Parking de véhicules Smart neufs de l'usine auto Smart de Hambach.
L'annonce se veut rassurante. Elle ne l'est pas. Pour ne pas effrayer les 800 salariés directement employés dans l'usine de Hambach, il a été confirmé que Daimler y produira le nouveau SUV électrique de Mercedes. À cet égard, un investissement de 500 millions d'euros est prévu dans l'usine mosellane. Mais au-delà des 800 salariés de Smart, il y en a 900 autres qui travaillent dans sept entreprises à Smartville, dont le sort est assez nébuleux malgré les déclarations de la direction de Smart qui assure qu'aucun emploi n'est menacé par sa stratégie.
De son côté, la fédération CGT de la métallurgie dénonce « le manque de visibilité, de communication et de dialogue de la part des dirigeants Smart sur les futurs projets ». Au passage, la fédération égratigne le constructeur sur l'impact écologique de véhicules fabriqués au bout du monde qu'on pourrait voir importés en Europe.
Enfin se pose concrètement la question de sept fournisseurs et sous-traitants directement liés à la production de la Smart sur le site de Smartville ; Faurecia, Magna Système Châssis, Magna Uniport, ThyssenKrupp, Seifert, SAS et Mosolf.
L'ensemble de ces entreprises totalise quelque 900 salariés et un droit d'alerte a été voté par les représentants du personnel dans trois d'entre elles. La production d'un SUV électrique diffère en effet notoirement de celle d'une Smart.
« Il y a moins de plastique dans ces modèles que dans une Smart, or Faurecia produit essentiellement dans ces matériaux, et en plus les Mercedes ont habituellement leurs propres fournisseurs » note Denis Bréant, responsable du secteur automobile à la FTM CGT.
Selon les annonces de Serge Siebert, président de Smart France, dans un premier temps, c'est la production de la Smart thermique qui doit cesser. Seule la Smart électrique sortira encore des chaînes dès juin 2019, ce qui mettrait en surnombre quelque 300 salariés provisoirement.
Le président explique que certains salariés pourraient donc être redéployés sur Rastatt en Allemagne (où est fabriqué la nouvelle classe A de Mercedes) ou à Ligny-en-Barrois dans la Meuse (production des bus Mercedes), une troisième partie de ces salariés serait envoyée en formation.
Tout ceci est très bien sur le papier, mais le patron de Smart semble ignorer qu'entre Hambach et les usines annoncées, les salariés concernés devront passer au minimum trois à quatre heures dans les transports pour se rendre à leur travail. Certes, un car quotidien serait programmé durant cette période entre Hambach et Rastatt. Les salariés pourront le prendre à 4 heures du matin, afin de rentrer chez eux à 21 h…
Après des travaux de réaménagement, c'est à l'automne 2020 qu'est prévu le démarrage de la production du nouveau SUV, mais il n'est pas acquis qu'à cette date la conception même du nouveau véhicule soit terminée et il semblerait même que les bureaux d'étude soient très retard : « En cas de latence, c'est l'État français qui sera mis à contribution pour payer le chômage technique issu de la stratégie de Daimler… », s'agace Denis Bréant.
Face au risque de chômage technique, la CGT Grand-Est a interpellé le préfet de la région et a demandé à être reçue par le président du conseil régional. « Nous avons aussi rencontré la Direccte Moselle pour demander la mise en place d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) territoriale » explique Jacques Soudidier, de la CGT Grand-Est.
« Il doit y avoir de l'argent pour cela puisque ce territoire fait partie des bassins d'emploi identifiés par le Conseil national de l'industrie », estime encore le syndicaliste. Par ailleurs, la CGT Grand-Est rappelle qu'elle porte aussi le projet de la création d'une usine de batteries pour véhicules électriques en Moselle, lequel s'inscrirait en cohérence avec les évolutions de la filière automobile.
Le discours rassurant tenu par la direction de Smart n'est pas suffisant pour lever l'inquiétude qui gagne notamment les salariés de ses sous-traitants. « Sur les 300 salariés de Faurecia, on nous annonce qu'il y en a 80 en surnombre avec l'arrêt dès juin de la production de la Smart thermique. Cela veut dire concrètement qu'une centaine d'intérimaires vont être immédiatement remerciés », dénonce Sébastien Farfournoux, délégué CGT de Faurecia.
« Puisqu'ils nous indiquent qu'il y a surnombre, nous demandons la mise en place d'un plan de formation, mais aussi et surtout nous entendons attaquer Smart et Daimler en tant que notre employeur. » D'ores et déjà, le comité d'entreprise a lancé un droit d'alerte, le syndicat demande aussi qu'une convention soit passée pour la reprise des salariés de Faurecia par Daimler « sans perte de droits », ce qui est loin d'être le cas, compte tenu des reculs sociaux sur le temps de travail dont Smart s'était fait le porte-drapeau.
Pour l'heure cependant, une bourse d'emploi a déjà été lancée par Smart et de futurs ex-salariés de Faurecia commencent à postuler. Dans les jours qui viennent, l'intersyndicale – CGT, CFDT, CFE/CGC et FO – de Faurecia n'exclut pas une action de grève, si d'aventure les perspectives ne s'éclaircissaient pas pour les sous-traitants, mais aussi pour l'usine Smart elle-même pour laquelle aucune indication de volume n'a été communiquée quant à la production du futur SUV.
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