Moments magiques
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Pourquoi écrire un spectacle sur le corps féminin ?
Parce qu'il y en a marre ! Marre qu'on me dise que faire avec mon corps. Que l'on m'exploite alors que cela ne me rapporte pas d'argent à moi mais aux autres ! Les femmes manquent trop de confiance en elles, elles sont élevées comme cela. Or, moins on a confiance, plus on consomme ! Des millions de personnes travaillent grâce à nous pour vendre des crèmes pour le corps, de la chirurgie esthétique, du porno… On vit dans une société qui érotise tout ! Y compris sur les unes des magazines comme Elle qui déclare que la « pipe » est le ciment du couple ! J'en ai eu ras le bol et écrit un livre*, puis j'en ai tiré une adaptation en y abordant d'autres sujets comme la prostitution, la violence conjugale…
Vous y abordez aussi des souvenirs personnels très durs comme l'inceste…
Je n'en parle pas, j'effleure cette question, il y a juste deux phrases dans mon spectacle. Mais mes nièces, ma famille, ne m'adressent plus la parole, c'est très violent…
Avez-vous le sentiment de porter atteinte à un certain système où, d'ordinaire, les acteurs jouent le jeu d'une promo très consensuelle ?
J'aimerais bien porter atteinte… Mais je me considère plutôt comme une lanceuse d'alerte et je suis punie ; la plupart des magazines féminins ne me relaient pas.
Nous, les actrices, n'existons pas en tant que personnes mais en tant que représentation d'une image patriarcale dans la société. Très peu de films parlent de femmes qui ont des histoires sans rapport avec leur âge et leur sexe. Quand nous sommes en position de reproduction, ça marche : on a des histoires d'amour au cinéma et puis après vient la ménopause, et c'est fini, il y a un grand creux et on réapparaît plus tard en tant que grand-mère, en utérus flétri. La reproduction encore !
n Est-ce un thème que vous abordez avec d'autres actrices ?
En réalité, très peu d'acteurs sont politisés alors que normalement l'artiste a une place politique ; par essence il est celui qui montre une autre voie, un autre possible. Or, nous sommes dans cette ère capitaliste où les rapports financiers sont extrêmes, l'artiste se plie à ces exigences, et s'il ne le fait pas il est éjecté.
Vous vous êtes, dans le passé, investie des mouvements associatifs féministes comme ni Putes ni soumises…
Dans les associations, les chevilles ouvrières font un travail formidable, mais j'ai aussi fait le constat que les têtes ne cherchaient que le confort d'un ministère, je pense notamment à Fadela Amara [ancienne présidente de l'association, NDLR], je parle de cela dans mon livre Je krach qui sort en janvier. Je ne crains même pas d'être taxée de populisme car tout le monde est écœuré aujourd'hui : j'ai fait la campagne de François Hollande, car je croyais au combat contre la finance. Et puis Hollande a pris Macron comme conseiller, puis comme ministre… un mec qui sort de chez Rothschild !
Comment changer les choses ?
On a gagné sur certains points : il y a des lois et elles sont appliquées, le viol est par exemple interdit alors qu'avant on entendait « t'avais qu'à pas t'habiller comme ça », mais de l'autre côté il y a cette nappe qui grandit, il n'y a même plus de ministère des droits des femmes ! Si seulement les femmes pouvaient prendre les armes, faire des formations, s'utiliser les unes les autres en réseau, pour le bien commun, ce serait énorme !
*Crue et Nue, éd. Jean-Claude Gawsewitch
Au théâtre Essaion, à Paris, jusqu'au 22 février 2015 ;
le 25 novembre 2014 à Issoudun (Indre) ;
le 18 décembre 2014 à Orvault (Loire-Atlantique) ;
le 15 janvier 2015 à Chécy (Loiret) ;
le 5 mai 2015 à Nevers (Nièvre).
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