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Ferroviaire

Fret SNCF sur les rails d'une liquidation

14 novembre 2024 | Mise à jour le 15 novembre 2024
Par | Photo(s) : © Quatorze / Andia
Fret SNCF sur les rails d'une liquidation

Transports de marchandises par fret

Le 21 novembre, l'ensemble des organisations syndicales de cheminots appellent à une grève de 24 heures pour défendre l'avenir de Fret SNCF, menacé de « liquidation » au 1er janvier. Les débrayages pourraient prendre en décembre si la demande de moratoire sur le démantèlement de l’opérateur public, portée par les syndicats, n'est pas entendue.

C'est ni plus ni moins la fin du fret ferroviaire public qui se profile. Lors d'une réunion de conciliation qui s’est tenue le 28 octobre en présence du ministre délégué aux Transports François Durovray, les organisations syndicales ont appris le maintien du plan de discontinuité élaboré par l'État français et la Commission européenne pour le fret ferroviaire public. Ce plan programme la disparition au 1er janvier 2025 de Fret SNCF, avec sa séparation en deux filiales de droit privé : Hexafret pour le transport de marchandises et Technis pour la maintenance du matériel roulant.

La procédure, qui crée de grandes incertitudes sociales avec le passage sous droit privé et la suppression de 500 postes de cheminots, fait planer de lourdes menaces sur l'avenir du fret en France. Ce processus d'ouverture à la concurrence, porté depuis les années 1990 par Bruxelles, et contre lequel l'ensemble des organisations syndicales représentatives est vent debout, a été lancé suite à une enquête de la Commission européenne soupçonnant l'État français d'avoir versé des aides publiques illégales pour un montant total de 5 milliards. « Ce scénario est apparu il y a un an et demi sur une soit-disant injonction de l’Union européenne, mais en réalité le gouvernement travaillait dessus depuis longtemps », estime Cédric Robert, de la CGT Cheminots.

Un mode volontairement délaissé

Dans son rapport rendu le 13 décembre 2023, la commission d’enquête parlementaire sur la libéralisation du fret ferroviaire ne disait pas autre chose. « Les aides d'État ne sont qu'un prétexte utilisé par la Commission européenne pour réaliser un objectif de longue de date : le démantèlement de l'opérateur public », confirment les parlementaires. Une enquête qui met en évidence le délaissement volontaire des politiques d'accompagnement du transport de marchandises sur rail ainsi que son affaiblissement inexorable sous le coup des politiques successives de dérégulations du marché.

Pour faire barrage à ce projet, les organisations syndicales CGT-Cheminots, Unsa-Ferroviaire, Sud-Rail et CFDT-Cheminots ont appelé à une première grève de 24 heures, le 21 novembre. Un mouvement qui pourrait être reconduit par les cheminots le 11 décembre si leurs revendications ne sont pas entendues. Les syndicats exigent l'arrêt du processus de privatisation et la mise en place d'un moratoire, réclamé aussi par la commission d'enquête dans ses « recommandations ». Les syndicats demandent également l'arrêt de l’ouverture à la concurrence en cours dans les régions, avec la filialisation des TER, Transiliens et Intercités.

Bashing anti-grève et anti-cheminots

Devant les risques de débrayages en décembre, le ministre des Transports s’en est pris à un mouvement social qui pourrait bloquer le pays « au moment où les Français veulent se retrouver ». Un bashing anti-grève et anti-cheminots amplement relayé par les médias, que dénonce Cédric Robert : « La grève, c'est le 21 novembre. Noël, on n'y est pas ! Les médias ont l'air de découvrir la situation alors que ça fait des mois qu'on alerte sur ce qui se prépare. La triste réalité, c'est qu'il faut se mettre en grève pour qu'on s'intéresse au sort de la SNCF. »

« Dans cette crise écologique mortifère que nous subissons, le train doit être tout simplement incontournable : notre combat est aussi pour l'intérêt général », rappellent dans leur communiqué commun les organisations syndicales. L'enjeu du développement du fret public est en effet un levier majeur dans le cadre de la transition écologique. Un train de marchandises transporte une charge équivalente à 40 poids lourds, tout en émettant neuf fois moins de CO2. Pourtant, ce transport a été délaissé depuis des années au profit du transport routier. Et le choix de la privatisation de l'acteur public risque d'accentuer cette tendance.

 « Fret SNCF va être obligé de céder pour dix ans ses 23 tronçons les plus rentables au privé. Autant dire que c'est la mort de l’opérateur public », Cédric Robert, de la CGT cheminots.

« Aujourd'hui le transport par fret ne représente que 9 % du transport de marchandises du fait d'un manque de stratégie mais aussi d'investissement sur les installations ferroviaires, pointe Cédric Robert. La SNCF n'est pas allée chercher de nouveaux clients, les trains postaux ont été liquidés, les entrepôts des grands logisticiens comme Amazon ne sont pas embranchés, pareil pour nos grands ports : tout est acheminé par camions. » Les organisations syndicales craignent que la privatisation du transport de marchandises sur rail ne se solde par un échec et ne se traduise par un report modal supplémentaire vers la route, comme cela s’est observé depuis des années avec les politiques de dérégulation.

Revirement historique au Royaume-Uni

Une tendance lourde pointée par les rapporteurs de l'enquête sur la libéralisation du fret : « L'ouverture à la concurrence a conduit à l'affaiblissement de l'activité fret de la SNCF mais également à celle de l'ensemble de la filière. » Trente ans après la privatisation complète du rail qui avait mis son réseau ferroviaire à genoux, le gouvernement travailliste au Royaume-Uni a pris en 2024 le chemin inverse en lançant un vaste projet de renationalisation des opérateurs privés ferroviaires à expiration de leurs contrats. Un revirement historique qui solde 30 années calamiteuses de trains en retard, d'accidents ferroviaires et d'inflation tarifaire pour les voyageurs britanniques qui devrait inspirer ses voisins européens.