Plus de 1 300 prisonniers politiques palestiniens ont entamé lundi 17 avril, à l'appel du député Marwan Barghouti, enfermé depuis 2002, une grève de la faim pour le respect de leurs droits humains les plus élémentaires. Depuis le début de l'occupation de la Palestine par Israël en 1967, on estime à 850 000 le nombre de Palestiniens passés par les prisons de l'occupant. Aujourd'hui, un peu plus de 6 500 sont derrière les barreaux. Parmi eux, environ 300 enfants.
300 enfants prisonniers politiques
Alors que le comité des Nations unies contre la torture doit analyser le 3 mai prochain le cas israélien, les organisations Defense of Children International (DEI) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont soumis un rapport commun sur le traitement des enfants palestiniens par les forces militaires israéliennes. Celui-ci est accablant. Il souligne notamment l'utilisation de la force avec notamment des cas de mauvais traitements et de torture. « Entre 2012 et 2015, DEI-Palestine a collecté les témoignages de 429enfants détenus en Cisjordanie. Selon ces témoignages, trois enfants sur quatre ont subi des formes de violence physique. 97 % d'entre eux n'ont pas eu accès à un avocat et/ou n'ont pas pu bénéficier de la présence d'un parent ou tuteur légal pendant l'interrogatoire […] Les violences physiques consistent principalement à pousser, donner des gifles ou des coups de pied ou frapper l'enfant avec un casque ou un fusil. Quand ils sont arrêtés, pratiquement tous les enfants (97,7 %) ont les mains liées et une grande majorité d'entre eux (88,3 %) ont les yeux bandés pendant de longues périodes. L'accès aux biens de première nécessité tels que l'eau, la nourriture et les toilettes, est dans la plupart des cas refusé pendant l'arrestation, le transfert et l'interrogatoire […] De plus, DEI-Palestine a recensé 66 cas d'isolement cellulaire [entre 2012 et 1016]. En moyenne, les enfants sont détenus en isolement 13 jours mais le cas le plus long s'élève à 45 jours […] L'usage courant et fréquent des moyens de contention, des menaces, de la violence physique et morale ainsi que le fait de ne pas expliquer aux enfants leurs droits, de mener les interrogatoires sans la présence d'un avocat ou d'un membre de la famille et de leur montrer des documents uniquement en hébreu, une langue que la plupart d'entre eux ne comprennent pas, constituent des violations graves et systématiques des droits des enfants palestiniens. »
Les enfants sont particulièrement ciblés afin de faire pression sur leurs familles. C'est le cas de nombre de familles dont les membres s'engagent dans la résistance civile non violente à l'occupation. Jugés, en totale violation des conventions de Genève, par des tribunaux militaires; leur nombre ne cesse d’augmenter. Tous les organismes de défense des droits de l’enfant ont tiré la sonnette d’alarme.
En violation de toutes les conventions internationales
D'autres chiffres sont accablants. Ainsi, ces dernières années, 208 prisonniers sont morts en détention dont 72 sous la torture et 53 pour négligence médicale. Aujourd'hui, quelque 1 700 sont malades, sans rien recevoir d'autre que des « calmants » quelle que soit leur pathologie. Et une vingtaine sont en phase terminale dans la clinique de la prison de Ramleh. Parmi les 72 femmes prisonnières, 16 sont mères de familles et 8 mineures. La plus jeune, Istabriq Nour, arrêtée en octobre 2014, n'a que 14 ans.
L'armée d'occupation cible aussi les journalistes (28 sont derrière les barreaux), les avocats (7, dont une femme), les parlementaires (13 actuellement). On compte un grand nombre d'étudiants et d'enseignants, l'éducation étant l'une des formes de la résistance palestinienne.
Ils sont jugés en dehors de toutes légalité internationale par des tribunaux militaires qui considèrent toute forme de résistance à l'occupation comme des actes de terrorisme, et détenus sur le territoire israélien. Nombre d'entre eux, après de longues périodes de torture, sont placés pour de longues périodes à l'isolement total. Qui plus est, 750 d'entre eux sont en « détention administrative », c'est-à-dire arrêtés sans charges ni procès, pour des périodes de 4 à 6 mois renouvelables à l’infini. Là encore en totale violation de la 4e Convention de Genève qui protège en droit les populations sous occupation. Certains y sont depuis plusieurs années, parmi lesquels six mineurs, deux femmes et neuf députés.
Le message de Marwan Barghouti
Député palestinien du Fatah, Marwan Barghouti a été kidnappé à Ramallah en Cisjordanie occupée voici quinze ans, lors de la seconde Intifada, par les forces d'occupation israélienne, après avoir échappé à plusieurs de leurs tentatives d'assassinat. Ce n'est pas un hasard s'il est l'une des principales cibles des dirigeants israéliens. A la fois pour sa popularité, et pour sa stratégie. Sa probité et son engagement en font en effet le favori de la majorité de la population palestinienne en cas d'élection présidentielle. Favorable à la paix avec Israël sur la base de la mise en œuvre du droit international et donc des droits nationaux du peuple palestinien, il a toujours prôné la nécessité d'accompagner toute négociation d'une mobilisation de la résistance susceptible d’améliorer le rapport de force. Et il est aussi un fervent défenseur de l'unité du peuple palestinien dans la diversité de ses courants politiques. En dépit des faits, il a été condamné pour terrorisme par un tribunal militaire dont il a refusé de reconnaître la compétence, et condamné à plusieurs peines à perpétuité.
Dans un message qu'il est parvenu à faire parvenir à la presse, il souligne : « La grève de la faim est une action légitime et non violente pour protester, en tant que prisonniers, contre les violations de nos droits humains fondamentaux tels qu'ils sont garantis par le droit international. […] Nous nous sommes résolus à cette grève après des mois d'efforts pour faire entendre nos revendications légitimes. Ces exigences sont liées aux arrestations arbitraires de masse, à la torture et aux mauvais traitements, aux mesures punitives contre les prisonniers, à la négligence médicale délibérée, aux visites et au contact avec nos familles, tous ceux que nous aimons, et aussi à l'éducation. Il s'agit là des droits humains les plus élémentaires. ». Il ajoute : « Je fus le premier parlementaire à être arrêté, en 2002. Depuis, Israël a arrêté 70 parlementaires – plus de la moitié du Conseil législatif, le parlement palestinien – et 13 d'entre eux restent détenus à ce jour. Ceci est une insulte aux parlementaires partout dans le monde, à la démocratie et aux droits de l'Homme partout dans le monde. C'est une insulte à la liberté et la justice et il faut y répondre. Le sort infligé aux parlementaires palestiniens reflète le sort du peuple qu'ils représentent. »
Et de proclamer avec courage : « Aux yeux d'Israël nous sommes tous coupables, et l'accusation non déclarée c'est notre désir de liberté, notre soif de liberté, notre sacrifice pour la liberté. »
Le cynisme criminel du gouvernement israélien
Actuel ministre de l'Éducation, Naftali Bennett, dirigeant du parti politique d’extrême droite Foyer juif, affirmait, tandis que débutait en 2013 la dernière tentative de négociation « directe » israélo-palestinienne : « Lorsque vous attrapez des terroristes, vous devez simplement les tuer […] J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie. Et il n’y a aucun problème à ça. » À l'issue de l'élection de Donald Trump à la Maison-Blanche, il s'est réjoui de ce que selon lui « l'époque de l'État palestinien est révolue ». Cette fois, ses partisans ont organisé des barbecues géants devant l'une des prisons (celle d'Ofer) où les prisonniers politiques palestiniens sont en grève de la faim. Ce qui n'a fait que renforcer leur détermination. Les colons et militants de la droite et de l'extrême droite israélienne avaient déjà organisé des pique-niques géants à la frontière de Gaza lors des offensives militaires israéliennes contre ce petit territoire, pour se réjouir en direct des bombardements.
Avigdor Lieberman, dirigeant du parti d'extrême droite Israel Beytanou et ministre de la Défense et des Affaires étrangères, a appelé à suivre le modèle de Margaret Thatcher qui avait laissé mourir en 1981 les militants nord-irlandais Bobby Sands et neuf de ses compagnons, eux aussi en grève de la faim pour leurs droits en prison. Pour Yisrael Katz, ministre israélien du Likoud, Marwan Barghouti aurait dû simplement être exécuté. Le gouvernement en tout cas refuse toute négociation.
Solidarité
La détermination des prisonniers politiques israéliens a contribué à de nouvelles mobilisations en Palestine occupée. Des manifestations sont organisées quotidiennement en solidarité avec eux, mais aussi pour réclamer la fin de l'occupation, de la colonisation, du siège de Gaza, de la violence des militaires et des colons. Une solidarité qui a besoin de celles des défenseurs des droits et de la justice de par le monde.