Chantiers de l’Atlantique : la direction la joue à l'intox
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La négociation interprofessionnelle sur la santé au travail reprend, munie d'un calendrier. Après une première réunion le 15 juin, pour laquelle le gouvernement a fait parvenir in extremis son document d'orientation, une seconde s'est tenue le 23 juin. Les organisations syndicales y ont présenté leurs positions concernant la prévention des risques professionnels et le patronat une première trame d'un éventuel futur accord national interprofessionnel, qui pour beaucoup ressemble au texte gouvernemental.
Les rencontres ne reprendront cependant qu'après l'été pour six séances : les 3 et 22 septembre, 9 et 29 octobre et 13 et 27 novembre. Les négociateurs ont jusqu'à la fin 2020 pour aboutir.
« C'est un dossier qui traîne depuis l'automne 2018 », rappelle Jérôme Vivenza qui est membre de la direction confédérale de la CGT en charge des questions de santé au travail et négociateur. En effet, non content d'avoir gagné la suppression des CHSCT (comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), dissouts en 2017 dans les CSE (comités sociaux et économiques), le patronat entendait bien conserver les services de santé au travail (SST) dans son giron.
Voyant d'un mauvais œil une prochaine réforme de la santé au travail, il a initié la négociation interprofessionnelle en 2018 dans l'espoir de contrer le gouvernement. Or, pendant qu'il freinait, les missions et les rapports – sur la prévention et la traçabilité du risque chimique ou encore sur un système simplifié pour une prévention renforcée – ont commencé à dessiner le projet d'une réforme. Déterminées à peser dans les débats, les organisations syndicales représentatives (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO) ont quant à elles lancé un travail commun.
Mais entre les désaccords Medef-CPME et le peu d'allant de l'exécutif sur le dossier, puis les grèves de l'hiver 2019, et le nouveau coronavirus… c'est seulement le 15 juin 2020 que les organisations patronales et syndicales se sont retrouvées. Il faut dire que la réalité a rattrapé patronat et gouvernement : avec la crise sanitaire, les questions de santé et de sécurité au travail ont fait leur grand retour dans les entreprises.
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« Sur le sujet de la santé et de la sécurité au travail, on arrive à avoir une bonne dynamique intersyndicale », souligne Jérôme Vivenza. Favorables à une négociation interprofessionnelle, mais n'ayant pas l'intention de se laisser enfermer dans les cadres définis par les rapports, les cinq organisations syndicales (OS) ont très vite investi le débat.
« Il faut revoir en profondeur notre système de prévention des risques professionnels », écrivaient-elles le 6 février 2019 dans un communiqué commun. Elles annonçaient un double objectif : « Mettre en place une stratégie de prévention primaire des risques professionnels [et] assurer une traçabilité de l'état de santé des travailleurs. »
Pour ce faire, « les entreprises doivent être incitées à s'appuyer sur les acteurs de la santé au travail », afin de « respecter leurs obligations légales ». Un premier point d'achoppement avec le document d'orientation du gouvernement – prévu par le Code du travail, lorsque l'exécutif entend mener une réforme telle que celle sur la santé au travail et que s'ouvre une négociation interprofessionnelle.
Celui-ci souligne en effet que « les entreprises qui mettent en place de bonne foi les mesures de prévention […] doivent être protégées ». Autrement dit, elles ont « droit à l'erreur ». « C'est le cheval de bataille de la CPME [petites et moyennes entreprises], mais dès la première séance, le patronat a compris qu'il n'y aurait pas une seule organisation syndicale pour signer cela », rapporte Jérôme Vivenza.
Il estime que la « la responsabilité juridique et pénale des employeurs en matière de santé des travailleurs, c'est justement ce qui incite beaucoup à faire de la prévention ». Autre élément parmi d'autres du document d'orientation du gouvernement jugé « scandaleux » par les OS : l'évolution des valeurs limites d'exposition aux risques. Retiré de la pénibilité, le risque chimique réapparaît dans cette négociation, mais avec des indicateurs à la baisse.
Outre l'accompagnement des entreprises, « pour qu'elles adoptent des mesures de prévention adaptées aux risques qui leur sont propres », le gouvernement fixe comme objectifs aux négociateurs de « mieux protéger la sécurité et la santé des travailleurs et [de] favoriser leur maintien dans l'emploi tout au long de la vie », ainsi que « d'améliorer l'efficacité de la gouvernance de la santé au travail ».
Premier sujet abordé : la prévention. Quatre séances de négociation y sont consacrées et les organisations syndicales font bloc. « Actuellement, analyse le négociateur de la CGT, là où les SST pêchent le plus, c'est bien sur la prévention. On a un système de réparation qui est de plus en plus sollicité et ce sont des coûts qui se reportent sur la branche maladie de la Sécurité sociale. Sans qu'elle soit pour autant oubliée, il y a des limites à la réparation, l'enjeu étant quand même que personne ne tombe pas malade du travail. »
Portée par toutes les organisations syndicales, la traçabilité de l'exposition au risque tout au long de la vie professionnelle « s'avère le fil rouge entre la prévention et la réparation », explique Jérôme Vivenza. D'une part, elle obligerait les employeurs à faire de la prévention, d'autre part, quand viendrait le temps de la réparation, elle permettrait de comprendre comment le travailleur en est en arrivé là.
De même, alors que le gouvernement entend « favoriser une meilleure articulation avec le médecin traitant » pour pallier la pénurie de médecins du travail, les OS y voient une complémentarité : moyennant une règlementation à définir compte tenu des problèmes éthiques que cela peut soulever, le médecin traitant pourrait en effet avoir connaissance des expositions auxquelles son patient a été soumis à travers le dossier médical partagé.
« Nous, à la CGT, notre volonté dans ce dossier c'est aussi de voir comment créer les conditions pour que les travailleurs deviennent acteurs de leur propre prévention », ajoute le négociateur de la CGT.
Entre un patronat qui fait perpétuellement du chantage à l'emploi au détriment de la santé et de la sécurité au travail et des syndicats (y compris parfois de la CGT) qui demandent une prime plutôt que d'exiger la suppression du risque, il concède que c'est là une « très grande ambition ». Mais, puisque le gouvernement parle de santé au travail et de prévention, cela pourrait logiquement commencer par mettre à la disposition de tous les salariés une instance spécifique telle que l'ex-CHSCT.
Plus largement, dans la lettre de cadrage de la CGT adressée au Medef le 3 mars 2020, Jérôme Vivenza replace le travail au centre du débat : « L'approche globale du travail doit être au centre de la réforme […] L'analyse du travail réel, son organisation nous permettront de mettre la prévention au cœur du système. […] Un réel débat sur le travail nous permettra de sortir de l'impasse où nous ont amené les mauvaises pratiques qui se sont développées autour de la QVT [qualité de vie au travail]. Celles-ci nous empêchent d'aborder réellement la question de la qualité du travail. » Il ajoute que la CGT est prête à s'« investir dans cette négociation si […] aucun sujet qui touche au travail n'est tabou ». Car, qui connaît mieux le travail que ceux qui l'exercent ?
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