Fichiers de police : en attente d’un jugement sur le fond
Le Conseil d’État a rejeté début janvier le recours en référé des organisations syndicales et du Gisti concernant la validité des trois décrets adoptés début décembre... Lire la suite
Le premier ministre Édouard Philippe l'avait annoncé le 7 janvier sur TF1 et son collègue de l'Intérieur Christophe Castaner s'en est félicité avec véhémence : l'exécutif a repris à son compte la proposition de loi une loi « anticasseurs » que le sénateur de droite Bruno Retailleau (LR) avait présentée après les défilés du Premier mai 2018 et que la majorité LREM avait alors refusé de voter. Cette fois, pourtant, après le Sénat en octobre, l'Assemblée a adopté la loi en première lecture mardi 5 février, avec 387 voix pour, 92 contre et 76 abstentions.
Mais le texte, dont associations de défense des droits et libertés publiques, juristes, syndicats d'avocats, de même que l'opposition de gauche dénoncent le caractère liberticide, fait aussi grincer des dents dans la majorité. Au point, c'est une première, que cinquante députés LREM se sont abstenus lors du vote au Parlement.
La loi consolide le principe « casseur-payeur ». Elle permet notamment des fouilles des sacs et véhicules dans les manifestations et à leurs abords sur réquisition du procureur. Mais parmi ses articles, l'un fait particulièrement réagir : l'autorisation faite au préfet, d'interdire de manifester à titre préventif, à toute personne qui représenterait « une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ». Parmi les inquiétudes : l'éviction du juge au profit du représentant de l'exécutif et le fait qu'une telle décision ne fasse pas suite à une condamnation. Il a tout de même été ajouté une possibilité de recours en urgence des personnes concernées devant la justice administrative.
Autre inquiétude : l'article 3. Il permet d'intégrer les personnes privées de manifester au fichier des personnes recherchées (FPR). L'article 4, lui, transforme en délit (valant un an de prison et 15 000 euros d'amende) le fait de volontairement dissimuler son visage durant les manifestations.
« La proposition de loi Retailleau, reprise opportunément par un exécutif en difficulté politique, étend les mesures d'exception de lutte contre le terrorisme ou contre les mouvements sportifs violents, au contrôle d'une forme collective d'expression politique : la manifestation », dénonce le syndicat des avocats de France. Il condamne aussi les inscriptions des personnes interdites de manifestations sur un fichier « sans aucune garantie prévue quant aux conditions d'accès aux informations collectées ou modalités d'effacement ou de rectifications de celles-ci. »
Et de mettre en garde : « Le gouvernement s'attaque ici à un pilier de la démocratie : le droit de manifester, droit constitutionnel à titre de composante essentielle de la liberté d'expression ».
« En fait de “loi anti-casseurs”, il s'agit plutôt d'un projet “anti-manifestants” bien commode pour étouffer toute contestation à la source », réagissait de son côté dès début janvier le Syndicat de la magistrature.
Dès avant le débat parlementaire, la Ligue des Droits de l'Homme alertait quant à elle sur « un changement de paradigme avec la possibilité d'une répression inspirée des dispositions de l'état d'urgence dont le passage dans le droit commun ébranle déjà l'État de droit », précisant « Ce projet écarterait toujours plus la justice au profit de pouvoirs administratifs exorbitants » et mettant en garde contre le danger que la loi représente pour les libertés publiques.
Alors qu'il prépare de nouvelles réformes dont il sait qu'elles seront impopulaires, comme une nouvelle réforme des retraites, le gouvernement entend-il se donner les moyens de museler la protestation ? Malgré ces attaques contre les libertés, malgré les tentatives de criminalisation de la contestation sociale et malgré la violence de la répression, il n'a pas réussi, en tout cas, à empêcher les premières convergences revendicatives et d'action des gilets jaunes et des syndicalistes CGT.
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