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Réforme des retraites

La CGT à la reconquête des déserts syndicaux en Moselle

4 décembre 2019 | Mise à jour le 4 décembre 2019
Par | Photo(s) : DR
La CGT à la reconquête des déserts syndicaux en Moselle

Le 5 décembre 2019 est annoncé comme une journée de forte mobilisation syndicale, mais qu'en est-il des « déserts syndicaux » ? À Metz, les militants CGT ont décidé de s'adresser aux salariés et habitants de ces territoires notamment pour mobiliser sur les retraites. Une urgence au vu des colères qui y couvent.

« C'est un peu comme rendez-vous en terre inconnue » plaisante André Michel, retraité de France Telecom et membre du bureau de l'Union locale CGT de Metz en arrivant dans le village de Bouzonville (4000 habitants). Ici, nous sommes plus proche de l'Allemagne que de Metz, d'où il aura fallu une quarantaine de minutes pour  arriver.

En ce mardi 3 décembre 2019, jour de marché, ce n'est pas le père Noël qui déambule en rouge à la rencontre des habitants mais les militants CGT qui ont décidé de s'afficher avec la plus grande visibilité possible.

Une initiative professionnelle et territoriale

Deux autres camarades ont rendez-vous sur le marché afin de distribuer le tract national de la CGT sur les retraites.

Il s'agit de Christophe Jacquemain, qui travaille chez ArcelorMittal Gandrange et est depuis peu secrétaire de l'USTM CGT 57 (syndicat départemental de la métallurgie), et Johan Oudit, du syndicat des finances publiques : « Nous sommes très mobilisés dans les finances publiques parce que le plan Darmanin va supprimer toutes les trésoreries de la région de Metz. Ici, ca va être désert pour les services publics » rapporte Johan.

Christophe explique quant à lui sa présence à l'initiative par le fait qu'il y a à Bouzonville deux entreprises de la métallurgie qui sont le poumon du petit bassin d'emplois. Manoir Industries, qui emploie environ 300 salariés et ZF, un sous–traitant automobile qui en compte plus de 200.

Au cours des dernières années, les effectifs de ces établissements industriels ont cependant fondu, les forces organisées de la CGT ont décliné dans les mêmes proportions. Sur le marché, on remarque une population assez âgée, tandis qu'une partie importante des actifs franchissent quotidiennement la frontière vers l'Allemagne, ou mieux encore vers le Luxembourg, où les salaires sont réputés être deux fois plus élevés que ceux pratiqués en France.

Une décision volontariste

« C'est la Commission exécutive de l'Union locale CGT de Metz qui a décidé d'un plan de rencontres dans tout le territoire. Il faut dire que c'est assez étendu et que si nous avons encore des délégués sur les deux entreprises de Bouzonville, les liens sont assez distendus » rapporte André Michel.

Le quatre-pages confédéral sur les retraites a rencontré un grand succès de diffusion et il a été décidé d'en commander de nouveaux exemplaires. « Face au besoin d'information, nous avons décidé de le porter dans les endroits où nous n'allons plus depuis longtemps » poursuit Michel.

Sur une localité où  il y a deux entreprises de la métallurgie, le lien s'est opéré assez naturellement avec l'USTM. «  Nous voulions reprendre contact et ça a été très positif ce matin chez Manoir Industrie. Les salariés étaient contents de pouvoir nous rencontrer. Nous avons appris qu'un incendie de la forge avait mis en chômage technique une grande partie du personnel. Ils sont en train de remettre en état les lieux et il faut désamianter. Nous allons suivre tout cela. Même si bien sûr cette situation ne va pas faciliter une mobilisation des personnels pour le 5 décembre » rapporte Christophe Jacquemain. 

À la rencontre d'une population délaissée

Sur le marché, les échanges ne manquent pas entre les trois militants CGT et les personnes venues faire leurs courses. Le territoire a aussi été un point d'ancrage fort des gilets jaunes avec d'importantes manifestations, mais aussi des divergences, certains ronds-points étant connus pour être tenus par des gilets jaunes d'extrême droite, pour qui il y aurait trop d'étrangers sur le territoire, et d'autres au contraire de gauche.

Les rencontres se donc succèdent avec des réflexions et réaction très variés. Une jeune femme montre le sigle de l'entreprise où elle travaille sur sa veste et dit simplement : « Merci, je suis avec vous… ». On interroge aussi les militants sur les retraites mixtes, ceux qui ont cotisé en Allemagne et ce qui va pour eux se passer.

Le lien est aussi fait entre les régimes spéciaux, objets d'attaques médiatiques et le régime local de Sécurité sociale dont bénéficient les habitants de la région. Ce régime régional sera-t-il aussi bientôt dans le viseur de Macron, ou faut-il en faire un point d'appui pour une nouvelle sécurité sociale ?

Beaucoup profitent de la présence de militants pour se plaindre : « avec 1110  euros par mois, comment peut-on s'en sortir ? ». S'expriment donc des interrogations, de craintes, des colères, sinon des revendications. « On ne savait pas du tout quel accueil nous allions recevoir, mais on voit que c'est positif parce qu'on a affaire à une population délaissée. On a tout a gagner à aller à sa rencontre » conclut André Michel.

Aux portes de l'entreprise ZF

Après ces échanges vivifiants sur le marché, les militants se retrouvent devant les portes de ZF à l'heure de la sortie. Un sourire, un merci, les tracts partent comme des petits pains.

Un accueil chaleureux dans le froid, et l'occasion de faire le point sur les conditions de travail, l'accroissement sans fin du nombre d'intérimaires. L'un d'entre eux s'attarde à discuter devant l'entrée : « Je fais de l'intérim ici depuis dix ans, je n'ai jamais voté.  Mes parents votent  depuis toujours et ça ne change jamais rien…J'étais avec les gilets jaunes, j'ai vu comment les flics tapaient. Est-ce que je viendrai le 5 décembre ? Non, une promenade de santé ça ne m'intéresse pas. Et  si je viens moi-même, j'ai peur de ne pas pouvoir me retenir de taper… »

Les uns en seront, d'autres non, tous ont pourtant la même colère. La forme d'expression syndicale jugée trop institutionnelle serait-elle inapte pour la porter ? A force de s'attaquer aux moyens et à la légitimité syndicale à coups de lois travail, de CSE, de destruction des CHSCT etc, le gouvernement ne devrait-il pas s'interroger sur ce qu'il risque de déchaîner ?

Dans cette période brûlante, la CGT quant à elle tente de reprendre pied auprès des salariés. Chez Manoir Industrie, tout comme chez ZF, avoir vu des salariés aux portes de l'entreprise n'est pas anodin. Hors du champ des caméras, devant l'entreprise, des numéros de téléphone sont échangés, et des adhésions sont en germe.

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