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Grandpuits ferme le robinet

26 mai 2016 | Mise à jour le 5 janvier 2017
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Grandpuits ferme le robinet

Toutes les raffineries de France sont à l'arrêt. Le pdg de Total menace de retirer ses investissements en France. Mais que se passe-t-il réellement dans les raffineries ? Reportage à Grandpuits.

Au fin fond de la Seine-et-Marne, la raffinerie Total de Grandpuits offre l'étonnant spectacle d'un complexe industriel posé tel un ovni au milieu des champs. Des tuyaux, de hautes cheminées et des cuves aux formes et dimensions diverses qui renferment essence, gaz, bitume et autres dérivés pétroliers.
Le site entouré de barrières sécurisées jouxte la ligne de chemin de fer Paris-Bâle, ce qui permet d'acheminer les productions par wagon ou camion. De loin, un détail attire l'attention : la torchère crache une fumée noire.
« C'est le signe que l'installation est en train d'être mise à l'arrêt » explique Laurent Gaston-Carrere, secrétaire du syndicat CGT de la raffinerie. « Le brut nous arrive du Havre par le PLIF (pipeline d'Île-de-France), mais on ferme les vannes. ». Les odeurs d'hydrocarbure viennent chatouiller les narines. On arrive devant l'écriteau « en grève » entouré des drapeaux FO et CGT.

Les salariés ont voté la grève

À l'entrée, des équipes de la télévision et de la radio cherchent à interviewer les quelques syndicalistes en chasubles rouges qui se prêtent au jeu. Nous sommes le 24 mai 2016, la pénurie d'essence a commencé à se faire sentir et ici c'est un lieu stratégique pour l'Île-de-France.
« Est-ce que vous pouvez comprendre que les gens sont exaspérés de ne pas trouver d'essence ? » interroge un journaliste de la télévision suisse, pas même conscient de ce que ce type de question peut avoir d'exaspérant… pour les grévistes qui sacrifient leurs salaires pour le bien du pays.

Privilège des journalistes de la NVO, les représentants de la CGT nous invitent dans les locaux syndicaux. L'ambiance est bon enfant : un camarade se fait chambrer pour avoir fait le plein des voitures de sa famille, de peur de tomber en panne sèche…
Guillaume Larivière, délégué syndical raconte son usine et la grève : « C'est le mardi 17, suite à l'action nationale contre la loi “travail”, que nous avons voté en AG une grève de 72 heures renouvelables. Ici la majorité des personnels vote CGT aux élections professionnelles, suivie de peu par FO, puis loin derrière la CFE-CGC et la CFDT toutes deux absentes du mouvement. Notre site compte 420 salariés et est rattaché à celui de Gargenville (78) avec 48 salariés qui stocke le kérosène pour les avions. » Où va la grève et combien de temps se prolongera-t-elle ?

Une lutte décidée démocratiquement

Les syndicalistes expliquent que la réponse est dans la démocratie. « Nous votons à bulletin secret. Cela permet à certains membres de l'encadrement d'échapper à la pression. Lors de la première AG il y a eu 169 votes et 75 % ont voté la grève. Pour la seconde, nous n'étions assurés de rien. De nombreux cadres sont venus et pas mal de non-syndiqués. Au final, la grève a été reconduite mardi, et ce jusqu'à vendredi, avec 60 % des voix. Mais cette fois, il y avait 284 votes ».

Les propos de Valls sur les prises en otage du site ou de la population par des minoritaires ont le don d'énerver : « Ce sont des salariés et non des encartés CGT qui votent la grève. Nous sommes au septième jour d'action. Nous avons fermé les expéditions et nous mettons en sécurité le site. ».

Le droit de faire grève

En lien avec les autres raffineries, un point est réalisé toutes les deux heures. Le compte rendu du déblocage de Fos la veille avec des camarades CGT gazés dans les locaux syndicaux scandalise les syndicalistes. « Ça nous rappelle ce qu'il s'est passé ici en 2010. Ils ont nous ont envoyé les gendarmes alors que le droit international ne l'autorise pas. Dans l'immédiat, il résulte qu'il n'y avait que six raffineries en arrêt sur huit, mais qu'avec ces méthodes maintenant ce sont les huit ! » explique Laurent Gaston-Carrere.

Un combat pour l'intérêt général

Contrairement à l'idée répandue dans les médias, les salariés des raffineries ne sont pourtant nullement dans un esprit jusqu'au-boutiste. Les syndicalistes ne toléreraient en aucun cas que s'installe une pénurie d'approvisionnement pour les hôpitaux, le Samu ou les services d'urgence. « Nous nous battons pour l'intérêt général, contre cette loi qui va amputer les droits pour les générations futures. Les gens sont outrés lorsqu'ils comprennent les effets de l'inversion de la hiérarchie des normes. Et demain, s'il y a un plan social, on ne prendrait en compte qu'une partie du groupe déficitaire, et Total s'arrangerait pour qu'on ait un plan social au même niveau qu'une PME » s'insurge un ouvrier.

Durant notre présence dans les locaux CGT, les délégués FO entrent et sortent. Franck Bobard – c'est son vrai nom, mais lui-même en sourit – délégué FO répond aussi à nos questions sur l'action unitaire : « Vu la gravité du sujet, l'heure n'est pas à la division. On voit que les médias veulent retourner l'opinion contre la CGT, qu'ils s'ingénient à victimiser les forces de l'ordre, alors même que parmi celles-ci il y en a beaucoup qui nous soutiennent contre la loi “travail”. Pour retrouver l'ordre, c'est très simple. Il suffit de mettre cette loi à la poubelle. »