À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
JUSTICE

Jean Castex entend-il violer le droit européen ?

2 octobre 2020 | Mise à jour le 2 octobre 2020
Par
Recevant le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), le Premier ministre aurait annoncé, selon celui-ci, qu'en dépit d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), la France continuerait à condamner les militants de droits du peuple palestinien de la campagne « boycott, désinvestissement, sanctions » contre l'impunité d'Israël.

La France s'apprête-t-elle à violer le droit européen ? C'est ce que laisse supposer Jean Castex dans sa réponse à l'actuel président du Crif (Conseil « représentatif » des institutions juives de France). Le 16 septembre dernier, en effet, le Premier ministre a reçu Francis Kalifat.

Le Crif, non démenti, commente sur son site internet : « Francis Kalifat a ensuite attiré l'attention de Jean Castex sur la récente condamnation de la France devant la Cour européenne des droits de l'Homme pour la condamnation d'auteurs d'actes et d'appels au boycott d'Israël. Le Premier ministre l'a assuré que la circulaire Alliot-Marie faisait toujours référence en la matière et que la doctrine de France en matière de répression de l'appel au boycott n'avait pas changé. » De quoi s'agit-il ?

Pour lutter contre l'impunité dont jouit la politique israélienne d'occupation, de colonisation et de violation des droits humains, les associations de solidarité avec les droits nationaux du peuple palestinien ont répondu à l'appel de 172 organisations de la société civile palestinienne qui, en 2005, ont lancé la campagne internationale « boycott, désinvestissement, sanctions » (BDS) : sanctions notamment économiques, désinvestissement des colonies, toutes illégales, et boycott des produits israéliens ou — selon les choix stratégiques des mouvements de solidarité — des seules colonies.

Un mouvement qui prend de l'ampleur dans le monde entier et marque des points importants, qui inquiètent les dirigeants israéliens.

Le revirement de Michèle Alliot-Marie de 2010

Dans ce contexte, le 18 février 2010, lors d'un dîner à l'antenne bordelaise du Crif, Michèle Alliot-Marie, alors garde des Sceaux, affirme : « Je n'accepte pas que des personnes, responsables associatifs, politiques ou simples citoyens, appellent au boycott de produits au motif qu'ils sont kasher ou qu'ils proviennent d'Israël. Je souhaite que le parquet fasse preuve de davantage de sévérité à ce sujet. J'ai donc adressé une circulaire aux parquets généraux, leur demandant d'identifier et de signaler tous les actes de provocation à la discrimination. J'entends que tous les auteurs d'actes soient poursuivis dès qu'ils auront été identifiés et notamment quand les appels auront été faits sur Internet. »

À ceci près qu'à aucun moment les associations de défense des droits palestiniens n'ont évidemment appelé à boycotter des produits kasher, et ce d'autant moins que le fond de leur lutte est celle du respect du droit international, de l'égalité des droits et de l'antiracisme, ici comme en Palestine.

La ministre le reconnaissait du reste elle-même le 20 mai 2009, répondant à Éric Raoult à l'Assemblée nationale : « Depuis le début du conflit israélo-palestinien au mois de décembre 2008 (offensive israélienne contre Gaza, NDLR), plusieurs associations de défense de la cause palestinienne sont intervenues dans de grandes surfaces en appelant au boycott des produits en provenance d'Israël ou de pays supposés apporter une aide à ce pays (…). Ces opérations, il faut bien le préciser, touchent des produits importés d'Israël et non des produits kasher. ».

Mais l'ambassadeur israélien d'alors, Daniel Shek, explique : « Nous encourageons des organisations à porter plainte contre les organisateurs du boycott. Nous conduisons des activités politiques à l'ambassade en liaison directe avec des ministres, des organisations, des étudiants et des consommateurs, qui se réveillent ».

C'est ainsi que le parquet requalifie une plainte du magasin Carrefour pour dégradation contre une militante de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ayant collé des autocollants pour « incitation à la discrimination raciale, nationale et religieuse ». D'autres condamnations suivent. Aucun gouvernement ne revient sur les circulaires Alliot-Marie en dépit des demandes répétées des associations de défense des droits humains et de la CGT pour que soient abrogées « ces circulaires déshonorantes pour notre pays ».

Quand la Cour européenne des droits de l'Homme rappelle le droit

Le 11 juin dernier, saisie en 2016 par onze membres du « Collectif Palestine 68 », la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a rendu son verdict : la justice française a violé la liberté d'expression de militants. « La Cour constate que les actions et les propos reprochés aux requérants relevaient de l'expression politique et militante et concernaient un sujet d'intérêt général. » Un arrêt qui rend caduques les circulaires Alliot-Marie.

La CEDH qui a considéré comme illégale la condamnation par la justice française de militants de la campagne BDS a même exigé que la France verse 100 000 euros de dommages et intérêts à ceux de Colmar sanctionnés en Cassation.

Le 16 septembre, faute de recours du gouvernement français, la CEDH a rendu son arrêt définitif.

Tandis que la France condamne officiellement l'occupation et la colonisation israéliennes de la Palestine, mais refuse toute sanction contre Tel-Aviv, Jean Castex aurait-il donc décidé de violer le droit international ? Au-delà même de la Palestine, une telle orientation s'avérerait très grave pour la démocratie.

Suivez la NVO sur FacebookTwitterInstagram