise à jour le 26 mars 2025
Le 24 février 2025, le comité social et économique (CSE) d'Eurokera Château-Thierry (02) était informé d'un plan de 83 suppressions d'emplois. En même temps, dans le même groupe, Keraglass annonçait 77 autres licenciements à Nemours. Sur l'un et l'autre site les actions de grève se multiplient depuis. Gros plan sur les luttes en cours contre un désastre industriel. Une manifestation pour défendre les emplois chez Keraglass a lieu le 27 mars à Nemours en Seine et Marne.
« En grève », « 83 postes supprimés, oui à l'expert ». Ce 24 mars 2025, les pancartes qui ornent l'entrée de l'usine Eurokera de Château-Thierry (02) indiquent une situation de crise. L'usine qui produit des plaques à induction et emploie 295 salariés est toujours sous le choc après l'annonce de 83 suppressions de postes, laquelle a eu lieu lors du comité social et économique (CSE) du 24 février 2025. Candy Caprat, déléguée CGT Eurokera et élue au CSE doit gérer les appels de collègues qu'elle sait en détresse face à la violence sociale de ce qui les attend. « Toute la production s'est mise en grève pendant une semaine, puis nous l'avons suspendue pour engager les discussions mais surtout économiser nos forces car à ce stade nous n'avons même pas pu nous mettre d'accord sur un accord de méthode avec la direction », explique-t-elle. Chez Eurokera, la grève a surpris par son ampleur car la tradition de lutte n'est pas fortement ancrée dans l'histoire de l'usine, la CGT y est le deuxième syndicat derrière FO. « Nous avons exigé la présence de notre expert ActiCE aux réunions de CSE et dans la perspective du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). La direction nous l'a refusée, mais nous avons aussi tenu une réunion avec la direction, la sous-préfecture et la DREETS (direction départementale de l’économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) qui nous a confirmé qu'il fallait au moins signer un accord de méthode avant d'engager un PSE… » Pour l'heure, l'ambiance demeure électrique et la grève pourrait repartir à n'importe quel moment selon l'évolution des négociations.
Ce qu'on reproche à Saint-Gobain, c'est de ne pas avoir fait le job qu’on est en train de faire.
Pour Daniel Armiel, secrétaire de la fédération CGT Verre et Céramique, les problèmes économiques chez Eurokera à Château-Thierry (02), sont directement liés à ceux de Keraglass de Nemours (77), une entreprise qui intervient en amont du processus de fabrication des plaques de vitro céramique. Des pièces qui sont ensuite finalisées chez Eurokera. Les deux entités sont en effet liées dans une joint-venture entre le groupe Corning et Saint-Gobain. Or il y a cinq ans Keraglass Nemours avait déjà connu un important PSE. « C'était prétendument pour donner du souffle à l'entreprise, or cela n'a pas été fait et on se retrouve dans la même situation. Ils n'ont pas du tout anticipé les ruptures technologiques.» « Nous avons renoncé à la diversification et à poursuivre la recherche et le développement (R&D) sur des produits de pointes innovants tels que le verre flexible, dont l'usage pourrait se développer avec les téléphones pliables », déplore Candy Caprat, elle-même assistante de laboratoire au service R&D d'Eurokera. Et pourtant, Saint-Gobain n'est pas vraiment en manque de ressources s'il souhaitait s'engager sur cette voie. En 2024, le groupe a réalisé un résultat d'exploitation de 5,4 milliards d'euros.
Cependant, tandis que le groupe accumule les profits, les marchés des plaques à induction produites en France perd du terrain. En effet, l'Europe a un grand désavantage compétitif. Tandis que l'Union européenne interdit l'utilisation de l'arsenic dans le process de fabrication, la Chine elle, est dispensée de cette obligation, y compris pour l'importation non-taxée de ces produits. Et tant pis pour l'industrie européenne, et tant pis pour l'écologie. Nicolas Bruant de la CGT Keraglass à Nemours ne mâche pas ses mots : « Les Chinois sont arrivés il y a 5-6 ans, sur le marché avec des plaques bourrées d’arsenic, des plaques de m…, mais 40% moins chères sur le marché européen. L’Europe a laissé faire et ne taxe rien du tout. Ce qu'on reproche à Saint-Gobain, c'est de ne pas avoir fait le job qu’on est en train de faire. Alerter les politiques pour le problème de l’arsenic et ce problème de concurrence déloyale avec les Chinois qui est complètement inadmissible »
La lutte s'enracine
Chez Keraglass Nemours, la lutte ne faiblit pas depuis 5 semaines. Piquet de grève, barrages filtrants, initiatives diverses. L'intersyndicale CGT-CFDT-FO appelle à une manifestation à Nemours le 27 mars à 17h30. Dans les semaines qui suivent, d'autres actions sont déjà programmées, et notamment une à Château-Thierry, où les salariés de Keraglass Nemours devraient se rendre en solidarité avec ceux d'Eurokera.
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