Racisme au travail : l’urgence d’agir
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La méthode Clerc vient encore de frapper. En mars 2014, la NVO se faisait une joie d'annoncer l'extraordinaire victoire des syndicalistes de l'entreprise aéronautique Ratier à Figeac. Au terme de quinze années de lutte, la reconnaissance de la discrimination syndicale se concluait enfin par le versement d'un million d'euros de préjudice à neuf camarades.
En mai 2014, la NVO se fait à nouveau le vecteur d'une information similaire : à l'issue de quinze ans de luttes acharnées, 250 syndicalistes CGT de la RATP ont cumulé quelque quatre millions d'indemnités au titre du préjudice que, en tant que militants de la CGT, ils ont subi sur leur déroulement de carrière.
Au cœur de ces deux victoires, un homme et une méthode, celle que François Clerc a inaugurée chez Peugeot en établissant un panel de carrières de salariés. La comparaison des courbes de carrière des militants CGT avec les panels de référence ainsi constitués permet de visualiser les décrochages. On repère aussi des moments clés, la stagnation du salaire qui coïncide avec les prises de responsabilités syndicales, et surtout dans la durée un écart qui ne cesse de s'accroître.
Dans les locaux de l'union syndicale CGT RATP, Philippe Domergue et Joël Niger, tous deux dirigeants de la CGT RATP, mais désormais retraités, retracent leur combat. « En tout, nous avons traité 250 dossiers pour discrimination syndicale, parmi lesquels 123 sont ceux de salariés aujourd'hui retraités.
À cela se sont ajoutées trente autres demandes pour lesquelles nous n'avons pas pu obtenir gain de cause », explique Philippe. S'inspirant directement de l'affaire défendue chez Peugeot en 1998, plusieurs syndicalistes de la RATP font le constat de la discrimination dont ils font l'objet et souhaitent qu'elle soit reconnue. Le syndicat adresse des courriers en ce sens dès 1999, mais les différents échanges n'aboutissent pas et, au final, c'est une fin de non-recevoir de la part de la direction. « Nous avons alors décidé d'établir un panel selon la méthode Clerc et de présenter le dossier de sept ouvriers en justice », relate Joël Niger. Nous sommes en 2001, et il faut attendre octobre 2004 pour avoir les premiers résultats. Les sept premiers dossiers sont gagnés et la RATP n'interjette pas appel.
Dès lors, le syndicat établit une cinquantaine d'autres demandes en construisant ses dossiers sur le même modèle et avec l'aide du secteur confédéral de la CGT en charge des discriminations syndicales. Un premier protocole d'accord est signé en juin 2005 entre les six syndicats CGT de la RATP et la direction, puis un avenant y est ajouté en 2007.
Le traitement de 250 dossiers n'est pas simple. Certains agents sont encore en activité, mais d'autres sont retraités. Certaines situations remontent même à une époque antérieure au dépôt de la demande de régularisation. « Nous avons dû traiter le cas d'un camarade entré à la RATP en 1960 et qui a terminé sa carrière en 1992. » Retrouver les fiches de paie et les coefficients d'une époque d'avant l'ère de l'informatique a parfois relevé de l'archéologie.
D'un commun accord, des commissions paritaires ont été constituées et des compromis trouvés sur la base de forfaits pour les cas les plus anciens. « Nous avons trouvé des cas de salariés discriminés dans tous les dépôts, et c'est surtout chez les ouvriers qui n'ont pas pu accéder au grade d'agent de maîtrise qu'on a pu faire des démonstrations », raconte encore Joël.
En effet, les indemnités perçues pour discrimination sont en moyenne de l'ordre de 30 000 euros à 40 000 euros pour les ouvriers, tandis qu'elles se situent aux alentours de 5 000 euros à 10 000 euros pour les machinistes (conducteurs de bus).
Aussi bonne soit-elle, la méthode Clerc ne permet cependant pas de résoudre tous les cas. Il n'est en effet pas toujours évident de trouver les salariés permettant d'établir un comparatif sur une même filière, une même année d'entrée, d'où probablement la trentaine de dossiers de militants qui se sont dits discriminés, mais qui n'ont pas pu en apporter la preuve selon les critères établis dans le protocole. Au-delà de ces imperfections, un mode de pensée différent est en train de voir le jour sur la manière d'aborder la discrimination syndicale. Un module de formation syndicale de trois jours a été créé pour y former les militants.
« Au-delà de l'aspect financier et de la remise à niveau des salaires – jusqu'à 600 euros mensuels – pour ceux qui sont encore en activité, il y a aussi un aspect moral, explique encore Philippe Domergue. Trop longtemps, nous avons sous-estimé le préjudice moral. La question du bien-être au travail était négligée et à l'époque on considérait même normal qu'un syndicaliste soit sanctionné. On pouvait même considérer que c'était une preuve d'intégrité. »
Parmi les 250 syndicalistes discriminés qui viennent d'obtenir réparation, quatre sont aujourd'hui décédés.
Le syndicat CGT de la RATP a remis un chèque à l'un de ces camarades quelques jours seulement avant son décès. Philippe Domergue en parle avec émotion. Et de conclure : « C'est important d'avoir fait reconnaître la discrimination syndicale et d'avoir obtenu réparation. Ce que nous voulons maintenant, c'est que les jeunes qui veulent militer n'aient plus à se dire qu'ils doivent faire une croix sur leur carrière ».
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